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Dans la famille Queyras

Forcalquier
Mane (Prieuré de Salagon)
07/29/2009 -  
César Franck : Sonate pour violon et piano (adaptation pour violoncelle) (#)
Ivan Bellocq : Trio avec piano n° 2 (création des trois premiers mouvements)
Alban Berg : Pièces pour clarinette et piano, opus 5 (*)
Guillaume Lekeu : Quatuor avec piano

Jean-Marc Fessard (clarinette), Judith Ingolfsson (violon), Pascal Robault (alto), Véronique Marin, Jean-Guihen Queyras (#) (violoncelle), Jean-Claude Henriot (*), Frédéric Lagarde (#) (piano), Dumky Trio: Frédéric Lagarde (piano), Pierre-Olivier Queyras (violon), Véronique Marin (violoncelle)






Un festival autour d’un grand violoncelliste, se déroulant dans un magnifique prieuré roman entouré de montagnes et où l’on pratique la musique de chambre entre amis dans une ambiance aussi studieuse que détendue: le Festival Pablo Casals de Prades, à Saint-Michel de Cuxa, au pied du Canigou dans les Pyrénées? Pas du tout, car il s’agit ici de Jean-Guihen Queyras, du prieuré de Salagon et de la montagne de Lure (1826 mètres) dans les Préalpes: la «journée continue» de musique de chambre offerte par de jeunes étudiants des conservatoires de Paris et de Lyon chaque année en juillet à partir de 1983 à Forcalquier en la cathédrale Notre-Dame-du-Bourguet s’est institutionnalisée depuis 1989 sous le nom de «Rencontres musicales de Haute-Provence». Ces cinq heures de musique non-stop et à entrée libre le dimanche entre 15 heures et 20 heures marquent d’ailleurs toujours le début du festival, qui s’installe ensuite pour cinq concerts à Mane, à quelques kilomètres à l’ouest, dans l’ancien prieuré bénédictin de Salagon (XIIe-XVe), avant de se conclure à Manosque le 1er août: une semaine de manifestations précédée, dès le 20 juillet, d’un «stage jeunes musiciens», d’une conférence du compositeur invité de cette édition, Ivan Bellocq (né en 1958), de répétitions publiques et de la projection d’un film consacré à la genèse du Quatuor pour la fin du temps de Messiaen. Le développement du festival, c’est aussi, depuis 2004, la volonté de susciter une activité musicale en dehors de la période estivale dans la communauté de communes du pays de Forcalquier-Montagne de Lure.


Dans la famille Queyras, je demande d’abord le père, Jean-François: le fondateur de ces «Rencontres» est le génie du lieu, veillant à conserver au festival tout ce qui fait son charme et sa spécificité. Il s’attache en outre à présenter brièvement chaque programme au public, de façon plus décontractée que didactique, ne se privant par exemple pas de citer le fameux aphorisme (attribué à Satie) «Il vaut mieux avoir l’âge de ses artères que l’âge de César Franck». Car le slogan, c’est «Musique pour tous», ce dont témoignent non seulement la «journée continue» ainsi que le maintien d’un tarif raisonnable (20 euros), mais aussi une atmosphère bon enfant grâce à laquelle la musique dite «classique» n’est pas perçue comme une activité culturelle élitiste qui exclurait les spectateurs non initiés. Et la convivialité n’est pas un vain mot: le mercredi, la soirée s’achève par une dégustation de produits régionaux offerte par les organisateurs tandis que chaque entracte permet de goûter, pour une somme modique, à un agréable frizzant (effervescent) de muscat ou à un jus de pomme.


