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Histoire d’une rédemption Bayreuth Festspielhaus 08/02/2009 - et 5, 15, 19*, 27 août 2009 Richard Wagner: Parsifal
Detlef Roth (Amfortas), Diógenes Randes (Titurel), Kwangchul Youn (Gurnemanz), Christopher Ventris (Parsifal), Thomas Jesatko (Klingsor), Mihoko Fujimura (Kundry), Arnold Bezuyen, Friedemann Röhlig (Chevaliers du Graal), Julia Borchert, Ulrike Helzei, Clemens Bieber, Timothy Oliver (Ecuyers), Julia Borchert, Martyina Rüping, Carola Gruber, Anna Korondi, Jutta Maria Böhnert, Ulrike Helzel (Filles fleurs), Simone Schröder (alto solo)
Chœur et Orchestre du Festival, Daniele Gatti (direction)
Stefan Herheim (mise en scène), Heike Scheele (décors), Gesine Völlm (costumes)
(© Bayreuther Festspiele GmbH/Enrico Nawrath/2008)
2009 aura été une année de transition à Bayreuth, où le tandem formé par les demi-sœurs Eva et Katharina Wagner a succédé à Wolfgang Wagner, leur père et petit-fils de Richard. Les deux nouvelles co-directrices ont annoncé qu’elles entendaient s’accorder quelques mois de réflexion avant de commencer à imprimer leur marque sur le célèbre festival. C’est la raison pour laquelle l’édition 2009 n’a comporté que des reprises (Tristan, Parsifal, Les Maîtres Chanteurs et le Ring). Il ne reste plus qu’à espérer que les quelques bouffées d’air frais proposées cette année (notamment la retransmission de représentations sur le web et la création d’une production du Vaisseau fantôme pour les enfants) permettront rapidement de relancer une manifestation passablement sclérosée par le très long règne de Wolfgang Wagner (51 ans, un record).
Parsifal est une reprise de l’année dernière. La mise en scène du Norvégien Stefan Herheim se révèle une des productions les plus créatives, intelligentes et complexes jamais vues sur une scène d’opéra, tellement riche que, paradoxalement, elle peut donner l’impression d’être inaboutie. Quoi qu’il en soit, la nouvelle direction serait bien inspirée d’en faire profiter le plus grand nombre, par le biais d’un DVD ou d'Internet par exemple. Dans des décors représentant la villa du compositeur à Bayreuth, le chaste fol traverse l’histoire de l’Allemagne et du clan Wagner dans ce qui s’apparente à un voyage dans l’inconscient collectif de la nation, de la Première Guerre Mondiale jusqu’aux débats du Bundestag dans les années 1950, avant qu’un énorme miroir ne vienne refléter le public dans la salle, en un flash saisissant du moment présent, comme pour signifier que nous sommes en fin de compte tous concernés. Un artifice, soit dit en passant, qui permet d’apercevoir brièvement le chef et quelques musiciens, puisqu’on sait qu’à Bayreuth la fosse est cachée. Seul un metteur en scène étranger pouvait se permettre de planter des drapeaux à la croix gammée à la fin du IIe acte, dans un lieu de surcroît qui a été, dans les années 1930, une vitrine de la propagande nazie. La scène continue de susciter bien des remous, comme on peut aisément l’imaginer. Très intellectuel, le spectacle conçu par Herheim n’en demeure pas moins un régal pour les yeux, avec une débauche d’effets, mais où la poésie n’est pas absente. Pour un compte rendu plus détaillé, on lira la critique publiée l’année dernière, à la création de la production (lire ici).
Musicalement, la soirée se hisse au même niveau. Si Daniele Gatti récolte quelques sifflets pour ses tempi passablement étirés (4h25 de musique, 10 minutes de moins tout de même qu’en 2008), son interprétation gagne en ferveur et en douceur ce qu’elle perd en intensité dramatique. L’ensemble de la distribution s’est bonifié en un an, avec Kwangchul Youn – le plus applaudi au rideau final – conférant des tons de velours à Gurnemanz, Christopher Ventris incarnant un Parsifal solide et vaillant et Detlef Roth prêtant des accents pétris d’humanité à Amfortas. Seule la Kundry de Mihoko Fujimura continue de décevoir d’une année à l’autre, la chanteuse étant souvent contrainte de forcer. Le meilleur est gardé pour la fin: la superbe prestation du chœur, pilier de Bayreuth.
Claudio Poloni
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