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Un voyage, de belles surprises Milano Teatro alla Scala 04/07/2009 - et 14, 16, 19, 23, 30 avril, 3, 6, 8, 10* mai 2009 Gioachino Rossini: Il Viaggio a Reims
Patrizia Ciofi*/Cristina Obregon (Corinna), Daniela Barcellona*/Maite Beaumont (La marchesa Melibea), Annick Massis*/Marina Rebeka (La contessa di Folleville), Carmela Remigio*/Teresa Romano (Madama Cortese), Juan F. Gatell Abre*/Michael Spyres (Il cavaliere Belfiore), Dmitry Korchak*/Sergey Romanovsky (Il conte di Libenskof), Alastair Miles*/Roberto Tagliavini (Lord Sidney), Nicola Ulivieri*/Simon Orfila (Don Profondo), Bruno Praticò*/José Carbó (Barone di Trombonok), Fabio Capitanucci*/Simone del Savio (Don Alvaro), Alessandro Guerzoni (Don Prudenzio), Enrico Iviglia (Don Luigino), Paola Gardina (Maddalena), Aurora Tirotta (Delia), Annamaria Popescu (Modestina), Filippo Polinelli (Antonio), Patrizio Saudelli (Zefirino), Fabrizio Mercurio (Gelsominio)
Chœur du Teatro alla Scala (direction: Bruno Casoni), Orchestre du Teatro alla Scala, Ottavio Dantone (direction musicale)
Luca Ronconi (mise en scène), Ugo Tessitore (assistant à la mise en scène), Gae Aulenti (décors), Giovanna Buzzi (costumes), Compagnia Marionettistica Carlo Colla e figli
(© Marco Brescia/Archivio Fotografico del Teatro alla Scala)
Pile 25 ans après l’exhumation de l’ouvrage à Pesaro, la Scala a eu l’excellente idée de reprendre le Voyage à Reims de Rossini dans la production de Luca Ronconi qui a fait date dans l’histoire de l’opéra. Le spectacle n’a pas pris une seule ride. Comme le bon vin, il se bonifie avec les années, au gré des quelques retouches apportées çà et là. Pour tous ceux qui ont eu la chance d’assister à une représentation à la création ou dans les années qui ont suivi, que ce soit à Milan ou Vienne, c’est un véritable bonheur que de retrouver cette folle journée où les événements s’enchaînent avec fluidité et inventivité. Et pour les autres, notamment pour la jeune génération, c’est une occasion rêvée de vivre en direct une mise en scène lyrique d’anthologie, avec sa caractérisation minutieuse et humoristique de chaque personnage, ses projections vidéo (un procédé qui, depuis, a été largement repris) et aussi ses magnifiques interventions de marionnettistes, un métier qui est en passe de disparaître aujourd’hui.
Musicalement et vocalement, c’est une autre paire de manches, tant il est vrai que Rossini a écrit là quelques-unes des pages vocales les plus difficiles qui soient. Il serait vain de vouloir coûte que coûte établir des comparaisons avec les distributions réunies à la fin des années 1980 et stérile de disserter en long et en large sur la décadence du chant rossinien. Mieux vaut oublier les Abbado, Ricciarelli, Valentini-Terrani, Cuberli, Raimondi, Ramey et Merritt et profiter pleinement des belles surprises que nous offre cette reprise. A commencer par Daniela Barcellona, la seule grande voix (en termes de projection en tout cas) de la troupe réunie sur la scène de la Scala. Ses graves capiteux, sa technique sûre, sa superbe diction, son style insolent mais aussi son charisme scénique en font une marquise Melibea absolument irrésistible. Patrizia Ciofi incarne quant à elle une poétesse fine et délicieuse, faite d’intelligence, de sensibilité et de nuances, des atouts qui compensent une voix au volume plutôt limité. Sa rivalité avec la Comtesse de Folleville égrène la soirée de touches humoristiques. Une comtesse campée par une Annick Massis déjantée, aux suraigus faciles, même si la ligne de chant n'est pas des plus orthodoxes. Lorsque, dans sa cadence, elle s’égard dans Lucia, le baron lui ordonne illico de reprendre le droit chemin rossinien, sous les rires du public. Chez les messieurs, il convient de retenir le nom de Juan F. Gatell Abre, ténor léger au physique avantageux, qui séduit par l’élégance de son phrasé et le raffinement de son style. On en dira de même de Dmitry Korchak, mais avec de sérieuses réserves sur quelques aigus forcés et criés. Il convient d’adresser aussi des louanges à tous les jeunes titulaires des rôles secondaires pour leur adéquation et leur homogénéité. Mais le grand triomphateur de cette dernière représentation de la série aura été Nicola Ulivieri, qui n’a pas hésité à se jeter dans la fosse pour rattraper le vase faisant office de tirelire qui a failli atterrir sur la tête des musiciens, le Baron de Trombonok alias Bruno Praticò n’ayant pas réussi à le casser en le lançant par terre. Dans la fosse justement, on aurait souhaité davantage de verve, d’entrain et de fraîcheur d'un orchestre qui sonnait parfois fort et mou sous la baguette d’Ottavio Dantone, qui avait pour l’occasion délaissé le baroque, son répertoire de prédilection. A noter que le spectacle a été capté en HD pour être diffusé dans les cinémas du monde entier, une dernière chance donc pour tous ceux qui l’auraient manqué.
Claudio Poloni
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