Dans la famille Queyras, je demande ensuite le fils, Jean-Guihen. A l’heure où la multiplication des festivals, la baisse des subventions et les effets de la crise économique rendent aléatoire la viabilité de certains d’entre eux, l’enfant du pays fait bénéficier ces «Rencontres» de sa notoriété: de fait, les 250 places sont généralement vendues généralement quelques jours plus tôt, sans pour autant que la programmation recherche la facilité. Car si les affiches sont séduisantes (Hélène Couvert, Juliette Hurel, Christine Icart, Arnaud Thorette), le thème de cette année («Tournant de siècle, une anthologie musicale d’une période charnière de l’évolution politique et culturelle en Europe, de Paris à Moscou en passant par Vienne ou Londres, de 1880 à 1930») ne se contente pas de décliner le grand répertoire (Tchaïkovski, Fauré, Debussy, Rachmaninov, Ravel) mais procède à des choix plus originaux (Quintette avec piano d’Elgar, Círculo de Turina, Conte fantastique de Caplet, Quintette avec clarinette de Reger, Quintette à cordes de Bruckner, Suite pour violon, clarinette et piano de Mihaud). Jean-Guihen Queyras est par ailleurs membre du comité de parrainage constitué pour les quarante ans de la Fondation de France, dont des trophées départementaux sont officiellement remis à deux associations en lever de rideau le mercredi. Et le violoncelliste dans tout ça? Ce même concert, débutant par l’adaptation de la Sonate pour violon (1886) de Franck, confirme d’emblée qu’il se range toujours parmi les meilleurs: le porche est ouvert sur les paysages au soleil couchant, les pigeons roucoulent doucement, mais l’œuvre sonne généreusement sous les voûtes, peut-être aussi parce que Frédéric Lagarde ne mégote pas sur la pédale. Les deux musiciens prennent le parti de jouer par cœur: c’est un risque, lorsqu’ils se font quelques sueurs froides dans le finale, mais c’est surtout le bénéfice d’une spontanéité accrue, équilibrée par un souci constant de la sonorité et du phrasé, car sans être cérébral ou ascétique, Jean-Guihen Queyras n’est pas de ces violoncellistes qui dérapent dans des épanchements d’un goût douteux.


Dans la famille Queyras, je demande aussi le frère aîné, Pierre-Olivier, directeur artistique du festival, et époux de la violoncelliste Véronique Marin, tous deux constituant avec Frédéric Lagarde le Dumky Trio, autrefois Trio des Iscles, du nom de la demeure familiale des Queyras. Ils donnent la création du Deuxième trio de Bellocq: ainsi que l’explique le compositeur, on n’entend toutefois que les trois premiers des cinq mouvements de cette commande qu’il a reçue des «Rencontres». Il faut donc pour le moment se contenter d’imaginer la suite de cette structure en arche, s’ouvrant et se concluant sur des mouvements d’assez grand ampleur (une dizaine de minutes chacun), «sortes de rêveries parfois vives», les deuxième et quatrième mouvements étant quand à eux des scherzos moins développés (cinq minutes), comme le mouvement lent central, dont la «difficulté principale» est qu’il «s’y trouve très peu de notes à jouer». Malgré cette économie de moyens, la musique ne se refuse pas à l’expression, un peu à la manière d’Oliver Greif, dont Bellocq a été l’élève, ou de Nicolas Bacri, notamment dans un scherzo très rythmé, aux ostinati jazzy et caustiques, parfois même violents. Assez curieusement, l’écriture, multipliant les soli (violoncelle puis piano dans le premier mouvement, piano dans les deux mouvements suivants), semble s’ingénier à pervertir le genre, les trois instruments donnant l’impression de privilégier le dialogue à distance sur la polyphonie.


Dans la famille Queyras, je demande enfin les amis: Jean-Marc Fessard et Jean-Claude Henriot, d’une parfaite subtilité tout en ménageant de saisissants contrastes dans les Cinq pièces pour clarinette et piano (1913) de Berg; la violoniste islandaise Judith Ingolfsson et l’altiste Pascal Robault, qui se joignent à Véronique Marin et Frédéric Lagarde pour le rare et inachevé Quatuor avec piano (1893) de Lekeu. L’élan et la passion y sont, indéniablement, mais le lieu n’est malheureusement pas idéal pour apprécier la profusion contrapuntique de la partition, dont la réalisation paraît injustement saturée et confuse.


Le site des Rencontres musicales de Haute-Provence
Le site du prieuré de Salagon
Le site de Jean-Guihen Queyras
Le site d’Ivan Bellocq
Le site du Dumky Trio
Le site de Judith Ingolfsson



Simon Corley

 

 

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