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«Habet acht ! Schon weicht dem Tag die Nacht» Paris Théâtre des Champs-Elysées 11/05/2009 - et 26 (Ferrara), 30 (Dortmund) octobre, 1er (Frankfurt) et 7 (Paris) novembre 2009 Richard Wagner : Prélude de l’acte I et acte II, extraits de «Tristan und Isolde»
Waltraud Meier (Isolde), John Mac Master (Tristan), Michelle Breedt (Brangäne), Franz-Josef Selig (Marke), Michael Vier (Melot, Kurwenal)
Mahler Chamber Orchestra, Daniel Harding (direction)
D. Harding (© Julian Hargreaves)
Les choses commencent mal pour cette exécution – dans le cadre de la tournée d’automne du Mahler Chamber Orchestra – du deuxième acte du Tristan et Isolde (1859) de Richard Wagner, précédé par le prélude du premier acte, avec un faux départ de l’orchestre qui s’y reprend à deux fois pour plonger dans la fièvre de Cornouaille. De déhanchements en gesticulations, Daniel Harding irrite passablement dans ce prélude où, à force de bousculer les tempos et de désarticuler les thèmes, il amollit le propos et transforme la ligne musicale en une chose flasque et décharnée. Il faut dire que le scepticisme domine, au début de ce concert, face à une formation instrumentale qu’on n’associe pas naturellement à cette partition.
Surtout – et Brangäne a beau nous prévenir («Habet acht ! Schon weicht dem Tag die Nacht» – «Prenez garde ! La nuit bientôt prendra fin») –, on se range à contre-cœur à une évidence : l’Isolde de rêve de Waltraud Meier, entrée dans la légende des riches heures de l’histoire du chant wagnérien, est davantage un souvenir qu’une réalité. La première scène, où la «Kammersängerin» bavaroise apparaissait jadis si souveraine, présente désormais une voix usée, presque en décomposition et à la nasalité envahissante, qui peine à passer l’orchestre, même dans «Es werde Nacht, dass hell sie dorten leuchte» que d’ordinaire elle transfigure. Trop souvent, les fortissimos sont criés plutôt que projetés dans l’acoustique bien sèche du Théâtre des Champs-Elysées. Reste évidemment la magie des mots, l’appropriation absolue d’un rôle dont elle endossera à nouveau les habits en 2010 – à l’opéra Unter den Linden de Berlin en mars et avril (sous la baguette de Daniel Barenboim) puis à l’opéra de Zurich en octobre (sous la baguette de Bernard Haitink).
Alors que la voix de Waltraud Meier se réchauffe progressivement au cours de la deuxième scène – pour parvenir à une belle alchimie avec le ténor dès le premier duo – et impressionne d’intelligence dans sa toute dernière intervention, l’orchestre offre lui aussi beaucoup plus de satisfactions au deuxième acte, les vertus d’intimité et de mobilité d’une formation réduite se conjuguant à l’interprétation plus convaincante d’un chef qui ménage de beaux contrastes et de délicates nuances, jusqu’à une conclusion conquérante et maîtrisée.
Seul parmi les interprètes à s’aider de la partition, John Mac Master est, par contre, un Tristan bien terne: doté d’une voix vaillante mais sans moelleux ni rondeur, il ne parvient pas à donner le relief nécessaire à un rôle qu’il n’a interprété sur scène qu’à deux reprises, en octobre 2006 (au Welsh National Opera) et en mars 2008 (au Metropolitan Opera de New York). La ligne de chant, aux aigus matraqués et anonyme dans le grave, souffre surtout d’un registre uniforme qui ignore la nuance piano et manque singulièrement d’inventivité. Cela étant, la difficulté des rôles-titres invite probablement à davantage de retenue que les timides (et brèves) huées finales adressées aux deux amants (au milieu d’applaudissements franchement enthousiastes).
En lieu et place de Mihoko Fujimura initialement annoncée, la mezzo sud-africaine Michelle Breedt réussit, par des talents de conteuse qui compensent une voix riche mais sans beauté particulière, à habiter Brangäne et à ennoblir les fameux «appels» lancés depuis les coulisses. Michael Vier parvient à colorer intelligemment sa voix sonore pour interpréter à la fois la brève réplique de Kurwenal et les diatribes hargneuses de Melot. Quant au grand triomphateur de cette soirée chambriste d’opéra, le roi Marke de Franz-Josef Selig, il s’impose avec calme et assurance dans un rôle qu’il chante depuis plus de quinze ans, d’une voix large, riche et douloureusement plaintive.
Alors que Waltraud Meier donnera un récital de lieder, salle Pleyel, dans deux semaines, le Mahler Chamber Orchestra reviendra au Théâtre des Champs-Elysées le 27 février prochain, pour un attendu programme Mozart/Bartók/Prokofiev sous la baguette de Seiji Ozawa.
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Le site du Mahler Chamber Orchestra
Gilles d’Heyres
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