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Repli stratégique

Paris
Hôtel de Soubise
07/21/2009 -  
Joseph Haydn : Trio n° 39 «Tzigane», Hob.XV.25
Thierry Escaich : Lettres mêlées
Franz Schubert : Trio n° 2, D. 929

Trio Dali: Amandine Savary (piano), Vineta Sareika (violon), Christian-Pierre La Marca (violoncelle)


Le Trio Dali (© Julien Mignot)



Le temps n’est décidément pas de la partie pour le Festival «Jeunes talents», qui va vraisemblablement devoir renoncer à la cour de Guise durant toute la deuxième semaine de sa neuvième édition et, par conséquent, poursuivre son repli stratégique sur la chaleur étouffante de la salle des gardes, pourtant toutes fenêtres ouvertes. Mais si le plein air constitue l’un des agréments de ces concerts estivaux, ce n’est pas le seul, tant s’en faut, puisque la programmation mérite tout autant d’être entendue à l’intérieur de l’hôtel de Soubise. Le public l’a d’ailleurs bien compris: même en repoussant les capacités à la limite tolérable en termes de sécurité, soit 220 places, il a fallu refuser du monde pour la venue du Trio Dali.


Il est vrai que la formation franco-lettone, tout juste de retour de l’académie de musique de chambre du Festival d’Aix-en-Provence, arrive précédée d’une réputation flatteuse, notamment corroborée par un premier prix au Concours d’Osaka (2008) et par le succès d’un disque Ravel récemment paru chez Fuga Libera (voir ici). Contrairement aux apparences, son nom n’a rien à voir avec le créateur de la méthode paranoïaque-critique, mais «fait référence aux marbres de Dali issus d’Asie, matériau très précieux que l’on taille progressivement et minutieusement de façon à confectionner des œuvres d’art»: une véritable profession de foi, en somme.


Méticuleux, sans doute, mais pas figé pour deux sous, comme le montre d’emblée le Trente-neuvième trio «Tzigane» (1795) de Haydn, particulièrement à l’honneur durant cette édition qui coïncide avec le deux centième anniversaire de sa mort. Car autant le Trio Archiduc et le Quatuor Tercea ont paru sur la réserve lorsqu’ils ont interprété ce compositeur, autant le Trio Dali fait preuve de naturel et d’esprit, avec un jeu toujours très vivant, se déployant même avec une vigueur et une franchise presque excessives dans le Rondo all’Ongarese final qui donne son surnom à l’œuvre.


Présentant brièvement Lettres mêlées (2003) de Thierry Escaich, le violoncelliste Christian-Pierre La Marca (né en 1983) précise que chacun des trois mouvements (enchaînés sans interruption et d’une durée totale de vingt minutes) est dédié à un compositeur – successivement Brahms, Bach et Bartók – dont les lettres du nom sont utilisées, comme chez Schumann ou Berg, pour former des thèmes musicaux. Le but n’est donc évidemment pas de pasticher ces auteurs: «Brahms» oppose ainsi des notes (puis des accords) violemment scandés à des pages plus interrogatives, «Bach» paraît à la fois fantomatique et lancinant, pour atteindre toutefois un grand sommet expressif, et «Bartók» conclut sur une toccata emportée et maléfique. Mais dans cette musique qui procède davantage par répétition et modifications progressives que par des variations proprement dites, on n’en entendra pas moins des échos de Bartók aussi bien que de Chostakovitch ou, plus près de nous, de Bacri.


Après l’entracte, le Second trio (1827) de Schubert bénéficie d’une lecture inventive et versatile, accusant le caractère théâtral et symphonique de la partition dès la vaillante affirmation du mi bémol de l’Allegro initial et son opposition dramatique avec les ombres du second thème. Une telle approche pourrait risquer de sembler trop décousue, mais en réalité, elle s’accorde avec le cheminement caractéristique de la pensée de Schubert, un Wanderer qui privilégie obstinément la courbe sur la ligne droite, quittant, à la faveur d’une modulation inattendue, les sentiers battus pour faire mine de se perdre dans des tonalités éloignées. Le célèbre Andante, vraiment con moto, ne s’attarde pas outre mesure, d’autant que La Marca n’est pas du genre à faire dans le chichi ou la vulgarité: pas de «divines longueurs» non plus dans l’Allegro moderato final qui, comme le premier mouvement, joue sur le contraste entre l’exubérance radieuse et la mélancolie. L’ensemble est servi par une très belle qualité instrumentale, qui ne surprend certes pas: la violoniste Vineta Sareika (née en 1986), déjà troisième prix au Concours de Markneukirchen (2003), vient ainsi d’être couronnée lauréate – c’est-à-dire de terminer entre les septième et douzième places – du Concours Reine Elisabeth (2009). La sonorité n’est pas pour autant l’unique préoccupation des jeunes musiciens, comme le démontre, dans le Scherzo, la robuste partie centrale, qu’ils reprennent en bis, suivie du Scherzo proprement dit.


Le site du Trio Dali
Le site de Christian-Pierre La Marca



Simon Corley

 

 

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