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Superbe Wozzeck

Paris
Opéra Bastille
05/03/1999 -  et 6, 8, 11, 14, 18, 22, 25 mai 1999
Alban Berg : Wozzeck
Jean-Philippe Lafont (Wozzeck), Katarina Dalayman (Marie), Robert Wörle (Hauptmann), Aage Haugland (Doktor), Donald George (Andres), Martine Mahé (Margret)
Orchestre et Choeurs de l'Opéra national de Paris, Jeffrey Tate (direction)
Pierre Strosser (mise en scène)

"Wozzeck, vous finirez à l'asile !" crie le Docteur dans la quatrième scène du premier acte, mais avec Pierre Strosser, on a l'impression d'y être dès le début ! La petite cour d'un immeuble d'habitation ouvrière du début du siècle évoque un pur lieu d'aliénation par le comportement "décalé" du couple maudit. Par exemple, les paroles de Wozzeck dans la deuxième scène du premier acte, sensée se passer dans un champ lointain, prennent un tour encore plus étranges ("Le soir, une tête roule, là !"), ou effroyablement lucides ("L'endroit est maudit"). Dans la scène suivante, la fanfare militaire, qui ne reste qu'un son lointain, semble être une hallucination dans l'esprit de Marie. Par de savants et subtiles décalages par rapport au livret, Pierre Strosser concentre l'attention sur la représentation de l'état mental des personnages, sur leur fragilité et, pour Wozzeck, sur sa danse au bord du gouffre ("L'homme est un abîme", dit-il à la scène 3 de l'acte 2). Comparé à la dernière production parisienne de l'oeuvre, celle, splendide, de Patrice Chéreau au Châtelet, basée sur une totale fluidité des éléments de décor, le travail de Pierre Strosser oppose une fixité, une inexorabilité d'un décor oppressant qui se justifie tout autant, l'approche psychologique semble même plus novatrice, cependant au final, l'impact sur le spectateur est moindre car la dimension corporelle est moins développée.

Mais cette production vaut surtout par le formidable talent vocal et dramatique de Jean-Philippe Lafont. Son investissement dans le rôle est total, son incarnation du pauvre soldat bouleversante. On reste dubitatif, par contre, concernant la Marie de Katarina Dalayman, son manque de mordant, de violence dans la voix est presque rédhibitoire (l'aixoise Martine Mahé en Margret semblait, sur ce point, nettement plus convaincante). Un bon docteur, méchant à souhait, un capitaine moyen (manque d'agilité, émission vite limitée) et de très bons seconds rôles animait cette distribution qui restait dans l'ombre du rôle titre. La direction appliquée mais manquant souvent de souffle et de tension (l'épilogue orchestral de l'avant dernière scène complètement raté : plat, dévitalisé puis bruyant !) de Jeffrey Tate décevait quelque peu.

La vraie déception cependant, au soir de cette première, était de constater les nombreux rangs clairsemés de la salle : cela tient-il à l'oeuvre (mais Lulu l'année dernière avait remporté un grand succès), au manque de vedette ? Et Lafont bon sang ! Mais il vrai que si un chanteur de sa stature (très bon Macbeth en février, Telramund à Bayreuth cet été, Falstaff à Garnier cet hiver) portait un nom allemand ou américain, le public se déplacerait nettement plus. Pour ses prochaines apparitions en France on lui conseille, à l'instar de Nathalie Dessay qui a retiré le "h" de son prénom, de se faire appeler John Philip La Font. Succès garanti.



Philippe Herlin

 

 

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