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Les cendres de Lammermoor

Paris
Opéra Bastille
03/30/1999 -  et 1er, 8, 11, 14, 17 avril 1999
Gaetano Donizetti : Lucia di Lammermoor
Sumi Jo (Lucia), Martine Mahé (Alisa), Raul Gimenez (Edgardo), Paolo Gavanelli (Enrico), Dimitri Kavrakos (Raimondo), Christian Jean (Normanno), Octavio Arévalo (Arturo)
Choeurs et Orchestre de l'Opéra National de Paris, Bruno Campanella (direction)
Andrei Serban (mise en scène), William Dudley (décors et costumes), Guido Levi (lumières)

La production de Serban, accueillie dans le bruit et la fureur il y a quatre ans, ne paraît plus aujourd'hui déranger personne ; peut-être parce que les vapeurs de souffre, l'odeur de sang et de fiel humées avec rage par une June Anderson en état de grâce en sont désormais éventées. L'intelligence du concept demeure (avec, le recul aidant, un léger dépit de voir l'univers militaire empiéter un peu trop sur celui de l'asile de Charcot, intuition géniale), la morbidité des dégradés gris, verts et noirs de même. La direction d'acteurs allie toujours clarté dramatique, pulsation expressionniste et élégance du geste, jouant sur le symbole. Mais elle ne trouve pas ici matière à s'incarner. Sumi Jo et Raul Gimenez sont l'un comme l'autre de remarquables artistes, mais l'esprit du spectacle ne leur convient pas plus que la musique, du moins dans ce théâtre. Tous deux manquent de cette ampleur du son qui permet de chercher l'expression dans les nuances dynamiques, de cette longueur du souffle qui libère dans le phrasé la sève et l'émotion. La soprano coréenne, étroite dans le médium, pousse dangereusement le suraigu, cherche en vain les mots et le style (trilles approximatifs, ornements mal intégrés à la phrase, vocalisation raide, misère de l'accentuation rythmique). Un charmant timbre sucré, un legato onctueux sinon inextinguible et une cadence avec flûte d'une très jolie pureté, est-ce vraiment suffisant pour Lucia ? Tant qu'à prendre une voix légère, Annick Massis eût sans doute mieux fait l'affaire, avec la vibration serrée de son grave, ses qualités de diction et cette lassitude fiévreuse de l'être qui font tellement défaut ici… Gimenez, conscient de ses limites, surexpose son texte (idiosyncrasies argentines en prime), fait un sort à chaque détail, transforme les piani en murmures et s'invente un timbre entâché de nasillement. Le romantisme solaire et généreux n'est décidément pas dans ses cordes. Gavanelli et Kavrakos se suffisant à l'opposé de gros sons à la justesse approximative, la vie du spectacle repose sur ses seconds rôles, vétérans de la première heure, tels Christian Jean et Martine Mahé. L'excellent Bruno Campanella paraît d'ailleurs avoir perdu toute illusion, et s'en tient à une lecture admirablement proportionnée, mettant en valeur des pupitres de violoncelles et des vents toujours splendides. On n'a que rarement l'occasion de reprocher à la Bastille de nous offrir un opéra sans chanteurs. Une chance.



Vincent Agrech

 

 

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