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Promenons-nous dans les forêts Compiègne Théâtre impérial 06/19/2009 - Modeste Moussorgski : Une nuit sur le Mont Chauve
Nicolas Bacri : Symphonies n° 5, opus 55, et n° 6, opus 60
Maurice Ravel : Ma Mère l’oye
Bedrich Smetana : Vltava
Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n° 40, K. 550
Orchestre national d’Ile-de-France, Nicolas Krauze (direction)
Nicolas Krauze
Toujours sous l’impulsion de Bruno Ory-Lavollée et de son équipe de bénévoles, le Festival des Forêts poursuit dans la lignée des années précédentes, proposant jusqu’au 19 juillet, pour sa dix-septième édition, une alternance de manifestations traditionnelles et de propositions plus originales: huit concerts randonnées, un «café musical», un récital de nuit aux chandelles, deux concerts accompagnés d’illuminations, une schubertiade, un concert à deux orchestres (Radio-télévision slovène et Picardie) et même l’observation du ciel avec un astronome. Autant d’occasions de retrouver ou de découvrir le patrimoine architectural et naturel de Compiègne et de ses environs, et ce à des tarifs (11 ou 17 euros) qui, en ces temps difficiles, sont d’autant moins déraisonnables que l’affiche est soignée: Pierre Amoyal, Marina Chiche, Dana Ciocarlie, Marie Devellereau, Jay Gottlieb, David Guerrier, l’ensemble Accroche-Note, ...
Intitulée «Grande soirée symphonique», l’inauguration avait de quoi satisfaire les plus voraces, comme celui également donné par l’Orchestre national d’Ile-de-France deux semaines plus tôt au Festival d’Auvers-sur-Oise (lire ici). Non pas parce qu’une restauration légère y était mise à disposition au cours d’un long entracte (une heure et quart), mais parce que ce concert, que l’orchestre devait partiellement reprendre le lendemain à Enghien-les-Bains, offrait deux heures de musique dans le cadre prestigieux du Théâtre impérial. On se réjouit d’ailleurs d’apprendre qu’une nouvelle équipe formée d’un directeur artistique et d’un directeur général, respectivement Pascal Verrot, chef de l’Orchestre de Picardie, et Eric Rouchaud, patron de l’Espace Jean-Legendre de Compiègne, s’attache à continuer de faire vivre ce lieu exceptionnel et a d’ores et déjà mis sur pied une série de cinq spectacles de septembre à décembre prochains.
Pour un millésime 2009 du Festival des Forêts inspiré par le thème «musique dans la nuit», Une nuit sur le Mont Chauve (1867) de Moussorgski (dans sa version «corrigée» par Rimski) constitue un coup d’envoi logique. Remplaçant in extremis Dyonisios Dervis-Bournias pour ce marathon symphonique, Nicolas Krauze (né en 1974) fait contraster efficacement les tempi. Le chef français paraît en revanche moins à son avantage dans les cinq pièces de Ma Mère l’oye (1910/1911) de Ravel, la souplesse et la lenteur y confinant à l’indolence voire à la mollesse, même si une mise en place soignée témoigne du travail accompli avec des musiciens pourtant visiblement peu convaincus. Flottante et indécise, La Moldau (1874) de Smetana laisse craindre le pire pour la Quarantième symphonie (1788) de Mozart (dans sa version avec clarinettes). Mais la direction retrouve du nerf et de la vigueur, quitte à en paraître trop sèche et carrée dans les mouvements centraux, et même si un répertoire aussi exigeant et une acoustique aussi remarquable que celle du Théâtre impérial ne pardonnent pas la moindre incartade.
Ces grandes pages du répertoire visaient sans doute à compenser les audaces d’un programme qui se privait de la présence toujours payante d’un soliste vocal ou instrumental et prenait en outre le pari, au centre de chacune des deux parties, de faire découvrir au public deux symphonies de Nicolas Bacri. Le compositeur s’est assigné l’étrange mission d’en écrire douze, comme Milhaud, à raison de six au XXe siècle et six au XXIe siècle: si aucune n’a encore vu le jour au cours de ce nouveau siècle, il a néanmoins atteint son objectif pour le siècle précédent et la Cinquième (1997), commande de l’Orchestre de Picardie qui revenait ainsi à ses origines géographiques, aussi bien que la Sixième (1998) démontrent ses indéniables affinités avec un genre somme toute relativement peu cultivé en France.
Au-delà même de l’omniprésence, dans le premier mouvement («Fanfares») de la Cinquième, du rythme de quatre notes emblématique du premier mouvement de la Cinquième de Beethoven, il serait tentant de s’arrêter aux multiples références qui s’y font entendre: musique française, bien sûr, la densité, la véhémence et le lyrisme de la Cinquième évoquant tout ce courant qui va de Roussel à Landowski en passant par Honegger, mais aussi quelque chose de Prokofiev ou Chostakovitch dans le lyrisme teinté de mélancolie et d’ironie du troisième mouvement (Interlude en forme de valse très retenue). Mais tout au long cette demi-heure, avec un effectif mozartien simplement augmenté d’un clavier et deux percussionnistes, Bacri n’en construit pas moins son propre univers, d’autant que les quatre mouvements de l’œuvre ne correspondent pas aux schémas traditionnels: non seulement elle est sous-titrée «Concerto pour orchestre», mais le deuxième mouvement («Duos»), à l’instar de celui de la Symphonie de Franck, mêle puis superpose mouvement lent et scherzo, tandis que le troisième, enchaîné au quatrième, en constitue une sorte d’introduction lente.
Dédiée à Serge Nigg, la Sixième impose la même atmosphère inquiète et tendue, voire sombre et angoissée. Elle fait appel à un orchestre plus étoffé et offre, en moins d’un quart d’heure, une succession extrêmement rapide de climats très contrastés, chacun des quatre mouvements enchaînés comportant lui-même deux ou trois indications de tempo différentes: ici aussi, la forme est donc très libre, s’adaptant aux besoins d’une commande de Radio France destinée aux cinq brefs épisodes de l’émission «Alla breve» (lire ici).
Le site du Festival des Forêts
Le site de Nicolas Krauze
Le site de Nicolas Bacri
Le site du Théâtre impérial de Compiègne
Simon Corley
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