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Toute la fougue de la jeunesse Toulon Opéra 11/06/2009 - et 9* (Toulon), 26, 29 (Nice) novembre 2009, 27, 29, 31 janvier (Saint-Etienne), 19, 20, 21, 23, 24 février (Toulouse), 11, 12, 13, 14 (Marseille), 26, 28, 29, 30 (Bordeaux) mars 2010 Gioacchino Rossini : Il Viaggio a Reims
Hye Myung Kang (Corinna), Kleopatra Papatheologou (la Marquise Mélibée), Elisabeth Bailey (la Comtesse de Folleville), Yun Jung Choi (Madame Cortese), Ekaterina Metlova (Maddalena), Céline Kot (Delia), Rany Boechat (Modestina), Alexey Kudrya (le Comte de Libenskof), James Elliott (le Chevalier Belfiore), Istvan Kovacs (Lord Sidney), Gerardo Garciacano (Don Profondo), Vladimir Stojanovic (le Baron de Trombonok), Armando Noguera (Don Alvaro), Patrick Bolleire (Don Prudenzio), Jean-Christophe Born (Don Luigino), Yann Toussaint (Antonio), Baltazar Zuniga (Zefirino), Romain Pascal (Gelsomino)
Chœurs et Orchestre de l’Opéra de Toulon, Roberto Fores-Veses (direction)
Nicola Berloffa (mise en scène)
(© Frédéric Stephan)
C’est à une belle aventure que nous convie le Centre français de promotion lyrique, avec cette coproduction de pas moins de seize opéras français, coproduction placée sous le haut patronage du Ministère de la Culture : monter Le Voyage à Reims de Rossini avec de jeunes chanteurs. Le Concours « Voix Nouvelles » a choisi, au printemps 2007, 28 chanteurs de nationalités différentes pour deux distributions, qui se produisent en France depuis octobre 2008 à Reims, jusqu’en mars 2010, avant une dernière représentation à Szeged. Cet étonnant dramma giocoso créé en 1825 et redécouvert dans les années 80, comporte pratiquement treize premiers rôles, avec tous les types de voix, et des amoncellements de difficultés. Didier van Moere a déjà pu rendre compte de ce spectacle peu après ses débuts, il y a un an en Avignon (lire ici). Il est intéressant de suivre son évolution depuis, avec la même distribution, mais l’autre chef assurant en alternance les quelques cinquante représentations prévues, avant d’apprécier l’autre équipe de chanteurs, par exemple lors de leur passage à Marseille.
Les décors très stylisés transposent l’action d’un bon siècle : de la veille du Sacre de Charles X à Reims, où tente en vain de se rendre cet échantillon de la société européenne, coincé dans un palace d’une ville thermale, on passe aux années 1930, avec de jolis grooms façon Spirou, et une ambiance de comédie musicale assez réussie. La direction d’acteurs a gagné en rythme, en précision, en inventivité, et permet de passer un moment très plaisant.
Les voix de basse se sont étoffées, et parmi une distribution homogène et globalement de haut niveau, on remarque la puissance et l’autorité de Patrick Bolleire dans le rôle du médecin, Don Prudenzio, et surtout celle du Hongrois Istvan Kovacs en Lord Sidney, montant bien dans l’aigu et révélant presque un petit côté « ténor » avec son timbre de bronze. Il nous offre de beaux chants d’amour très expressifs, même si à d’autres instants (dans le « God save the King » par exemple), il se révèle un peu criard, bien inutilement. Les ténors nous laissent un peu sur notre faim, alors qu’ils avaient davantage séduit il y a un an. L’Anglais James Elliott (le Chevalier Belfiore) et surtout le Russe Alexey Kudrya (le Comte de Libenskof) paraissent un peu fluets dans leurs duos respectifs avec des femmes qui les dominent, malgré de bonnes qualités de vocalistes et un style assez élégant. En revanche, le baryton argentin Armando Noguera (Don Alvaro) rallie tous les suffrages pour sa truculente incarnation d’un fier Espagnol haut en couleur.
Parmi les femmes, la soprano Yun Jung Choi assure très convenablement le rôle de Madame Cortese (alors qu’on y annonçait la russe Oxana Shilova), avec une puissance correcte, un timbre parfois un peu agressif, mais de l’aisance dans l’aigu et dans les vocalises. Nous avons été pleinement enchanté par la prestation de la soprano Elisabeth Bailey dans le rôle redoutable de la Comtesse de Folleville, l’élégante parisienne, avec ses prodigieuses vocalises colorature. Sa voix n’est pas très puissante, mais tout à fait suffisante, et d’une finesse, d’une joliesse de timbre très séduisantes. Avec ses dentelles virtuoses et son abattage, elle a littéralement vampé la salle ! La vedette lui a néanmoins été soufflée, au moins dans le cœur du public, par deux voix exceptionnelles qui avaient déjà marqué l’an passé. La Coréenne Hye Myung Kang incarnant la poétesse Corinna avec des allures de diva, impressionne par son ampleur, son legato et son cantabile. Sa voix paraissait presque même surdimensionnée pour ce ravissant écrin à taille humaine qu’est l’Opéra de Toulon (mais dans de gigantesques vaisseaux tels que l’Opéra-Bastille, en revanche, elle eût été fort bienvenue !). On l’eût préférée moins chargée, plus subtile parfois, dépourvue de menues approximations d’intonation, mais sa capacité à galvaniser l’audience est indéniable ! Il en va de même pour la Grecque Kleopatra Papatheologou en Marquise Melibée, une mezzo qui rivalise en tout avec les sopranos dramatiques, au timbre paré d’éclats ombrés ou cuivrés, parfois lourd de menaces, et d’une perfection stylistique et interprétative constante.
Le tout jeune chef espagnol Roberto Fores-Veses, primé en 2006 et 2007 aux concours de direction d’Orvieto et de Luxembourg, mérite aussi bien des éloges pour son sens de l’animation et de la mélodie charmeuse, comme pour l’enthousiasme communiqué aux Chœurs et à l’Orchestre de l’Opéra de Toulon, très valeureux. Les ensembles, parfaitement dosés, ont été des merveilles, surtout le Sextuor du premier acte, simplement sublime. Cette représentation a été tout au long un pur enchantement.
Le site du Centre français de promotion lyrique
Philippe van den Bosch
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