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Salon de musique Salon-de-Provence Château de l’Emperi 08/04/2009 - Alexandre Borodine : Quatuor pour flûte, hautbois, alto et violoncelle
Dimitri Chostakovitch : Trio avec piano n° 2, opus 67 – Sonate pour violoncelle et piano, opus 40 – Quatuor n° 8, opus 110
Emmanuel Pahud (flûte), François Meyer (hautbois), Daishin Kashimoto, Deborah Nemtanu (violon), Lise Berthaud (alto), Raphaël Perraud (violoncelle), Frank Braley (piano)
Chaque été depuis 1993, le château médiéval (Xe-XIIIe) situé dans le centre historique de Salon-de-Provence accueille «Musique à l’Emperi». Même Nostradamus, enfant du pays, n’avait certainement pas prévu un tel succès – les vieilles pierres réservant l’heureuse surprise d’une parfaite acoustique – dont on doit l’initiative à un triumvirat formé du pianiste Eric Le Sage, du clarinettiste Paul Meyer et du flûtiste Emmanuel Pahud, la présidence de ce festival étant confiée depuis 2007 à Jérôme Bloch.
Intitulée «Saison russe», sa dix-septième édition témoigne à nouveau d’un indéniable souci d’originalité: les grands noms sont bien sûr à l’affiche (Chostakovitch, Prokofiev, Rachmaninov, Rimski-Korsakov, Schnittke, Stravinski, Tchaïkovski), mais c’est aussi l’occasion d’entendre des auteurs moins célèbres, tels Arenski, Cui, Kusyakov, Lourié ou Markevitch. Pour ce faire, les trois directeurs artistiques ont réuni comme de coutume leurs amis (Gilbert Audin, Bertrand Chamayou, Sergeï Nakariakov, Raphaël Pidoux, ...), ce qui confère à cette manifestation un caractère à la fois professionnel et détendu. Du 27 juillet au 6 août, la programmation comprend au total neuf concerts, dont un gratuit pour le jeune public (Pierre et le loup), et une conférence. Elle associe en outre à deux reprises musique et cinéma, Baptiste Trotignon (piano) et Thierry Escaich (orgue) improvisant pendant que sont projetés des films soviétiques, respectivement L’Homme à la caméra et La Nouvelle Babylone.
2009 oblige, Haydn est honoré: outre quelques-uns de ses trios (avec flûte ou avec violon), on le retrouve de façon inattendue au détour d’une rareté de Borodine, le Quatuor pour flûte, hautbois, alto et violoncelle (1856), qui ne dissimule pas ses emprunts au maître d’Esterházy, en particulier dans les deux mouvements extrêmes, tandis que les deux brefs mouvements centraux font preuve de davantage de personnalité. L’écriture ne confère pas tout à fait à la flûte d’Emmanuel Pahud (soliste de la Philharmonie de Berlin) et au hautbois de François Meyer (soliste à la Philharmonie de Nice) le rôle des deux violons d’un quatuor à cordes, tandis que l’alto de Lise Berthaud et le violoncelle de Raphaël Perraud (premier solo à l’Orchestre national) demeurent le plus souvent confinés à des figures d’accompagnement.
Mais ce n’était qu’un zakouski à une «Soirée Chostakovitch» associant ses trois plus célèbres œuvres de musique de chambre, du duo au quatuor, se rattachant à différentes périodes créatrices. Par effectif croissant et par ordre chronologique, voici d’abord la Sonate pour violoncelle et piano (1934): pas de surcharge dans le pathos ni dans l’ironie chez Raphaël Perraud, aux côtés duquel Frank Braley, alternant subtilité et puissance, contribue pleinement à assurer la charge expressive. Avant de donner cette Sonate, les deux musiciens avaient formé avec David Grimal un ensemble convaincant dans le Second trio avec piano (1944), prenant chacun les risques interprétatifs sans lesquels ces pages seraient privées d’une grande partie de leur impact.
Après cet hommage à l’ami disparu, le Huitième quatuor (1960), traversé par le même thème de couleur hébraïque, porte, au-delà de l’inspiration que Chostakovitch aurait trouvée après avoir découvert les séquelles des bombardements de Dresde et de la dédicace consécutive «aux victimes de la guerre et du fascisme», un message tout aussi intime, que signale d’emblée l’énoncé des initiales du compositeur, suivi de nombreuses autocitations. Daishin Kashimoto, qui impose sa forte présence, et par Deborah Nemtanu, supersoliste de l’Ensemble orchestral de Paris, rejoignent Lise Berthaud, étonnante de justesse et de puissance, et Raphaël Perraud. Après une mise en route un peu prudente, l’Allegro molto n’en surgit que de façon plus impressionnante et les partenaires réunis pour l’occasion, faisant oublier qu’ils ne constituent pas une formation permanente, ne lâchent ensuite plus l’auditeur, jusqu’au délitement final, dans une vision plus âpre que larmoyante.
Le site de Musique à l’Emperi
Le site de Jérôme Bloch
Simon Corley
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