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Vendetta

Savonlinna
Olavinlinna
07/28/2009 -  et 30 juillet, 1er août
Pietro Mascagni : Cavalleria rusticana
Ruggero Leoncavallo : Pagliacci

Cavalleria rusticana
Marianne Cornetti (Santuzza), Zoran Todorovich (Turiddu), Maria José Trullu (Lucia), Carlos Almaguer (Alfio), Sarah Punga (Lola)
Pagliacci
Giuseppe Giacomini (Canio), Susanna Branchini (Nedda), Carlos Almaguer (Tonio), Amedeo Moretti (Bebbe), Fabio Previati (Silvio)
Chœur et Orchestre du Teatro Massimo de Palerme, Donato Renzetti (direction)
Lorenzo Mariani (mise en scène)


G. Giacomini (© Timo Seppäläinen/Itä-Savo)


Chaque année, depuis deux décennies, le festival de Savonlinna invite une scène lyrique à présenter certaines de ses productions : après le Bolchoï et l’Opéra de Shanghai, le Teatro Massimo de Palerme était cet été l’hôte du château, avec Cavalleria rusticana et Paillasse (2007), puis Les Puritains (2008). Pas plus que ceux du festival, ces deux spectacles ne se caractérisent par une grande audace de mise en scène : on reste dans la tradition, il ne s’agit que d’illustrer et d’accompagner la musique, d’en trouver un équivalent visuel. C’est à prendre ou à laisser – on ne connaît d’ailleurs pas l’Italie comme un haut lieu du Regietheater.


Ainsi n’échappe-t-on pas, dans l’opéra de Mascagni, aux pénitents portant sur leurs épaules une Vierge ou un Christ géants pour célébrer la Résurrection. Et qu’on se rassure : le charretier Alfio a bien sa cravache. On ne se situe par très loin, finalement, de la fameuse scène du Parrain 3. La direction d’acteurs de Lorenzo Mariani ne se refuse pas un réalisme de convention et reste bien dans le mélodrame. Cette église géante composée par des lumières électriques, ces silhouettes noires n’en sont pas moins d’un heureux effet, signes à la fois du poids d’une tradition et d’un destin. Bref, la Sicile telle qu’en elle-même. Musicalement, on retient d’abord la direction parfaite de Donato Renzetti, théâtrale mais raffinée, d’un lyrisme intense et dominé, aux phrasés naturels, aux rubatos remarquablement dosés, sans la moindre complaisance dans l’émotion. Il obtient de l’orchestre, très en forme, une fort belle pâte sonore, évitant donc tous les effets douteux d’un prétendu vérisme. La distribution s’avère plus inégale. Passons vite sur Lola, qui n’est que vibrato et Mamma Lucia, qui n’est qu’acidité. La mezzo américaine Marianne Cornetti adapte assez aisément sa voix large et quelque peu instable à la tessiture redoutablement hybride de Santuzza – un rôle de falcon, en réalité -, ni histrionique ni subtile, un peu monolithique dans ce rôle où il faut plus de jeunesse et de sensualité frustrées. Zoran Tororovich présente plutôt le cas contraire : ce Turiddu stylé, ne sanglotant jamais, sans cesse soucieux de sa ligne comme il faudrait que ce soit toujours le cas, bien éloigné d’une mauvaise tradition, doit malheureusement forcer une voix trop légère pour le rôle, à la peine dans le passage et l’aigu dès l’air d’entrée chanté en coulisses – son Manrico genevois a d’ailleurs récemment mis à nu ses embarras avec les rôles trop spinto. L’Alfio du baryton mexicain Carlos Almaguer, qui fut Rigoletto à Marseille, se situe à l’opposé, par son timbre mordant, ses aigus dardés, sa brutalité arrogante, certes plus solide que nuancé, mais ne s’égarant pas sur les sentiers de l’expressionnisme à tout va.


Paillasse inspire au metteur en scène un spectacle très proche du cinéma néo-réaliste italien, nous plongeant dans l’univers d’un Fellini – on ne rappellera pas qu’il est le réalisateur de La Strada. Costumes colorés, déhanchements du twist, tout rappelle la fin des années 1950, dans une perspective plus moderne que celle de Cavalleria. La direction d’acteurs s’avère aussi plus fine dans la caractérisation, sans excès dans le tragique ou le bouffon, si bien qu’on prend un grand plaisir à voir ce spectacle plein de vie dont le réalisme ne sombre pas dans la caricature, avec, au second acte, un jeu réussi entre fiction et réalité. Le chef n’est pas moins excellent que dans Cavalleria, la tension dramatique n’excluant pas le travail sur les timbres – comme chez Mascagni, le chœur témoigne de son côté d’une fort belle homogénéité. Giuseppe Giacomini bluffe ou irrite : à bientôt 70 ans, il a encore assez de métier pour affronter toutes les notes de Canio, presque plus à l’aise, même s’il confine au cri, dans un aigu dont la stabilité étonne ; il faut néanmoins endurer l’usure extrême du timbre, un vibrato aggravé dans le médium, qui font du clown un vieil homme pitoyable. Cela dit, il peut émouvoir par sa sincérité, son engagement, sa tenue aussi, à défaut de séduire par une subtilité dont il n’a jamais été coutumier. On le préfère pourtant à un Fabio Previati, dont le Silvio échoue à phraser, très inférieur à Carlos Almaguer, égal à lui-même, venimeux mais bien chantant, vocalement plus flatté par Tonio, où son baryton s’épanouit davantage, que par Alfio. Susanna Branchini, qui oscille elle-même entre des rôles lyriques et des emplois plus spinto, aggravant peut-être ainsi les aspérités de sa voix, peine à concilier les deux visages de Nedda : si les passages dramatiques lui conviennent bien, malgré une certaine faiblesse dans le médium et le grave, l’air des oiseaux la gêne passablement, où on doit avoir une agilité quasi belcantiste lui faisant totalement défaut.



Didier van Moere

 

 

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