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A bord de la Péniche, l’essor de La Colombe

Paris
Péniche Opéra
01/21/2009 -  Et les 23, 24, 28, 30 & 31 janvier, 4, 6*, 7, 11, 13 & 14 février, 11, 13 & 14 mars
Charles Gounod : La Colombe
Dorothée Lorthiois (Sylvie), Vanessa Le Charlès (Mazet), Pierre Espiaut (Horace), Johann Leroux (Maître Jean)
Christophe Manien (piano)
Mireille Larroche (mise en scène)


(© D. Hamot)


Avec des moyens d’une infinie modestie, Mireille Larroche vous monte un spectacle parfaitement professionnel : sa Péniche Opéra ne donne jamais dans l’amateurisme. A l’affût des raretés, ouverte au baroque et à la musique d’aujourd’hui, elle s’attache aussi, comme Jérôme Deschamps à l’Opéra-Comique, comme certains directeurs d’opéras de région, à ressusciter un répertoire du XIXe siècle souvent méconnu et parfois méprisé. Sans s’y cantonner : où entendre, sinon chez elle, La Forêt bleue de Louis Aubert ou Hin und zurück de Hindemith ?


Et même si cette Colombe de Gounod, inspirée de La Fontaine, est accompagnée par un piano, on applaudit des deux mains. Le Salon de conversation de Bade, où on la créa en 1860 – elle attendit six ans pour battre des ailes à l’Opéra-Comique -, était-il d’ailleurs plus grand que la Péniche ? Au demeurant, une histoire amusante : une comtesse use de ses charmes pour déposséder un jeune homme ruiné d’un oiseau rare, une colombe, seul vestige de sa fortune disparue. Comme personne ne lui fait plus crédit au village, le voilà contraint de lui servir la colombe en guise de dîner. Mais le mets au goût étrange est en réalité, grâce au filleul du jeune fauché, le perroquet de sa rivale, dont elle voulait se venger en chipant le volatile. Et comme la comtesse ne se montre finalement pas insensible au charme de ce jeune homme qui soupire pour elle, l’opéra-comique finira par un mariage, dont la colombe sera le symbole.


Fallait-il actualiser le texte comme l’a fait Dorian Astor, qui n’a apparemment pas touché à la partie d’Horace ? La question reste évidemment posée et la rencontre entre la ville et la campagne, entre l’artifice et la nature, entre un top model et un altermondialiste écolo peut s’apprécier diversement : c’est Carla Bruni et José Bové, dit Mireille Larroche, ou Marie-Antoinette devenue bobo et savourant en 4x4 la virginité de la nature. Cela est en tout cas fait avec humour et s’inscrit, après tout, dans une tradition philosophique bien française, et l’on nous a épargné les facilités racoleuses d’une Agathe Mélinand. Trois tas de foin et une roulotte, du coup, suffisent à constituer le décor évocateur d’Alexandre Heyraud.


Amusant et charmant, le spectacle a ses moments de tendresse sans mièvrerie, grâce à au travail précis et rythmé de Mireille Larroche ; elle respecte l’esprit du genre et lui conserve sa légèreté, tout en sachant jouer sur le second degré – l’air sur l’art de cuisiner, par exemple, parodie le grand opéra. En dirigeant ses quatre jeunes chanteurs d’une main à la fois souple et ferme, elle répond à l’une des vocations de la Péniche : assurer l’insertion professionnelle des nouveaux talents. Confrontés à des emplois plus difficiles qu’il y paraît, ces derniers, certes, ont encore à apprendre, même s’ils maîtrisent la déclamation propre au style français – si souvent mise à mal. Seule en effet Vanessa Le Charlès, entendue dans Le Vampire à Rennes, maîtrise pleinement sa voix, plus à l’aise dans la tessiture de mezzo du travesti Mazet que dans l’opéra de Marschner – au fait, est-elle vraiment soprano ? - : le timbre est riche, la voix homogène, le phrasé impeccable, l’émission souple, ce qui nous vaut de très réussis Couplets sur les femmes. Dorothée Lorthiois, récemment remarquée dans Elias de Mendelssohn aux Champs-Elysées, si elle ne manque ni de charme ni d’abattage, devra assouplir l’émission de ses aigus et délier ses vocalises pour affronter les emplois de soprano léger caractéristiques de l’opéra-comique. Quelques aigus un peu durs s’observent aussi chez Pierre Espiaut, mais la voix est bien placée et le jeune ténor sait ce que chanter français veut dire. Johann Leroux également, même si le timbre, d’un beau mordant, reste un peu vert ; qu’il chante ou qu’il joue, il témoigne d’un sens remarquable de la prosodie. Au piano, Christophe Manien s’acquitte avec brio d’une tâche ingrate : suggérer l’orchestre au clavier, après avoir enrichi certaines parties de la réduction – à Fontainebleau, où la Péniche est en résidence, un ensemble de dix instruments accompagnait les chanteurs. Ce qui n’empêche pas de sentir que sous La Colombe perce parfois Roméo et Juliette.



Didier van Moere

 

 

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