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La ligne jaune

Paris
Salle Pleyel
09/29/2009 -  
Hector Berlioz: Ouverture de «Benvenuto Cellini», opus 23, H. 76B – Le Carnaval romain, opus 9, H. 95
Frédéric Chopin: Concertos pour piano n° 1, opus 11, et n° 2, opus 21

Daniel Barenboim (piano)
Orchestre de Paris, Christoph Eschenbach (direction)


D. Barenboim (© Richard Haughton/Teldec Classics International)



Ce fut l’un des événements de la vie musicale de la capitale en janvier 2008: les retrouvailles de Daniel Barenboim à l’Orchestre de Paris, certes pas en tant que chef, mais en soliste: toutefois, pour émouvantes qu’elles fussent, elles ne procurèrent que peu de satisfactions d’ordre artistique (voir ici). Cet automne, «en préparation de l’année Chopin» (2010, qui marque le bicentenaire de sa naissance), il présente dans toute l’Europe un cycle dédié au compositeur, qu’il a jusqu’ici un peu moins abordé que Bach, Mozart, Beethoven ou Brahms. Outre différents récitals, il relève le défi de donner les deux Concertos au cours d’une même soirée, comme la semaine dernière à Lisbonne et, ultérieurement, à Monte-Carlo ainsi qu’à Berlin: une charge imposante (soixante-dix minutes de musique) et un pari audacieux, même si d’autres l’ont déjà tenté avec succès, comme Boris Berezovsky la saison passée au Théâtre des Champs-Elysées (voir ici). Comme il ne se produit à Pleyel dans ce programme que pour une seule soirée, en un mardi inhabituel dans l’agenda de l’Orchestre de Paris, il a suscité une belle affluence, comprenant son lot de célébrités (Etienne Vatelot, Rolando Villazon, ...), mais il sera de retour dès le 15 novembre, toujours à Pleyel, pour le Requiem de Verdi avec l’Orchestre de la Scala, avant d’y donner du 5 au 7 février, avec sa Staatskapelle Berlin, l’intégrale des Concertos pour piano de Beethoven, couplée avec des œuvres de Schönberg, et enfin, les 15 et 16 février, deux récitals Chopin.


Durant son mandat à l’Orchestre de Paris, le plus long, à ce jour, pour un directeur musical à la tête de cette formation (1975-1989), Barenboim avait dirigé trois de ses confrères dans Chopin: Perahia (1978) pour le Premier concerto, puis Zimerman (1979) et Pollini (1986) pour le Second. Compte tenu de l’impression pour le moins mitigée laissée par le Premier concerto de Brahms en 2008, n’aurait-il pas mieux valu cette fois-ci qu’il prît la place de Christoph Eschenbach, cédant à celui-ci le Steinway? Ou bien, allait-il avoir à cœur d’effacer ce navrant souvenir de la mémoire du public parisien?


Abordant les Concertos par ordre chronologique, le Second (1829) puis le Premier (1830), il triche certes parfois avec la précision, mais la finesse de son toucher, la souplesse de son phrasé et la sincérité de son approche font plaisir à entendre et ne l’empêchent pas d’avoir élégance de s’effacer dans les rares moments où le dialogue concertant met en valeur l’orchestre. Pleine d’élan, l’expression adopte volontiers une exubérance rhapsodique et lisztienne, avec ici ou là une regrettable tendance à s’épancher, voire à se pâmer dans des ralentis ou des pianissimos très marqués, notamment dans le second thème des premiers mouvements. Si la tentation du narcissisme est souvent proche, il ne franchit cependant jamais la ligne jaune du sentimentalisme, à la différence de l’accompagnement alangui et précieux offert par Eschenbach, se perdant en détails dans une lecture travaillée mais par trop fragmentaire. Si Barenboim ne s’interdit pas une certaine dureté, frappant même énergiquement du pied dans le Finale du Premier, les temps forts de son interprétation se situent sans conteste dans les mouvements lents, tout de délicatesse et de sensibilité: une atmosphère qu’il prolonge dans le premier des bis qu’il offre à des spectateurs conquis, le Deuxième (en fa dièse majeur) des trois Nocturnes de l’Opus 15 (1831), avant de prendre à la hussarde la Première (en fa dièse mineur) des trois Mazurkas de l’Opus 6 (1830) puis de s’amuser avec la Première (en bémol) des trois Valses de l’Opus 64 (1847).


Eschenbach a fait précéder chacun de ces deux Concertos par une ouverture, celle de Benvenuto Cellini (1838) ainsi que Le Carnaval romain (1844), issu du même opéra de Berlioz: un choix surprenant, car au prix d’un assez grand nombre de musiciens supplémentaires, mais intéressant, car il illustre la grande diversité du courant romantique en confrontant deux personnalités très différentes, qui n’ont guère en commun que de s’être fait connaître à Paris à partir du début des années 1830. L’un a consacré tout son œuvre au piano, l’autre, qui ne pratiquait pas l’instrument, l’a quasiment exclu; l’un a réservé la plus grande partie de son inspiration à un cadre pudique et intime, l’autre, d’un tempérament autrement plus expansif, fut le fondateur de l’orchestre moderne. Et s’ils partageaient une passion pour le théâtre lyrique, nettement perceptible, au demeurant, dans le bel canto des mouvements lents des Concertos de Chopin, il n’est pas certain que leurs goûts en la matière aient été identiques, Berlioz se référant quant à lui plus volontiers à Gluck.


De fait, dans son Chopin (Fayard), Zielinski note qu’au-delà d’un respect mutuel et d’une fréquentation des mêmes milieux intellectuels, «ils n’aimaient pas la musique l’un de l’autre». Cependant, à la demande de Berlioz, qui présentait le 14 décembre 1834 au Conservatoire Harold en Italie et deux de ses ouvertures, Chopin joua à cette occasion le Larghetto de son Second concerto. Le 25 avril 1841, il entendit Liszt dans le Concerto «L’Empereur» de Beethoven sous la direction de Berlioz, qui assista le lendemain à un récital donné par le Polonais, dont c’était le premier concert public depuis six ans. Enfin, le Français livra au Journal des débats un éloge funèbre de celui qui était son cadet de sept ans: «Ses compositions pour piano ont fait école. La grâce la plus originale, l’imprévu du tour mélodique, la hardiesse des harmonies et l’indépendance de l’accent rythmique s’y trouvent réunis à un système entier d’ornementation dont il fut l’inventeur et qui est resté inimitable. Ses études pour le piano sont des chefs-d’œuvre où se retrouvent concentrées les qualités éminentes de sa manière et ses plus rayonnantes inspirations. Nous les placerons même au-dessus de ses célèbres mazurkas qui, dès leur apparition, valurent à Chopin un succès passionné auprès des femmes surtout, et le rendirent favori de tous les salons aristocratiques.»


Toujours est-il qu’Eschenbach semble s’attacher à jouer de l’opposition simpl(ist)e entre les deux caractères, faisant sonner Berlioz – appartenant pourtant au patrimoine de l’orchestre, héritier de la Société des concerts du Conservatoire – de façon ample et (trop) généreuse, sans grande subtilité, comme pour mieux le faire contraster avec la supposée fragilité de Chopin: dommage pour une prestation orchestrale bénéficiant, comme à l’accoutumée, d’excellents soli, à commencer par celui de Gildas Prado au cor anglais.


Le site de Daniel Barenboim



Simon Corley

 

 

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