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Qui l’eût cru? Paris Théâtre du Châtelet 04/19/2009 - Leos Janácek : Sonate pour violon et piano
Maurice Ravel : Sonate pour violon et piano n° 2
César Franck : Sonate pour violon et piano
Laurent Korcia (violon), Jean-Efflam Bavouzet (piano)
Laurent Korcia (© Andres Reynaga)
A quarante-quatre ans, Laurent Korcia bénéficie d’une notoriété à nulle autre pareille parmi les violonistes français, bien au-delà du public traditionnel de la «grande musique»: son refus des frontières stylistiques intangibles et son goût pour une certaine forme de cross-over font qu’il est certainement le seul à figurer sur des affiches dans le métro, même si, au beau milieu des vacances scolaires, il n’a pas attiré une affluence exceptionnelle en ce dimanche matin au Châtelet. Il aurait été tentant de lui associer une personnalité plus fade, bref un «accompagnateur» dans le mauvais sens du terme: en se tournant vers Jean-Efflam Bavouzet, au caractère également bien trempé, suffisamment pour donner en bis un Klavierstück de Stockhausen (voir ici), Jeanine Roze a pris le risque d’une confrontation. Pourquoi pas, au demeurant, tant le duo violon/piano est souvent considéré comme conflictuel par essence?
Pari concluant, au demeurant, car l’entente et le partenariat entre les deux musiciens fonctionnent parfaitement, comme le montre d’emblée une Sonate (1921) de Janácek d’une exceptionnelle justesse de ton, intense et frémissante, mais sans hystérie, sans surjouer la rugosité et les contrastes. La réussite est tout autant au rendez-vous dans la Seconde sonate (1927) de Ravel: après un Allegretto souple et lyrique, le Blues, tendu et nullement décoratif, tend vers une danse macabre, tandis que le Perpetuum mobile final évite toute démonstration purement virtuose.
Au lieu de la Seconde sonate de Schumann, initialement annoncée, c’est la Sonate (1886) de Franck qui conclut le programme: un choix plus convenu, mais qui ne refroidit pas l’enthousiasme des spectateurs, parvenant même à applaudir après le deuxième mouvement bien que Korcia et Bavouzet s’efforcent de jouer l’œuvre sans interruption. Qui l’eût cru? Le plus exubérant n’est pas forcément celui qu’on croit, entre un violon sur la réserve, presque timide, et un piano qui, sans perdre sa subtilité, sait aussi déclencher des déferlantes symphoniques.
Le violoniste se montre plus débridé, mais toujours de bon goût, dans ses bis, offrant deux extraits de son récent album «Cinéma» (EMI): l’arrangement par Heifetz de l’air de Sportin’ Life «It ain’t necessarily so» au deuxième acte de Porgy and Bess (1935), puis l’arrangement par Kreisler de la cinquième des douze Danses espagnoles (1900) de Granados, «Andaluza».
Le blog de Jean-Efflam Bavouzet
Simon Corley
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