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Une Traviata sans artifices Saint-Céré Saint-Jean-Lespinasse (Château de Montal) 07/27/2009 - et 30 juillet (Cahors), 4, 7, 11*, 14 août (château de Montal) 2009 Giuseppe Verdi : La Traviata (adaptation Philippe Capdenat) Burcu Uyar (Violetta), Charles Alves Da Cruz (Alfredo), Matthieu Lécroart (Germont), Hermine Huguenel (Flora), Eric Vignau (Gaston), Jean-Michel Ankaoua (Baron Douphol), Alain Herriau (Marquis d’Obigny), Jean-Claude Sarragosse (Docteur Grenvil), Flore Boixel (Annina), Yassine Benameur (Le commissionnaire), Mathieu Toulouse (Le jardinier)
Chœur Opéra éclaté, Orchestre du Festival de Saint-Céré, Dominique Trottein (direction musicale)
Olivier Desbordes (mise en scène), Patrice Gouron (décors, costumes et lumières)
(© Benoît Michou)
Aux portes de Saint-Céré, sur le territoire de la commune de Saint-Jean-Lespinasse, le château de Montal (XVIe) est l’un de ces lieux privilégiés où le festival offre des spectacles en extérieur et prend ainsi de faux airs de Glyndebourne, puisqu’on y pique-nique (avec tables et chaises), une heure avant le spectacle, pour une somme (10 euros) bien plus modique que l’assiette – foie gras et cabécou de rigueur – arrosée, comme il se doit, de cahors. Le public trouve dans l’agrément d’une excellente acoustique la compensation du désagrément de devoir se serrer sur les sièges. Et, par bonheur, la météo est clémente, même si le plein air peut toujours réserver des surprises, un hélicoptère ayant décidé de survoler le site précisément au moment même où Dominique Trottein s’apprêtait à lever la baguette.
Cette année, Montal accueille à cinq reprises La Traviata (1853) de Verdi, qui est par ailleurs représentée une fois à Cahors: créée en 2007, cette production est emblématique de l’art avec lequel Olivier Desbordes parvient à tirer le meilleur parti des servitudes inhérentes au lieu et à la modestie des moyens dont il dispose. Il faut donc aller à l’essentiel, ce qui se traduit par une Traviata sans artifices, débarrassée de tout ce dont le superflu et la tradition la défigurent parfois et centrée autour d’une solide direction d’acteurs et de quelques symboliques simples et fortes. Dès lors, en l’absence de décors, les quelques éléments de scénographie (fauteuils, seaux à champagne, rangée de lampadaires sans abat-jour) déplacés par les chanteurs eux-mêmes, les costumes et les lumières de Patrice Gouron prennent également toute leur importance.
Au premier acte, les maquillages blafards, les éclairages bleutés, le blanc de Violetta tranchant sur les robes longues et les nœuds papillons, suffisent à désigner la victime d’une tragédie des conventions bourgeoises. De même, au deuxième acte, douze grandes fleurs rouges que les élans des personnages ne cessent de renverser disent l’illusion protectrice et idyllique du refuge campagnard des amants. En revanche, le second tableau du deuxième acte, chez Flora, stimule une imagination plus débridée, presque bouffe avec les pas de danse de Gaston, l’impayable Eric Vignau, dans le chœur des matadors. Le dernier acte revient à un style plus dépouillé, avec une Violetta blottie dans le manteau de Germont et allongée sur une vilaine paillasse, ayant pour seule compagnie une carafe d’eau et des personnages figés qui lui tournent le dos.
Comme de coutume à Saint-Céré, la partition doit elle aussi s’adapter à différentes contraintes. A cette fin, quelques coupures ont été opérées et l’orchestration a été arrangée par Philippe Capdenat pour un effectif instrumental réduit (bois, cuivres et percussions limités à un représentant par pupitre, hormis les deux cors, et dix cordes, soit un total de dix-neuf musiciens), placé au pied de la scène, côté jardin (à tous les sens du terme), auquel répond un chœur comprenant quatre femmes et cinq hommes. Plus enthousiaste que précis, l’orchestre accompagne une distribution très inégale. Malgré une émission et un timbre irréguliers, Burcu Uyar (née en 1978) négocie généralement avec les honneurs les difficultés de sa partie, mais ne semble véritablement endosser le rôle-titre qu’au dernier acte. La soprano turque, qui a chanté avec Florent Pagny voici quelques années, aurait mieux fait de lui proposer de la rejoindre ici plutôt que de se produire avec un Alfredo en complète perdition. Hermine Huguenel en Flora et Jean-Claude Sarragosse en Grenvil font regretter la trop courte durée de leurs prestations, mais le grand triomphateur est le Germont de Matthieu Lécroart: ne cherchant pas à jouer les pères nobles, le baryton français brille par sa justesse, son intelligence et son sens des nuances et du phrasé.
Le site du château de Montal
Simon Corley
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