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L’art du dialogue selon Philippe Jordan

Paris
Salle Pleyel
10/16/2009 -  
Béla Bartók : Rhapsodies pour violon et orchestre n° 1, sz. 87, et n° 2, sz. 90 – Musique pour cordes, percussions et célesta, sz. 106
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano et orchestre n° 4 en sol majeur, opus 58

Hélène Collerette (violon), François-Frédéric Guy (piano)
Orchestre philharmonique de Radio France, Philippe Jordan (direction)


F.-F. Guy (© Guy Vivien)



L’association entre Béla Bartók (1881-1945) et Ludwig van Beethoven (1770-1827) doit-elle être considérée comme une preuve de la difficulté qui existerait toujours dans l’appréhension de la musique du compositeur hongrois au point qu’il soit nécessaire de lui associer une caution des plus « classiques » ? Sans nul doute… C’est peut-être également ce qui explique les rangs clairsemés de la Salle Pleyel qui, en dépit de la tête d’affiche qu’est François-Frédéric Guy, a objectivement eu du mal à séduire un vaste public pour une soirée placée sous le signe du dialogue.


Dialogue entre le violon soliste et l’orchestre tout d’abord. Les deux Rhapsodies, la Première créée par le violoniste Joseph Szigeti en novembre 1929 sous la direction de Hermann Scherchen, la seconde (dans sa version orchestrale) en janvier 1932 par Zoltán Székely et Pierre Monteux à la tête de l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, sont deux œuvres alliant de façon complexe technicité et musicalité. Chacune divisée en deux parties, lente (lassu) puis rapide (friss), ces rhapsodies offrent une nouvelle occasion d’entendre de quelle manière Bartók s’approprie le folklore hongrois pour le traduire dans son propre langage musical – ses Vingt chansons paysannes hongroises publiées en 1906 avec son compère Zoltán Kodály, et sa Suite de danses, composée en 1925, avaient certes déjà donné quelques indications à ce sujet. Hélène Collerette, l’une des violonistes solo du Philharmonique de Radio France, démontre d’emblée l’étendue de sa technique et son sens du discours : dotée d’une grande présence, elle illumine la Première Rhapsodie, accompagnée par un orchestre aux tempi trop retenus. Ce dernier se libère quelque peu sous la baguette idiomatique de Philippe Jordan, permettant ainsi au piano et au trombone avec sourdine de briller au début de la Seconde Rhapsodie. Là encore, Hélène Collerette charme de bout en bout, axant son interprétation sur l’opposition à un orchestre tour à tour bridé puis libéré pour de vifs emportements.


Classique entre tous, le discours assez péremptoire du Quatrième Concerto pour piano de Beethoven succédait aux hésitations de Bartók. Classique ? Voire… En effet, contrairement aux trois premiers dont la facture renvoie aux compositions similaires du XVIIIe siècle, le Quatrième Concerto (dont les prémices datent de février 1804 même s’il n’a été achevé qu’en 1806) débute de façon inhabituelle par des accords du soliste avant d’être repris par les cordes de l’orchestre. De même, on peut s’étonner de la brièveté de l’Andante con moto, douce réflexion avant que l’emballement ne reprenne ses droits dans le dernier mouvement. Si le discours de François-Frédéric Guy est connu (excellente technique couplée à un jeu qui a néanmoins parfois quelque difficulté à se situer entre la distanciation et l’affectation excessive), on reste circonspect à l’égard de l’approche développée par Philippe Jordan. L’orchestre n’est plus un compagnon de jeu mais juste un tapis sonore (de très bonne qualité même si le Philharmonique de Radio France a connu des soirs meilleurs) sur lequel le pianiste peut s’appuyer à loisir : de fait, dans l’Allegro moderato, la confrontation n’existe pas et l’orchestre s’avère beaucoup trop lisse. Ce reproche peut être de nouveau formulé pour les deux autres mouvements, l’Andante con moto ne distillant aucune noirceur tandis que le Rondo s’avère peu dynamique.


Composée durant l’été 1936, la Musique pour cordes, percussions et célesta, commande de Paul Sacher, est devenue dès sa création (en janvier 1937) une œuvre emblématique de Béla Bartók. Le message délivré, volontairement abstrait (d’où l’absence de recours aux termes connus de « symphonie », « suite » ou « divertissement »), repose sur une musique très expressive, chaque moitié de l’orchestre dialoguant avec l’autre au fil des quatre mouvements dans un esprit vagabondant suivant les couleurs et les contrastes requis. Force est de constater que l’Orchestre philharmonique de Radio France reprend ici ses droits ! Après avoir débuté la pièce (Andante tranquillo) dans une ambiance ténébreuse, mêlant anxiété et volontarisme (accents des violoncelles, legato des contrebasses), Philippe Jordan déploie un art consommé de la transition pour ouvrir sur un magnifique Allegro. Vif sans pour autant céder à la précipitation, laissant une large place au piano incisif de Catherine Cournot ainsi qu’aux percussions (caisse claire et timbales en premier lieu), l’orchestre se laisse guider par Jordan qui parvient à alterner de façon très convaincante le burlesque et le souffle sonore d’une partition foisonnante. Par contraste, l’Adagio se révèle bonhomme mais également inquiétant grâce, notamment, aux chaudes sonorités des altos dont la cohésion mérite d’être pleinement soulignée. L’Allegro molto rappelle la folie qui innerve les Danses folkloriques roumaines (1910) : c’est dans cet esprit que Philippe Jordan conduit un orchestre virtuose qui conclut ainsi de la plus belle manière un concert qui avait débuté de façon plus incertaine.


Le site de François-Frédéric Guy
Le site de Philippe Jordan



Sébastien Gauthier

 

 

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