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Double triptyque franco-russe Paris Musée d’Orsay 04/02/2009 - Francis Poulenc : Suite française, FP 80
Louis Vierne: Sonate pour violoncelle et piano, opus 27
Maurice Ravel: Kaddisch (arrangement Xavier Phillips)
Igor Stravinski: Suite italienne
Serge Prokofiev: Sonate pour violoncelle et piano, opus 119
Xavier Phillips (violoncelle), Emmanuel Strosser (piano)
Xavier Phillips (© Karin Ramz)
Le Musée d’Orsay se propose d’explorer «L’âme du violoncelle», prétexte à trois intéressants récitals à dominante nationale: avant l’Allemagne le 14 mai avec Natalia Gutman et Elisso Virsaladze (Schumann, Brahms) et l’Angleterre le 11 juin avec Sonia Wieder-Atherton et Georges Pludemermacher (Elgar, Bridge, Britten, Turnage), Xavier Phillips et Emmanuel Strosser ont inauguré ce cycle avec une affiche franco-russe, dont chacune des deux parties traditionnelles obéissait au même schéma en trois temps.
D’abord un pastiche néoclassique: en première partie, la Suite française (1935) de Poulenc, adaptation par le compositeur de «danceries» de Claude Gervaise (XVIe) qui existe par ailleurs dans des versions pour piano ou petit ensemble; en seconde partie, la Suite italienne (1932) en cinq mouvements, plus connue dans sa version (postérieure) pour violon et piano (en six mouvements), que Stravinski tira de son propre ballet Pulcinella, lui-même écrit sur des thèmes de Pergolèse et de ses contemporains. S’il aborde Poulenc avec ce qu’il faut de distance et de finesse pince-sans-rire, Xavier Phillips met davantage d’engagement et d’expression dans Stravinski: une façon inhabituelle mais stimulante de créer un hiatus entre le style faussement ancien et un jeu d’esprit plus romantique.
Au centre du programme, deux sonates relativement négligées, au demeurant les seules œuvres originales de la soirée. Avant tout connu comme organiste, Louis Vierne a cependant laissé quelques puissantes partitions de musique de chambre, dont un Quintette avec piano. Bien représenté dans ce court catalogue, le duo violoncelle/piano comprend les cinq pièces des Soirs étrangers, précédés d’une Sonate (1910) dédiée à Pablo Casals. D’obédience franckiste, avec en même temps une inépuisable continuité évoquant Fauré, ses trois mouvements, s’ils ne réservent pas de surprises esthétiques, n’en soutiennent pas moins l’attention par leur sincérité et leur élan expressif: Poco lento - Allegro inquiet et généreux, Molto largamente lyrique, Allegro molto progressant vers une lumineuse péroraison. Plus extraverti que dans les Suites, Xavier Phillips peut ici davantage mettre en valeur une sonorité d’une belle chaleur et une robustesse sans brutalité, interprétant avec le même refus des effets faciles et le soutien toujours aussi fiable d’Emmanuel Strosser la tardive Sonate (1949) de Prokofiev.
Formant le dernier volet de ces deux triptyques, un arrangement d’une mélodie de Ravel: celui de «Kaddisch», première des Deux mélodies hébraïques (1914), réalisé par Xavier Phillips, et, en bis, l’une des très nombreuses versions de la Vocalise-étude, en forme de habanera (1907), où la tenue exemplaire de l’archet ne cède à aucune tentation de dérapage complaisant.
Simon Corley
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