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Rinaldo en version allégée

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
10/02/2009 -  et 3 octobre 2009 (Köln)
Georg Friedrich Händel : Rinaldo, HWV 7a

Varduhi Abrahamyan (Rinaldo), Maria Grazia Schiavo (Almirena, Une sirène), Karina Gauvin (Armida, Une sirène), Christophe Dumaux (Goffredo, Eustazio), Alain Buet (Argante)
Fiorenza de Donatis (premier violon), Accademia Bizantina, Ottavio Dantone (direction)


O. Dantone



Achevé à la mi-février 1711, Rinaldo est non le premier opéra italien de Händel (c’est Rodrigo composé en 1707) mais le premier qu’il composa spécifiquement pour la scène londonienne : Rinaldo fut ainsi créé au Queen’s Theatre du Haymarket, le 24 février 1711. Inspiré du fameux récit Jérusalem délivrée du Tasse (1544-1595), l’action de Rinaldo est avant tout une histoire d’amour puisqu’elle raconte principalement la façon dont Rinaldo parvient à échapper aux sortilèges d’Armida (pourtant amante d’Argante, roi de Jérusalem), magicienne machiavélique qui préfigure un certain nombre de futures héroïnes de Händel dont la belle Alcina sera l’éclatant archétype. De ce fait, les rapports avec le récit originel du Tasse (qui n’est autre qua la narration épique de la Première Croisade) s’avèrent plus que ténus.


Créé par le célèbre castrat Niccolo Grimaldi, Nicolini, qui tenait le rôle titre, le succès de l’opéra fut immense grâce à une musique efficace et inventive (même si les emprunts aux œuvres antérieures de Händel sont nombreux) et au recours à de nombreuses machineries et effets spéciaux (feux d’artifice, oiseaux vivants lâchés sur scène…). Cela n’empêcha pas le compositeur de remanier l’ouvrage à maintes reprises, notamment en 1713, avant de totalement le refondre en 1731. C’est ce qui explique peut-être que la représentation de ce soir, au Théâtre des Champs-Elysées, ait souffert d’un certain nombre de coupes par rapport aux versions discographiques existantes, qu’il s’agisse de la disparition des arias d’Eustazio à la scène 2 de l’acte I (« Sulla ruota di fortuna va girando la sperenza »), de Goffredo à la scène 3 (« No, no, che quest’alma scontenti non dà »), d’Argante à la scène 4 (« Vieni, o cara, a consolarmi ») ou même de Rinaldo à la scène 2 de l’acte III (« Il Tricerbero umiliato »). Difficile, au demeurant, pour le spectateur de faire la part des choses, les deux pages du programme qui lui était offert n’étant pas en mesure de lui apporter la moindre explication : toujours est-il que la représentation n’aura duré que deux heures quarante environ, soit une bonne demi-heure de moins que la plupart des versions disponibles au disque.


Autre surprise : le rôle-titre, tenu lors de sa création par un castrat, est, ce soir, chanté par une mezzo, Varduhi Abrahamyan, et non par une haute-contre comme on aurait légitimement pu s’y attendre. Si l’impression initiale est plutôt bonne (soulignons son duo avec Almirena au premier acte), le début de sa première aria solo « Cara sposa, amante cara, dove sei ? » déçoit franchement en raison d’une voix terne et sans grand relief ; il faut croire que ce n’était là qu’une anicroche puisque la chanteuse gagne progressivement en assurance, son timbre s’épanouissant grâce au soutien d’un orchestre dont les accents renvoient indéniablement à l’opéra italien tel qu’a pu le magnifier, à la même époque, Antonio Vivaldi (1678-1741). Par la suite, on admirera aussi bien l’agilité vocale de Varduhi Abrahamyan (magnifique air conclusif du premier acte, « Venti, turbini, prestate le vostre ali a questo piè ») lorsqu’elle demande aux dieux de l’aider à retrouver Almirena qui vient de se faire enlever par la magicienne Armida, que son caractère héroïque développé dans la très belle aria « Abbruccio, avvampo e fremo » (acte II), accompagnée de façon très originale par un basson, deux hautbois et une basse continue. On pourrait certes apprécier ici davantage de présence et de chair, là davantage d’héroïsme, mais force est de constater qu’au final, elle s’avère plutôt convaincante.


Les autres personnages féminins sont également très à leur aise. Maria Grazia Schiavo est une superbe Almirena, aidée il est vrai par une partition qui lui donne à chanter deux airs magnifiques, « Augelletti che cantate » (accompagné par les flûtes mimant les piaillements d’une nature en éveil), et, naturellement, « Lascia ch’io pianga mia cruda sorte », qui résume parfois à lui seul tout l’opéra comme l’« Alléluia » symbolise Le Messie ! Karina Gauvin campe une Armida complexe : il faut dire qu’elle est à la fois magicienne tentatrice, reine de Damas et amante d’Argante ! Parmi ses morceaux de bravoure, on signalera notamment le vrombissant aria « Furie terribili » (scène 5 du premier acte) qui annonce sa venue sur un char tiré par des dragons. Entre autres exemples, n’oublions pas non plus le douloureux « Ah ! crudel, il pianto moi, deh ! ti mova » (acte II, scène 8), aria poignante lancée par le luth et le basson avant que la voix ne joue habilement avec les pizzicati des contrebasses puis de toutes les cordes.


Les voix masculines souffrent quant à elles d’une légère infériorité, non pas que les chanteurs soient moins à la hauteur mais surtout en raison de la moindre attention que Händel leur a portée dès l’origine. Christophe Dumaux, qui chante les rôles de Goffredo et d’Eustazio (que Händel supprima dans l’ultime version qu’il tira de Rinaldo en 1731 !), fait preuve d’un beau dynamisme dans son aria « Mio cor, che mi sai dir ? » (scène 3 de l’acte II), accompagné sur le même ton par un excellent orchestre. Quant au personnage d’Argante, Alain Buet l’incarne de façon extrêmement convaincante, jouant habilement sur un double registre faisant de l’époux d’Armida un personnage emporté et va-t-en-guerre mais, au final, un peu benêt.


L’Accademia Bizantina est très bien dirigée par Ottavio Dantone, rompu à ce type de répertoire même si les premières sonorités nous donnèrent à entendre un orchestre manquant de relief. On soulignera donc aussi bien les individualités (le violon solo de Fiorenza de Donatis lorsqu’elle accompagne Almirena dans la scène 7 du troisième acte ou la flûte piccolo de Marco Brolli dans l’air célèbre « Augelletti che cantate » chanté par Almirena au premier acte) que les ensembles (les cuivres brillants lors du troisième acte ou les cordes à plusieurs reprises) d’un orchestre qui, une fois encore, a été le grand bénéficiaire du génie de compositeur de Händel.


Le site d’Ottavio Dantone
Le site de l’Accademia Bizantina
Le site de Karina Gauvin



Sébastien Gauthier

 

 

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