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La puissance de l'amour

Paris
Opéra Bastille
09/18/2009 -  et 21, 24, 27 septembre, 5, 7, 11, 14 octobre 2009
Gioacchino Rossini : Il Barbiere di Siviglia
Antonino Siragusa (Il Conte d’Almaviva), Alberto Rinaldi (Bartolo), Karine Deshayes*⁄Isabel Leonard (Rosina), George Petean (Figaro), Paata Burchuladze (Basilio), Aimery Lefèvre (Fiorello), Jeannette Fischer (Berta), Denis Aubry (Un ufficiale)
Orchestre et chœurs de l’Opéra national de Paris, Bruno Campanella (direction )
Coline Serreau (mise en scène)


(© Opéra national de Paris/Christian Leiber)


Joli décor, jolis costumes, jolie histoire : le conte oriental que nous raconte Coline Serreau fait de nouveau plaisir à voir, sept ans après sa première présentation. Parce que tout pétille comme chez Rossini, parce que, comme chez lui, rien ne pèse. Situer Le Barbier à Kaboul, faire de Bartolo un barbu rétrograde, nous plonger « dans un monde où l’enfermement de la moitié de l’humanité est encore de règle », avec une Rosine voilée dissimulée derrière un moucharabieh, voilà qui pouvait, dans les meilleures intentions du monde, donner une transposition laborieuse. Il n’en est rien : pleine de finesse souriante, la mise en scène, loin de nous asséner une leçon de morale, nous invite plutôt à croire en la puissance de l’amour, qui conduit les époux, à la fin, dans une idyllique palmeraie des premiers matins du monde. Et Coline Serreau dirige ses chanteurs, réglant impeccablement ses effets. Tout justifiait donc cette seconde reprise.


Figaro est toujours George Petean, plus assuré qu’il y a deux ans. Beau timbre, aigu superbe, colorature solide à défaut d’être brillante, le baryton roumain se garde toujours de tout excès, ne confondant pas le Barbier avec Rigoletto, conservant la souplesse exigée par le buffa rossinien, camelot bon enfant au service de la jeunesse et de l’amour – la comparaison avec Dalibor Jenis, Figaro en mars et en avril prochains, sera intéressante. Il se fait du coup ravir la vedette par l’éblouissant Antonino Siragusa. Non que la voix séduise par sa rondeur et son velours, à la différence de celle d’un Juan Diego Florez – le timbre est plutôt dans le nez. Mais elle a de l’éclat et nous entendons ici un authentique ténor rossinien, comme le montrait déjà son Norfolk d’Elisabetta, regina d’Inghilterra à Pleyel. Le phrasé, de plus, a beaucoup gagné en élégance et la vocalisation stupéfie par sa précision, surtout dans un « Cessa di piu resistere » - où le Comte se transforme en footballeur de l’équipe d’Italie - que sa virtuosité finit par légitimer alors qu’on peut le trouver dramatiquement discutable. Rosine à la fois mutine et sensible, vocalisant à ravir, Karine Deshayes fait heureusement oublier la crécelle trop aiguë de Maria Bayo. On regrette néanmoins l’extrême pâleur du médium, si bien que l’on s’interroge sur sa vraie tessiture – son Roméo bellinien, à Avignon, n’en aura que plus d’intérêt. Ruiné vocalement, trémulant comme jamais, Samuel Ramey chantait plus Philippe II ou Boris que Basile, mais il connaissait son Rossini. Paata Burchuladze, lui, s’égare dans un univers qui n’est pas le sien, incapable de soutenir le tempo – pourtant fort modéré – de la Calomnie, s’empêtrant lourdement dans le champagne rossinien – plus facile, le second acte passe mieux. Cet univers, Alberto Rinaldi y a fait toute sa carrière : avec une voix élimée qu’on entend à peine, il reste un Bartolo crédible, très à l’aise dans le chant syllabique rapide de « Signorina, un’altra volta ». Jeannette Fischer, elle, est toujours aussi irrésistible - et impeccable - dans son numéro de servante déjantée.


Sept ans après, Bruno Campanella, pour qui l’œuvre n’a guère de secret, revient dans la fosse. Du solide… et de la finesse : un trait des bois ici, une phrase des cordes graves là, qu’on n’aurait pas perçus, prennent de l’intérêt. L’orchestre ne pèse jamais, ni dans les finales, ni dans la Tempête. Il manque seulement à cette direction un peu d’humour, un peu de sel, ingrédients nécessaires de ce buffa rossinien réservé aux gourmets.



Didier van Moere

 

 

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