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Saint Sébastien ressuscité

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
04/09/2009 -  
Claude Debussy : Le Martyre de saint Sébastien
Sophie Marin-Degor (soprano), Kate Aldrich (mezzo-soprano), Christine Knorren (mezzo-soprano), Isabelle Huppert (récitante)
Chœur de Radio France, Matthias Brauer (chef de chœur), Orchestre national de France, Daniele Gatti (direction)


D. Gatti (© Silvia Lelli)


Pris par le temps, aidé par André Caplet, Debussy a-t-il, dans les cinq « mansions » du Martyre de saint Sébastien, dilué sa modernité dans des alanguissements sentant plus la fin du siècle précédent que l’entrée dans le nouveau ? A-t-il échoué dans sa tentative de retrouver l’esprit des mystères médiévaux, à travers notamment les polyphonies archaïsantes ? A-t-il été desservi par le français contourné du « mystère » de Gabriele d’Annunzio, si daté aujourd’hui ? Certes une intégrale de l’œuvre semble assez problématique aujourd’hui et l’on préfère en général, quand on ne se limite pas aux Fragments symphoniques publiés par Durand en 1912, se contenter d’une version light, où l’on accompagne l’ensemble des morceaux musicaux par un texte très abrégé confié à un récitant unique. Tel fut le choix, en son temps, de Désiré-Emile Inghelbrecht, qui a fait école – il faut, pour en savoir plus long sur le texte, se reporter à l’ancienne version Columbia d’André Cluytens. Ce choix se justifie en tout cas par la musique : les rythmes sont subtils, les couleurs raffinées et sensuelles – certaines pages figurent parmi les plus voluptueuses de Debussy –, les harmonies souvent prophétiques. Passons donc sur le texte de d’Annunzio, où le Saint tient à la fois du Christ et d’Adonis, comme plus tard le Berger du Roi Roger de Szymanowski réincarnera à son tour le Christ et Dionysos, ainsi que sur certains numéros un peu « fin de siècle » pour le coup : nous entendons ici du très grand Debussy et l’essai de synthèse, réussi ou raté, entre l’oratorio, le théâtre et l’opéra annonce bien des partitions de l’entre-deux-guerres – à la fin, on sent poindre Le Roi David d’Honegger.


L’œuvre, en tout cas, pose un problème à l’interprète. Certains choisissent la sobriété, voire l’austérité, pour exorciser le fantôme du kitsch. D’autres osent une approche hédoniste, pour exalter le lyrisme brûlant de la partition. Daniele Gatti choisit plutôt la seconde option, faisant parfois pencher Debussy du côté de Respighi ou de Puccini – mais la musique s’y prête, plus sans doute que dans cette Mer qu’il nous a offerte en début de saison. Les couleurs sont à la fois capiteuses et chatoyantes ; sans confondre l’opulence et la grandiloquence, le chef, habitué à la fosse, fait du Martyre un opéra qui n’ose pas se nommer. Si l’orchestre le suit, il ne trouve pas toujours ses marques et cette musique appellerait souvent des vents plus ronds, des cordes plus soyeuses et plus frémissantes. Le chœur, en revanche, se distingue par son homogénéité grâce à Matthias Brauer et les sopranos ont bien travaillé leurs pianissimi aigus. Les solistes, eux, déçoivent un peu : l’émission des mezzos manque de clarté, on a connu Sophie Marin-Degor plus séduisante. Semblant déchiffrer son texte avec indifférence, le Saint d’Isabelle Huppert, lui, entache carrément le concert : bien que la prose de d’Annunzio, encore une fois, soit ce qu’elle est, on ne peut nier qu’elle ait du rythme ; la comédienne l’aplatit totalement, à mille lieues de sa prestation dans la Jeanne au bûcher d’Honegger.


Quoi qu’il en soit, cent ans après sa création au Châtelet (1911) par Ida Rubinstein, Le Martyre de saint Sébastien mérite encore de renaître de ses flèches.


Ecouter le concert sur le site de France Musique



Didier van Moere

 

 

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