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«Ne transpire pas en dirigeant, seul le public a le droit de s’échauffer» (R. Strauss, deuxième des Dix commandements inscrits dans le livre d’or d’un jeune chef d’orchestre, 1925)

Paris
Théâtre du Châtelet
02/12/2009 -  
Anton Webern : Passacaille, opus 1
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour trois pianos en fa majeur, K. 242
Richard Strauss : Ein Heldenleben, opus 40

Bertrand Chamayou, David Bismuth, Edna Stern (piano)
Sarah Nemtanu (violon solo), Orchestre national de France, Andris Nelsons (direction)


Andris Nelsons (© Marco Borggreve)



Dans un contexte de rude concurrence que se livrent depuis quelques mois les salles parisiennes (la salle Pleyel accueillait, ce soir-là, rien moins que le pianiste Lang Lang et Riccardo Chailly à la tête de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig…), c’est un Théâtre du Châtelet modérément plein (bien que la salle se soit remplie pour la seconde partie) qui faisait entendre, sur plus d’un siècle, les œuvres de trois dignes représentants de la musique viennoise.


Anton Webern (1883-1945) n’a pas encore vingt-cinq ans lorsqu’il compose son célèbre opus 1, la Passacaille pour orchestre, seule pièce qu’il ait écrite pour grand orchestre avec les Six pièces, opus 6. On connaît l’introduction enivrante et mystérieuse de cette page, rapidement devenue « classique » des grandes phalanges : de simples pizzicati de cordes rapidement relayés par une trompette en sourdine, qui n’est pas sans évoquer l’image d’un clown blanc, triste et seul, avant que les débordements musicaux et sonores ne viennent bousculer le climat initial de douce quiétude… Le thème principal donne lieu à vingt-trois variations, hommage tant à la musique de Brahms qu’à des œuvres plus contemporaines comme la Première symphonie de chambre de Schoenberg, qui fut par ailleurs le maître de Webern. L’Orchestre national de France aborde l’œuvre avec retenue, visiblement peu en phase avec une partition qui continue d’étonner, un siècle après, par ses dissonances et ses ruptures. Cela dit, ce qui attire l’attention du spectateur, ce n’est pas l’orchestre mais bien davantage son chef : en effet, avec force éructations, grognements et emphase dans la gestique, Andris Nelsons s’agite sur l’estrade, multipliant les moulinets avec ses bras, sa baguette passant de l’un à l’autre, au point que son style pourrait facilement être qualifié d’arachnéen!


Le retour d’une musique plus contenue n’a pas pour autant apaisé notre fougueux jeune chef d’orchestre (né en 1978, chef titulaire de l’Orchestre symphonique de Birmingham depuis septembre 2008 et promis, entre autres, à diriger Lohengrin au Festival de Bayreuth en 2010). Pourtant, le Concerto pour trois pianos de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) ne frappe ni par son élan, ni par son imagination ; c’est d’ailleurs peut-être la raison pour laquelle Mozart en fit une transcription pour deux pianos au début de l’année 1781. Composé en février 1776 à la demande de la comtesse Antonia Lodron (d’où le surnom parfois donné à l’œuvre de Concerto Lodron) pour elle et ses deux filles, Aloisia et Giuseppina, c’est un concerto assez commun où le génie de Mozart n’a pas été fortement sollicité, tenant peut-être compte il est vrai des capacités pianistiques limitées des dédicataires. La partition se contente, après, comme il se doit, une brève introduction orchestrale, de donner la parole tour à tour à l’un des trois solistes, ces derniers étant également parfois appelés à converser entre eux. Bertrand Chamayou, David Bismuth et Edna Stern jouent ce concerto de façon honnête mais, hormis cette dernière, avec peu d’implication. L’Adagio devient vite ennuyeux et le troisième mouvement, Tempo di Minuetto, tourne rapidement à vide, ce qui n’empêche pas pour autant Andris Nelsons de continuer à s’agiter au point, parfois, de visuellement perturber l’auditoire.


Richard Strauss (1864-1949) a déjà une forte expérience du poème symphonique lorsqu’il compose Une vie de héros puisqu’il possède notamment à son catalogue Don Juan, Mort et Transfiguration, Les joyeuses équipées de Till l’Espiègle et Ainsi parlait Zarathoustra. Contrairement à ce que ses contemporains (au premier rang desquels Romain Rolland) ont bien voulu dire, cette page se veut davantage la peinture de la vie d’unartiste que d’un héros au sens guerrier et mythologique du terme. Cette approche indéniablement autobiographique, qui innerve l’ensemble de son œuvre, se confirme notamment par l’importance donnée au violon solo, censé représenter Pauline, le seul être aimé de toute sa vie, à la fois inspiratrice, conseillère et interprète avisée. Peu convaincant dans la première partie, l’Orchestre national s’est, dès les premiers accords, véritablement métamorphosé : on ne sait qu’admirer le plus entre la cohésion de tutti puissants (magnifiques pupitres d’altos, de violoncelles et de contrebasses) et les solistes inspirés (Calogero Palermo à la clarinette, Vincent Léonard au cor pour ne citer qu’eux). Naturellement, la palme revient à Sarah Nemtanu, violon solo impliquée au plus haut point : servie par une technique hors pair, sa musicalité illustre à merveille les minauderies, les atermoiements et le charme de l’épouse du héros. Ovationnée à juste titre par le public, elle fut, de façon amplement méritée, la grande triomphatrice de cette soirée.


Avec toujours autant de débordements, Andris Nelsons conduit l’œuvre avec force et une grande tenue, enchaînant les six parties du poème avec une indéniable dextérité. C’est donc le visage en sueur, le col de la chemise ouvert (son nœud papillon ayant depuis longtemps rejoint une des poches de son pantalon bien qu’un bout en dépassât tout au long de cette seconde partie!), un pan de sa chemise dépassant de ses bretelles, que Nelsons fut également acclamé par un orchestre et un public visiblement emportés par sa fougue et dont les apparitions parisiennes devraient, compte tenu de son talent, rapidement se multiplier!



Sébastien Gauthier

 

 

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