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Numéros gagnants

Avignon
Opéra-Théâtre
03/13/2009 -  et 13, 14 février (Reims), 14* mars (Avignon) 2009
Gérard Condé : Les Orages désirés
Anne Rodier (Hector), Anne le Coutour (Nanci), Nathalie Espallier (la Mère), Txelin Victorès-Benavente (Estelle), Florian Westphal (le Père), Jean Goyetche (le Colonel Marmion), Jean-Michel Caune (Corsino)
Orchestre lyrique de région Avignon-Provence, Jean-Luc Tingaud (direction)
Sugeeta Fribourg (mise en scène)


T. Victorès-Benavente, J. Goyetche


1815… les Cent-jours. Le jeune Hector a treize ans : fugueur, rebelle, poète, il succombe aux enchantements de la nature, s’abandonne au vague des passions, s’identifie aux héros de ses lectures... et compose sur sa guitare. De cette adolescence, Christian Wasselin et Gérard Condé, pour lesquels Berlioz, le compositeur, l’écrivain ou l’homme, n’a guère de secrets, ont fait un opéra. Tout le monde est là : le père, médecin tutélaire et éclairé, la mère, confite en dévotion, l’oncle Marmion, qui se précipite sur les traces d’un Empereur idolâtré, Nanci, la sœur poitrinaire heureusement guérie, Estelle, l’amour d’enfance. Cela dit, le librettiste a usé de sa liberté d’inspiration : Hector lit déjà Shakespeare et voit le monde à travers Hamlet, les Cent-jours se prolongent, il apprend la musique avec Corsino, personnage central des Soirées de l’orchestre. Mais l’essentiel reste ici que ces Orages désirés donnent naissance à une vocation, qu’ils se subliment dans la création.



Christian Wasselin s’inscrit dans la tradition du livret d’opéra, mêlant les vers et la prose, renouant parfois avec la langue d’une époque, sans la pasticher : il perpétue une manière, un esprit. A l’unisson, Gérard Condé revendique la même filiation, en particulier celle de l’opéra français dont il l’est un des plus subtils connaisseurs – ses analyses dans L’Avant-Scène Opéra en témoignent et l’on attend avec impatience son Gounod chez Fayard. La réussite des Orages désirés, du coup, tient aussi à la cohérence de leur collaboration. Voici donc un opéra à numéros, avec airs et ensembles, comme autrefois, où le chant côtoie la déclamation, où l’on parle, comme dans l’opéra-comique, où l’on retrouve, à travers Estelle, ces grandes vocalises que l’on confiait aux sopranos lyriques légers – Hector, lui, est un mezzo travesti, comme Ascanio de Benvenuto Cellini… ou le Compositeur d’Ariane à Naxos.



Gérard Condé, lui non plus, ne pastiche pas. Il pratique plutôt un certain éclectisme, fondé sur une heureuse assimilation de plusieurs héritages, non sans une once de parodie. Bref, Les Orages désirés ne relève pas d’un « à la manière de », même si l’on sent une évidente intimité avec Berlioz – le rythme de la « Chanson des brigands » de Lélio se perçoit à un moment – ou avec d’autres – l’hymne à la musique final rappelle presque naturellement la fin du Prologue d’Ariane à Naxos. Le compositeur ne s’est autorisé qu’une seule citation, celle du fameux « Di tanti palpiti » de Tancrède de Rossini, un musicien dont Berlioz pouvait admirer certaines pages mais dont il était rien moins que fanatique. Loin d’une modernité à tout prix, quitte à déplaire à certains esprits épris de radicalité, l’écriture ne bannit pas la tonalité, elle témoigne surtout d’un grand sens du rythme théâtral et d’un art de la combinaison des timbres, jusque dans cette version réduite destinée à une vingtaine de musiciens. Et l’on goûte le bonheur de certaines inspirations, comme dans la ballade du Cheval arabe, une réussite conjointe du librettiste et du compositeur.




Jean-Luc Tingaud a su tirer d’un orchestre plus habitué au grand répertoire qu’aux audaces de la nouveauté le meilleur de ce qu’il pouvait donner. Précise et colorée, la direction confirme que le jeune Français, familier de l’opéra, a toutes les qualités d’un chef de théâtre, non moins attentif à la scène qu’à la fosse. Les chanteurs sont sincères, mais modestes. L’Hector d’Anne Rodier a la voix courte, ce qu’elle compense par son engagement, pas très crédible cependant en travesti. Malgré un aigu peu soudé au médium, Nathalie Espallier convainc par son timbre, alors que Txelin Victorès-Benavente, aux aigus acides et à la colorature déficiente, dépare la partie d’Estelle. Plus à l’aise lorsque le rôle du Colonel Marmion se corse, Jean Goyetche manque de souplesse lorsqu’il relève du ténor d’opéra-comique. Il doit donc s’incliner devant les clés de fa, qu’il s’agisse du Corsino de Jean-Michel Caune, ou, plus encore, du Père de Florian Westphal, belle voix à suivre. La mise en scène de Sugeeta Fribourg pâtit d’une direction d’acteurs minimale, qui fait souvent sombrer la production dans le premier degré – que n’excuse pas la modestie des moyens mis en œuvre, les décors et les costumes d’Isabelle Huchet restant d’une heureuse sobriété. Le spectacle, finalement, tient surtout aux jeux de lumière réussis d’Eric Deforge.



L’ensemble est une co-production avec le Grand Théâtre de Reims, où l’œuvre a déjà été donnée en création scénique française : commande de Radio France, on avec découvert Les Orages désirés en novembre 2003, au Festival Présences, dans une version de concert, à l’occasion du bicentenaire de la naissance du compositeur.



Didier van Moere

 

 

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