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Allez les Bleus!

Paris
Salle Pleyel
06/25/2009 -  et 27 juin 2009 (Ravenna)
Sofia Goubaïdoulina : Offertorium
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 5, opus 64

Arabella Steinbacher (violon)
Orchestre de l’Opéra national de Paris, Christoph von Dohnányi (direction)


C. von Dohnányi, A. Steinbacher (au second plan, F. Laroque)
(© Franck Ferville/Opéra national de Paris)




L’un des temps forts de l’année 2008 fut la venue de Christoph von Dohnányi à la tête de l’Orchestre national de l’Opéra de Paris pour une soirée consacrée à Schönberg/Brahms et à R. Strauss (voir ici): reconduisant cette association, le dernier concert symphonique de la saison suscitait donc des attentes qui risquaient d’autant plus d’être déçues qu’elles était très élevées. Mais ce ne fut nullement le cas, la principale surprise venant d’une salle Pleyel étonnamment vide, comme si les mélomanes avaient préféré braver l’acoustique calamiteuse de la basilique de Saint-Denis pour entendre Pierre Boulez et l’Orchestre de Paris dans Stravinski et Janácek.


Voici deux ans, Goubaïdoulina a écrit son second concerto pour violon, In tempus præsens, dédié à Anne-Sophie Mutter (voir ici et ici), mais seul l’avenir dira s’il s’impose avec la même évidence que le premier, Offertorium (1980): destiné à Gidon Kremer, il rend hommage à Bach, filtré par Webern et démultiplié par un mysticisme à la forte charge dramatique. A l’occasion de son premier récital parisien en décembre dernier, Arabella Steinbacher (vingt-sept ans) avait séduit par un jeu impeccable mais un peu lisse (lire ici). Rien de tel ici: si elle ne sacrifie jamais la qualité instrumentale à l’expression, elle déploie une énergie et une puissance fascinantes, notamment dans la grande cadence centrale. La violoniste allemande a déjà joué Offertorium à deux reprises début avril à Hambourg avec Dohnányi et son Orchestre de la NDR: leur entente et leur familiarité avec la partition expliquent probablement pourquoi ils donnent l’impression de parvenir à unifier d’un seul élan cette demi-heure certes d’un seul tenant mais d’une très grande diversité de styles et de climats. Des grondements dans le grave aux cliquetis dans l’aigu, l’orchestre interagit de façon à la fois précise et spectaculaire. Les lumières se rallument, mais le public ne capitule pas et obtient en bis l’Andante de la Deuxième sonate de Bach, certainement à la grande satisfaction de cette spectatrice qui s’était exclamée: «Elle va quand même nous jouer un peu de classique.»


Davantage que de l’Orchestre de l’Opéra, il serait sans doute plus juste de parler des orchestres de l’Opéra, car la nécessité de présenter des productions dans des lieux différents sur une même période et parfois même simultanément impose de fait la scission de cet important effectif en deux formations, portant chacune le nom d’une couleur. Après avoir dirigé les «Verts» l’an passé, le chef allemand se produit cette fois-ci avec les «Bleus», mais dans la Cinquième symphonie (1888) de Tchaïkovski, le niveau d’excellence demeure identique: ces textures tour à tour soyeuses et incisives, qui ne pèsent et ne saturent jamais, cette légèreté et cette transparence dans la partie centrale de la Valse, non, ce n’est pas la Philharmonie de Vienne, mais un ensemble dont la réputation de meilleur orchestre de la capitale, pour peu que l’expression ait un sens, n’est décidément en rien usurpée. Même s’il est plus habitué dans la fosse de Garnier aux ballets qu’aux symphonies de Tchaïkovski, il fait feu de tout bois dans une Cinquième idéale, avec à sa tête l’un des derniers représentants d’une certaine tradition de la direction d’orchestre: débarrassé de toutes ses scories pompeuses, larmoyantes ou alanguies, sous la baguette d’un jeune homme dans sa quatre-vingtième année, l’œuvre retrouve toute sa simplicité et sa clarté. Tenant fermement l’expression, dès l’énoncé initial du thème cyclique, mais en sachant conserver flexibilité et allant, il ne vise certes pas à la férocité d’un Mravinski, au confort d’un Karajan ou à la sauvagerie d’un Gergiev. S’il décape la partition, il n’en oublie pas pour autant de la faire chanter sans pathos et de maintenir sans cesse la tension: le tout a fière allure et restitue à Tchaïkovski sa stature parfois contestée de grand symphoniste.


Comme en 2008, Dohnányi et l’Orchestre de l’Opéra de Paris ont à nouveau offert l’un des plus beaux programmes de la saison: il y a donc tout lieu de se réjouir qu’il soit repris à Ravenne dès le 27 juin, tout en déplorant, outre la faible affluence, que le rendez-vous entre l’orchestre et le chef ne soit pas reconduit en 2009-2010.


Le site d’Arabella Steinbacher



Simon Corley

 

 

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