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Le triomphe d'Idamante

Paris
Palais Garnier
02/27/2009 -  et 3, 5*, 8, 11, 14, 17, 20 & 22 mars
Wolfgang Amadeus Mozart : Idomeneo, rè di Creta, K. 366
Paul Groves (Idomeneo), Joyce DiDonato (Idamante), Camilla Tilling (Ilia), Mireille Delunsch (Elettra), Johan Weigel (Arbace), Xavier Mas (Il gran Sacerdote), Ilya Bannik (la Voce), Yun-Jung Choi, Anna Wall (Due Cretesi), Jason Bridges, Bartlomiej Misiuda (Due Troiani)
Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Paris, Thomas Hengelbrock (direction)
Luc Bondy (mise en scène)


(© Fred Toulet/Opéra national de Paris)


Rien à redire de nouveau sur la reprise de cet Idoménée présenté en novembre et décembre 2006 (lire ici). Le côté post-tsunami, après les productions post-1945, post-Tchernobyl et autres, laisse toujours aussi sceptique, avec ces pauvres hères échoués sur une plage jonchée des débris du cyclone. Luc Bondy n’a pas signé là sa meilleure réalisation : la mise en scène paraît toujours professionnelle mais convenue, peu rythmée, comme si l’œuvre l’embarrassait plus qu’elle ne l’inspirait. Il a pourtant voulu rester au plus près du seria mozartien sans l’actualiser vraiment : omniprésence de la mer, apaisée ou déchaînée, jeunesse d’Ilia en robe de pensionnaire, solitude d’Electre en robe de soirée plus noire que sa propre nuit, déchéance du roi hirsute torturé par la mort ordonnée du fils. Le seria, pourtant, se trouve détourné par l’omission de la reprise du chœur final, qui vise à jeter de l’ombre sur le lieto fine obligé. On se demande, en revanche, pourquoi le chœur, au troisième acte, ressemble aux Vieux Croyants de La Khovantchina. Pour nous rappeler que nous sommes dans une Grèce archaïque, noyée dans des lueurs blafardes, celle de la tragédie grecque plutôt que celle du néoclassicisme des Lumières ? Il eût fallu pour nous en convaincre de l’imagination et du souffle ; or on ne retient guère qu’un ou deux beaux moments, comme lorsque le père s’apprête à sacrifier le fils.



Musicalement, on retrouve la plupart des interprètes de la production. Thomas Hengelbrock, cependant, a évolué – les musiciens sont-ils les mêmes ? La direction joue moins sur la restitution des sonorités anciennes, vise davantage à l’équilibre des contrastes et à la souplesse des phrasés, s’abandonne à la sensualité des timbres mozartiens, sans pour autant abdiquer la puissance du théâtre – impressionnant « O voto tremendo ». Camilla Tilling reste une charmante Ilia, avec plus de rondeur dans la voix et un médium plus charnu que naguère, un peu lisse malgré tout dans son chant, à l’image de son costume ; on dirait que le personnage se contente de traverser son destin. Mireille Delunsch se situe à l’exact opposé : un tempérament dramatique compensant par son engagement une vocalité moins impeccable – on n’a en tout cas nullement senti qu’elle fût souffrante comme on nous l’a annoncé avant la représentation. La voix a désormais ses duretés, ses instabilités dans la tessiture, dont s’accommodent mal les airs du premier et du dernier acte – airs de fureur et de folie, il est vrai, qui mettent la voix à mal et pourraient autoriser quelques dérapages expressifs. Mais Electre est bien là, murée jusqu’à la folie dans sa frustration et sa souffrance. Quoi qu’il en soit, comme il y a deux ans, l’impression la plus forte est laissée par l’Idamante de Joyce DiDonato, aussi splendide vocalement que dramatiquement, très à l’aise dans cette problématique tessiture qui gênait Bernarda Fink à Pleyel (lire ici), à la fois tendre et valeureux, habitant le moindre mot et la moindre note des récitatifs, notamment quand le fils à la fois triomphant et condamné remet son épée à son père.


Nouveau venu, Paul Groves ne présente pas, en revanche, le profil du héros seria mozartien : plus héroïque que certains par le timbre, ce qui pourrait convenir au roi de Crète, le ténor devrait assouplir son émission, affiner ses phrasés et délier sa colorature pour assumer parfaitement sa partie. Dans le virtuose « Fuor del mar » il réduit les vocalises au minimum, parsemant imprudemment la reprise d’aigus forcés ; faute de respiration maîtrisée, il rate carrément « Accogli, o re del mar », redoutable exercice de legato belcantiste – superbes pizzicatos des cordes de l’Opéra. Il a néanmoins assez fréquenté Mozart pour réussir les airs moins périlleux, habiter lui aussi les récitatifs et incarner le roi déchu, surtout au troisième acte. On aurait pu seulement le flanquer d’un autre Arbace que Johan Weigel, pitoyable dans un « Sventurata Sidon » qu’il ne fait heureusement pas suivre de « Se cola ne’ fati e scritto ». Nul n’ignore la place du chœur dans Idoménée : celui de l’Opéra fait honneur à Mozart.



Didier van Moere

 

 

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