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Un « cent fautes »

Paris
Salle Pleyel
11/15/2009 -  et 18, 20 novembre 2009 (Milano)
Giuseppe Verdi : Messa da Requiem

Barbara Frittoli (soprano), Sonia Ganassi (mezzo-soprano), Jonas Kaufmann (ténor), René Pape (basse)
Coro del Teatro alla Scala, Bruno Casoni, (chef de chœur), Orchestra del Teatro alla Scala, Daniel Barenboim (direction)


(© Fred Toulet/Salle Pleyel)



L’affiche faisait rêver : le public ne s’y est pas trompé. Honoré par la présence de plusieurs personnalités, parmi lesquelles Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, Jacques Attali ou Stéphane Lissner, le patron de la Scala, cet unique concert parisien (le même programme devant être donné à Milan les 18 et 20 novembre), joué à guichets fermés, réunissait en effet un des chefs d’orchestre les plus célèbres de la planète, une phalange dont les mérites ne sont plus à souligner et un quatuor de solistes prestigieux dans un chef-d’œuvre qu’il est inutile de présenter, la Messa da Requiem de Giuseppe Verdi (1813-1901). Pourtant, en dépit de l’attente et de la fébrilité que pouvait susciter une telle représentation, la soirée se conclut par une franche déception.


Daniel Barenboim fait partie de ces chefs (la remarque valant d’ailleurs également lors de ses prestations en qualité de soliste) qui, selon les soirs, peuvent donner le meilleur d’eux-mêmes ou, au contraire, causer un véritable naufrage. En l’espèce, on se situe plutôt dans un « entre deux ». Sa gestique parfois grandiloquente n’aide certes pas les musiciens qui commettent ainsi de nombreux décalages avec les solistes (ainsi, dès l’« Introït », dans le Requiem aeternam) mais, de toute façon, l’Orchestre de la Scala (qui a, par le passé, enregistré cette œuvre sous les plus grandes baguettes) ne se montre pas non plus sous son meilleur jour. Ainsi, la plénitude des cordes et la justesse des cuivres sont handicapées par des bois sans charme et par quelques solos de violon au timbre plutôt aigre (à la fin de l’Offertoire, dans le « Quam olim Abrahae »). Barenboim, qui connaît parfaitement cette œuvre, choisit d’emblée une conception théâtrale où la piété et la retenue ne sont pas de mise : certains phrasés sont regrettables (de soudaines accélérations succèdent ainsi à des moments où l’orchestre peine à avancer) et font ainsi perdre à l’œuvre une partie de son aura. Si l’on peut également souligner certains forte comme étant excessifs, on ne peut, de manière générale, que regretter le manque de finition et, par conséquent, une direction qui laisse un goût amer lorsque l’on songe à la qualité potentielle des forces en présence.


Les solistes s’avèrent également inégaux. A tout seigneur tout honneur, Barbara Frittoli, qui a chanté ce Requiem à de multiples reprises, notamment sous la direction de Claudio Abbado et sous celle de Riccardo Muti (voir ici), donne, ce soir encore, une très belle interprétation, jouant souvent le rôle de repère salvateur tant pour les trois autres solistes que pour l’orchestre. Si un de ses « requiem » s’avère quelque peu étriqué (au cours du Libera me), elle n’en demeure pas moins impressionnante par son engagement et par sa technique vocale. Plus originale apparaît la prestation de la mezzo-soprano Sonia Ganassi : sans nul doute en accord avec la conception choisie par Daniel Barenboim, elle opte pour un registre franchement mélodramatique et ce, dès sa première intervention. Sa voix posée fait merveille dans le « Liber scriptus » (au sein du Dies irae) mais ses accents théâtraux donnent, par exemple, au Lacrymosa une tonalité qui tranche avec l’image que l’on est en droit de se faire habituellement d’un Requiem. Si les voix féminines s’avèrent néanmoins globalement de très bonne tenue, on n’en dira pas autant des solistes masculins. Le jeune Jonas Kaufmann tient sa partie avec beaucoup de fébrilité au point de se perdre (Barenboim devant d’ailleurs venir à sa rescousse en tournant les pages de sa partition tout en continuant à diriger) et de rater une de ses entrées. Surtout, dans le très attendu Ingemisco, il ne parvient en aucune façon à transmettre la moindre émotion à l’auditeur. Certes, on ne peut que lui savoir gré de ne pas adopter un ton larmoyant comme cela peut parfois être le cas avec d’autres chanteurs mais la ligne vocale demeure lisse et banale. Nul doute qu’avec le temps, il saura gagner l’assurance qui lui faisait défaut ce soir mais sa performance ne restera pas gravée dans nos esprits. Enfin, René Pape, et non Kwangchul Youn comme annoncé dans le programme, déçoit franchement. Outre certains décalages étonnants avec l’orchestre, sa voix manque de puissance et d’intensité, notamment dans le superbe Confutatis. Pâle figure parmi le quatuor de solistes, il ne convainc à aucun moment.


Les chœurs de la Scala de Milan sont, au cours de cette soirée, les seuls à véritablement emporter l’adhésion de tous les suffrages. Magnifiquement préparés par Bruno Casoni, ils parviennent avec une facilité déconcertante à alterner la fougue, l’inquiétude, l’apaisement et la désolation. Au final, on ne s’étonne donc pas d’entendre le public les ovationner, de même qu’il salue avec chaleur les solistes et, plus encore, le chef d’orchestre. Pour ce dernier, peut-être a-t-il néanmoins davantage voulu, ce soir, rendre hommage à l’humaniste qu’au musicien.


Le site de la Scala de Milan
Le site de Daniel Barenboim
Le site de Barbara Frittoli



Sébastien Gauthier

 

 

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