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Variations variées Normandie Deauville (Salle Elie de Brignac) 04/11/2009 - Robert Schumann : Variations pour deux pianos, deux violoncelles et cor, WoO 1
Maurizio Kagel : Capriccio pour deux pianos
Johannes Brahms: Variations sur un thème de Haydn pour deux pianos, opus 56a
Franz Schubert : Quatuor n° 14 « La jeune fille et la mort », D 810 (arrangement de Gustav Mahler pour orchestre à cordes)
Bertrand Chamayou, Jonas Vitaud (piano), Victor Julien-Laferrière, Yan Levionnois (violoncelle), Julien Desplanque (cor), L’Atelier de musique
La treizième édition du Festival de Pâques de Deauville, dont la vocation est de mettre le pied à l’étrier à de jeunes instrumentistes, parrainés par leurs aînés, débutait cette année le week-end de Pâques même. Dans le même cadre que précédemment : celui de la superbe salle de bois servant en principe de lieu de vente de yearlings, jeunes chevaux destinés à briller lors des réunions hippiques un peu partout dans le monde. Huit concerts étaient annoncés, comme chaque année intelligemment concentrés les fins de semaine, jusqu’au 25 avril, afin d’attirer un public plus nombreux, notamment parisien, et articulés autour de programmes aussi équilibrés que les années passées mais faisant malheureusement une part assez faible à la musique de notre temps.
Le premier d’entre eux était l’occasion de retrouver les fidèles Bertrand Chamayou et Jonas Vitaud. Ils débutèrent en effet le concert, après une sobre présentation du festival par son organisateur Yves Petit de Voize, par des Variations pour quintette de Robert Schumann (1810-1856). Abordées avec autant de délicatesse que de prudence, ces curieuses pages de 1843, pour deux pianos, deux violoncelles et cor, qui rappellent parfois les Scènes de la forêt et L’Amour et la Vie d’une femme sont assurément béquillardes – au point que leur auteur lui-même envisagea de disjoindre les parties pianistiques – et les violoncelles comme le cor eurent quelque mal à s’imposer. Le cor parut le moins convaincant mais son rôle d’appoint sporadique ne lui permettait guère à vrai dire d’exprimer tous ses talents. Les pianos furent quant à eux d’une belle éloquence pour révéler les côtés élégiaques comme l’éréthisme déréglé de ces pages typiquement schumanniennes.
Les compères pianistes poursuivirent, cette fois seuls, par un Capriccio (2005) de Maurizio Kagel (1931-2008). Il s’agissait de la pièce la plus récente de celles programmées cette année tout au long du festival, mais une des dernières de son auteur, décédé l’an dernier. Moins provocante et théâtrale que la plupart des œuvres de Kagel, elle n’en exigeait pas moins une installation originale puisque les pianos étaient disposés de la même façon, dans le même sens, de sorte que l’un des pianistes tournait le dos à l’autre. La remarquable aisance des instrumentistes et leur parfaite connaissance mutuelle permit de dégager de beaux moments construits autour de silences qui, pour l’occasion, furent agrémentés du chant des oiseaux provenant des buis du parc environnant, les hommages à la fois virtuoses et ironiques aux maîtres du passé se noyant dans des effets de résonance étonnants.
Les deux pianistes prolongèrent leur dialogue par d’autres variations, celles composées originellement pour deux pianos par Brahms (1833-1897), autour d’un thème prêté à Haydn et en fait d’origine populaire. Le duo choisit une lecture simple, sans lourdeur ou affectation, évacuant de leurs pages tout aspect monumental, mais manquant peut-être de respiration ; une lecture appelant en tout cas clairement à écouter la version orchestrale si supérieure à la version pianistique.
La seconde partie du concert était à nouveau bâtie autour de variations puisqu’elle était consacrée au quatuor La jeune fille et la mort (1824) de Franz Schubert (1797-1828) dans un arrangement pour petit ensemble à cordes commencé par Gustav Mahler (1860-1911) mais poursuivi, selon ses indications, par David Matthews et Donald Mitchell. Si la vision de Mahler qui comme d’autres postromantiques, Furtwängler et Mengelberg notamment, estimait devoir renforcer le dramatisme de certains quatuors en les servant par la puissance orchestrale, transparaît par certains accès expressionnistes, il faut bien avouer une certaine déception, l’âpreté et la densité des pages originales étant gommées au profit d’un exercice paraissant, au total, autant scolaire que pesant, trois contrebasses alourdissant le discours de façon outrancière. Les vingt-deux jeunes interprètes, sans chef, n’y purent rien et fournirent une prestation aussi impeccable que vide et sans élan. Le bis, la reprise du troisième mouvement (Scherzo), ne changea pas l’impression générale.
Le site de Festival de Pâques de Deauville
Stéphane Guy
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