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L’illusion du passé

Paris
Salle Pleyel
05/11/2009 -  
Philippe Hersant : Le Château des Carpathes

Karen Wierzba (La Stilla), Sophie Pondjiclis (L’aubergiste), Marc Hafner (Franz de Télek), Marcel Vanaud (Baron de Gorz), Bernard Bloch (Orfanik)
Orchestre Colonne, Laurent Petitgirard (direction)


Philippe Hersant



Au mélomane qui s’abonne pour cinq concerts, il n’en coûtera que 10 euros par soirée, comme en 2008-2009, pour profiter de la saison 2009-2010 de l’Orchestre Colonne: la programmation offre non seulement d’excellents solistes (Brigitte Engerer, Jean-Marc Phillips-Varjabédian, Georges Pludermacher et le trop rare Philippe Muller) mais confirme la place que Laurent Petitgirard, directeur musical et chef permanent, accorde à la musique contemporaine (française). On y retrouvera certes ses légitimes préférences – Adams, Connesson, Greif, Landowski, Moss, Sciortino, Silvestrini – mais d’autres – Dachez, Lemaître, Maratka, Pécou – auront également droit de cité.


En revanche, l’idée consistant à présenter chaque année la reprise d’un opéra en version de concert ne sera pas reconduite. Petitgirard lui-même avait ouvert le ban en 2008 avec son Joseph Merrick dit Elephant Man
(voir ici) et c’est Le Château des Carpathes (1991) qui est cette fois-ci à l’honneur. Depuis, le catalogue de Philippe Hersant s’est enrichi d’un deuxième ouvrage lyrique, Le Moine noir (d’après Tchekhov), créé à Leipzig en 2006, mais le choix de son opéra en un prologue et deux scènes d’après le roman (1892) de Jules Verne s’imposait de lui-même: il vient en effet d’être présenté à Quimper puis à Rennes en mars et avril derniers, avec une distribution quasiment identique à celle réunie salle Pleyel et déjà sous la direction de Petitgirard, à la tête de l’Orchestre de Bretagne auprès duquel Hersant est «compositeur associé» pour la période 2008-2010.


Assisté de son librettiste, le Portugais Jorge Silva Melo, né comme lui en 1948, il a trouvé un sujet qui, convenant à son tempérament mélancolique, semblait en même temps tout destiné à une adaptation musicale: l’héroïne en est la Stilla, cantatrice mourant sur scène au Théâtre San Carlo de Naples où, s’apprêtant à épouser le comte Franz de Télek, elle faisait ses adieux au public. En son château, le baron de Gorz, admirateur de la chanteuse qu’il reproche au jeune comte d’avoir arraché à son art, la ressuscite par la magie de l’image et du son, bien avant le home cinema, grâce à un mélange typiquement vernien de fantastique, de science et d’anticipation. Dans cette volonté de faire primer l’illusion de vie de la Stilla et de prolonger éternellement le passé, certains seront tentés de voir la métaphore d’une musique qui, se refusant à une modernité radicale, assume des influences aussi fortes que nombreuses. Une impression accrue par les réminiscences que suggère par ailleurs l’action, où l’on tire les tarots (Carmen), où un audacieux provoque la destruction d’une forteresse jalousement gardée par une sorte de Klingsor (Parsifal) et où ce même héros est persuadé que sa bien-aimée n’est pas morte (Die tote Stadt). Cela dit, indépendamment même du subtil «pastiche» obligé de grand air, le langage a le mérite d’être en harmonie avec le romantisme fin de siècle du livret. Si la partition, quatre-vingts minutes durant, se déroule d’un seul tenant, d’autant que Petitgirard enchaîne sans interruption les première et seconde scènes, elle n’en ménage pas moins des airs – chacun des trois rôles principaux a ainsi le sien – et ensembles traditionnels, culminant dans le trio final.


Cette version de concert a fait l’objet d’un soin tout particulier, avec surtitrage reproduisant en outre les didascalies, mais, comme l’année passée, le parti pris consistant à placer parmi les musiciens certains des chanteurs ne facilite pas leur tâche. Le plateau réuni pour l’occasion s’en tire cependant très bien, à commencer par la Canadienne Karen Wierzba, qui, malgré des aigus parfois durs, doit faire face à une difficulté inhabituelle: livrer son grand air presque à froid, au tout début du prologue. Marc Hafner possède la voix et le tempérament de Franz, aux prises avec l’aubergiste un peu mégère de Sophie Pondjiclis. Marcel Vanaud reprend avec brio et autorité le rôle du baron tenu par François Le Roux quelques semaines plus tôt en Bretagne: un retour aux sources, puisque le baryton belge en assura la création tant en version de concert à Montpellier en août 1992 qu’à la scène, dans cette même ville, en octobre 1993, dans une production d’André Wilms et Nicky Rieti. L’orchestre, au sein duquel Hersant a plus particulièrement mis en valeur le violoncelle solo et la clarinette mais aussi les timbales et les cuivres, tient remarquablement sa partie.


Après quelques rappels, Petitgirard, toujours espiègle, se dérobe aux saluts à l’insu d’Hersant, qui se retrouve ainsi seul sur scène à recevoir les applaudissements. Prenant ensuite brièvement la parole, le chef ne peut s’empêcher d’enfourcher l’un de ses chevaux de bataille favoris, en l’occurrence celui d’une musique contemporaine «qui parle au cœur» et qui «aurait dû être créée à l’Opéra Bastille»: Vous avez dit «décentralisation culturelle»? Les Montpelliérains apprécieront.


Le site de Philippe Hersant
Le site de Sophie Pondjiclis
Le site de Marcel Vanaud



Simon Corley

 

 

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