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Forza musica ! Bruxelles Bozar, Salle Henry Le Bœuf 09/04/2009 - Georges Enesco : Rhapsodie roumaine n°1, opus 11 n°1
Maurice Ravel : Concerto pour piano en sol majeur – Ma mère l’Oye
Edward Elgar : Variations « Enigma », opus 36 Anna Vinnitskaya (piano)
Royal Philharmonic Orchestra, Charles Dutoit (direction)
A. Vinnitskaya et C. Dutoit (© D.R.)
Une programmation généreuse et mêlant les genres, des musiciens provenant des quatre coins du monde, un slogan berlusconien (« Forza musica ! »), une communication qui se la joue cool (histoire sans doute de briser les clichés), une gazette quotidienne trilingue et gratuite, des tarifs modiques (un FestivalPass ! de 49 euros permet ainsi d’accéder à presque toutes les manifestations) : le KlaraFestival, toujours sous l’impulsion de son directeur créatif (sic) Patrick De Clerck, reste fidèle aux recettes de son succès et inaugure, comme l’année dernière, la nouvelle saison bruxelloise. Du 28 août au 11 septembre, une quarantaine de manifestations se répartissent en trois séries : Lunch à 12 heures 30 à Flagey, Evening à 20 heures à Flagey ou au Bozar et Late Night à 22 heures, de nouveau à Flagey. A cela s’ajoutent des Special Events, pendant la journée, notamment dans les gares de Bruxelles-Midi, Central et Nord et les stations de métro, ainsi que des Living Room Events dans des salons privés ouverts au public.
A l’honneur cette année, la Suède, qui préside le Conseil de l’Union européenne, et l’Extrême-Orient. L’Orchestre symphonique de la Radio suédoise se produira les 9, 10 et 11 septembre, avec, le 10, le Chœur de la Radio suédoise que l’on pourra entendre seul le 8 dans la Galerie Ravenstein et à Flagey. Sous la direction de Myung-Whun Chung, l’Orchestre philharmonique de Séoul fut invité le 31 août de même que le Hong Kong Chinese Orchestra les 2 et 3 septembre. Figurent également à l’affiche l’Ensemble TIMF, spécialisé dans le contemporain, ainsi que d’autres artistes suédois, japonais, chinois et coréens peu connus chez nous. Bien entendu, la radio flamande Klara relaye largement ces concerts.
Annoncé sold out, le premier European Gala de la saison s’inscrit dans le cadre de ce bouillonnant festival qui ne se prend décidément pas au sérieux. Trois hommes bien sapés arrivent sur scène pour inviter, en chantant, les spectateurs à désactiver leur téléphone portable : public hilare et initiative aussi drôle qu’efficace, aucune sonnerie n’ayant retenti lors de la prestation du Royal Philharmonic Orchestra dirigé par son nouveau chef principal, Charles Dutoit. La Première rhapsodie roumaine (1901) d’Enesco constitue une belle entrée en matière, d’autant plus que la formation londonienne offre un premier aperçu convaincant de ses qualités collectives et individuelles. Le chef suisse, qui ne compte pas parmi les baguettes les plus passionnantes à observer, obtient une prestation irrésistiblement rythmée. Cela dit, d’autres partitions du compositeur, comme Œdipe et les Symphonies, se font décidément bien rares à Bruxelles.
Combien de personnes se sont-elles déplacées pour Martha Argerich ? Annoncée souffrante, elle a déclaré forfait en dernière minute, ce qui permet de retrouver Anna Vinnitskaya dont la crinière n’a rien à envier à celle de la pianiste argentine. La gazette du festival ne manque d’ailleurs pas d’indiquer qu’elle a également remplacé Hélène Grimaud cet été à La Roque d’Anthéron. Dès lors, le Concerto en sol (1931) de Ravel se substitue à celui de Schumann, ce qui ne cause aucun problème pour l’orchestre puisque l’œuvre figure aussi au programme de la tournée qu’il effectue actuellement. Après quelques menus décalages dans les premières mesures, le chef et la soliste russe, premier prix au Concours Reine Elisabeth en 2007, trouvent rapidement leurs marques et livrent finalement une prestation sans esbroufe et éclatante, bien qu’accusant ponctuellement une finition instrumentale perfectible, en particulier du côté des vents. De la belle ouvrage qui ne marque pas les esprits.
Anna Vinnitskaya offre en bis « Entretiens de la Belle et de la Bête » de Ravel, ce qui annonce la seconde partie de soirée. Dans Ma mère l’Oye (1908, orchestré en 1911), Charles Dutoit extrait de ses musiciens des couleurs idoines et obtient des cordes une texture remarquablement souple et légère. Mené à une allure parfaite, « Le Jardin féerique » conclut en une touchante apothéose cette lecture qui séduit davantage par la richesse de ses coloris et ses lignes tracées avec science que par ses détails.
Changement de style avec les Variations « Enigma » (1899), partition des plus célèbres d’Elgar. Toujours aussi économe en gestes, l’ancien directeur musical de l’Orchestre symphonique de Montréal et de l’Orchestre national de France se penche avec soin sur chacune de ces variations qui confèrent à ce chef d’œuvre de la musique anglaise des contrastes expressifs du plus bel effet, entre humour, tendresse et grandeur victorienne. Il tient fermement le discours, pas trop ample et massif, tandis que les musiciens donnent le meilleur d’eux-mêmes.
Le prochain European Gala aura lieu le 25 septembre : l’Orchestre symphonique de Göteborg dirigé par Gustavo Dudamel interprétera la Première Symphonie de Beethoven, les Rückert-lieder de Mahler, avec Anna Larsson, et, last but not least, la spectaculaire Quatrième Symphonie de Nielsen.
Le site du KlaraFestival
Le site du Royal Philharmonic Orchestra
Le site d’Anna Vinnitskaya
Sébastien Foucart
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