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La musique roumaine dans le siècle

Bucharest
Athénée roumain
09/04/2009 -  
Tiberiu Olah : Spatiu si ritm
Liviu Danceanu : Luxuria
Stefan Niculescu : Solo
Dan Voiculescu : Trileme
Horia Surianu : Syllogisme et doute
Costin Miereanu : Elfen Spiegel
Dumitru Capoianu : Sonata pentru violoncel solo
Nicolae Teodoreanu : Varis Variatiuni
Octavian Nemescu : Spectacol pentru o clipa
Doina Rotaru : Ielele
Cristian Lolea : Entropia
Miahi Maniceanu : Sus
Ulpiu Vlad : Din sunetul pamantului
Dan Dediu : Hyperkardia II

Ensemble Game (Olah, Danceanu et Niculescu), Alexandru Matei (direction), Ensemble Archaeus (Voiculescu, Surianu, Miereanu, Capoianu, Teodoreanu), Liviu Danceanu (direction), Ensemble Profil-Sinfonietta (Nemescu, Rotaru, Lolea, Maniceanu, Vlad, Dediu), Tiberiu Soare (direction)


Un concert fleuve, ou plutôt une succession de trois concerts, toujours gratuits, toujours dans la belle salle de l’Athénée. Si l’Orchestre de Cluj proposait une programmation assez traditionnelle dans le ton, les trois ensembles, à l’effectif beaucoup plus modeste, qui se sont produits successivement ont prouvé que la musique roumaine d’aujourd’hui, même si elle ne revendique pas une radicalité iconoclaste, cherche souvent, avec des bonheurs divers, à s’inscrire dans son temps. Composer sous Ceaucescu n’allait pourtant pas de soi : alors que certains compositeurs ont pu quitter le pays et goûter à la liberté de création et d’expression, d’autres ont dû s’accommoder d’une situation qu’on peine parfois à imaginer. L’existence, en tout cas, d’ensembles permanents de musique contemporaine à Bucarest est un signe de bonne santé et de dynamisme.


Dans le premier concert, Alexandru Matei et son ensemble de percussions rappellent un peu aux auditeurs français l’époque des Percussions de Strasbourg. Espace et rythme (1964) de Tiberiu Olah (1928), pour trois groupes de percussions, enchaîne des instantanés sonores dans un discours qui paraît d’abord un rien austère, puis se tend et s’anime progressivement. Liviu Danceanu, de la génération suivante (1954), propose, dans Luxure, pour marimba et percussions, une musique plus virtuose et plus jubilatoire, où brille Alexandru Matei, mais dont l’éclat finit par dissimuler un certain manque de substance. Grande figure de la musique roumaine après la guerre, Stefan Niculescu (1927-2008), qui étudia avec Mauricio Kagel à Darmstadt et forma beaucoup de compositeurs au Conservatoire de Bucarest, à commencer par Danceanu, se montre beaucoup plus inventif dans Synchronie I, ce qui n’étonne pas de la part d’un musicien très ouvert sur les courants les plus divers : musique généreuse aux sonorités inattendues, parfois ténues et liquides, à la fin éruptive – de Synchronie I est justement tiré Solo (1979), pour un percussionniste jouant du vibraphone et du marimba.



On retrouve, pour le deuxième concert, Liviu Danceanu, cette fois à la tête de son ensemble « Archaeus ». Trilemme (2003) fait partie des Dilemmes et Trilemmes composés par Dan Voiculescu (1940), disparu quelques jours avant le concert, qui travailla avec Stockhausen : on y sent, à défaut d’originalité réelle, une parfaite maîtrise d’écriture. Syllogisme et doute (2008) de Horia Surianu (1952), établi en France depuis 1983, joue sur la tonicité des rythmes, dans un langage où l’on sent parfois des relents de tonalité. Dans Elfen Spiegel, l’élève de Stockhausen et de Ligeti Costin Miereanu (1943), installé en France depuis 1968, réalise un peu une assez séduisante étude de rythmes et de sonorités, où de grands blocs verticaux viennent s’écraser les uns contre les autres. La remarquable violoncelliste de l’ensemble, en revanche, n’arrive pas à sauver la Sonate pour violoncelle solo (1982) de Dumitru Capoianu (1929), qui s’en tient à une écriture trop convenue et ne va guère au-delà de ce que faisait un Chostakovitch. Varis Variatiuni, enfin, de Nicolae Teodoreanu (1962), autre élève de Niculescu, laisse froid, la partition semblant reprendre à cru les psalmodies du rituel byzantin chantées ici par un prêtre.


C’est le troisième concert qui propose les partitions les plus excitantes, grâce aussi à l’excellence de l’ensemble « Profil », conduit avec une étonnante maestria par Tiberiu Soare. Spectacle pour un instant (1974) témoigne, avec ses brèves déflagrations séparées par des silences et composant une sorte de mini-drame sonore, de l’originalité d’Octavian Nemescu (1940). Les cinq sections de Ielele (2007, sortes de sirènes de la forêt) révèlent la personnalité de Doina Rotaru (1951), une élève d’Olah assez connue hors de Roumanie, en particulier en Asie - Ielele a été donné l’année dernière, par les mêmes interprètes, à l’Automne de Varsovie : écheveau d’éléments divers, sonorités cristallines ou grondements sourds, avec des pépiements de piccolo évoquant la campagne roumaine ancestrale, dans une musique parfois très tendue, d’une belle force évocatrice. Entropia (2009), de Cristian Lolea frappe par le caractère abrupt de ses contrastes, sa violence, latente ou déchaînée. La force, la puissance caractérisent aussi Sus (Là haut) du jeune Mihai Maniceanu (1976), partition très éruptive, dionysiaque, pleine de déhanchements rythmiques, volontiers virtuose (la partie de trombone !) où les musiciens prouvent qu’ils n’ont rien à envier aux meilleurs ensembles de l’Ouest. On aime moins Du son de la terre d’Ulpiu Vlad (1945), où le motif plaintif du violoncelle de Marin Cazacu, souvent répété à découvert, se trouve trop noyé dans la masse d’éclats orchestraux un peu convenus. Hommage à son maître Stefan Niculescu, Hyperkardia II de Dan Dediu (1967), actuel directeur du Conservatoire de Bucarest, affirme une écriture plus moderne ; ressemblant un peu à un Concerto grosso par la mise en valeur de certains solos, il n’est pas loin de séduire par son kaléidoscope de sonorités et de motifs, par sa dimension assez narrative – un motif rappelle d’ailleurs Le Sacre du printemps.



Didier van Moere

 

 

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