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Les leçons de musique du professeur Gardiner

Paris
Salle Pleyel
02/09/2009 -  et 13 février 2009 (Frankfurt)
Ludwig van Beethoven : Ouverture « König Stephan », opus 117 – Concerto pour piano n° 3 en ut mineur, opus 37 – Symphonie n° 5 en ut mineur, opus 67

Maria João Pires (piano)
London symphony orchestra, John Eliot Gardiner (direction)

Plus que par le passé peut-être, de nombreux chefs d’orchestre font aujourd’hui de l’éclectisme musical un art véritable, passant aussi bien de Haydn à Takemitsu (Ozawa), de Schütz à Schoenberg (Herreweghe), de Porpora à Scriabine (Muti) : les exemples peuvent être multipliés à l’envi ! Si John Eliot Gardiner demeure un interprète avisé et incontesté de la musique baroque anglo-saxonne (Bach et Haendel figurent parmi ses vieux compagnons de route), il a, lui aussi, peu à peu étendu son répertoire grâce, notamment à l’Orchestre révolutionnaire et romantique, à la tête duquel il a gravé une intégrale des symphonies de Beethoven qui, lors de sa sortie, avait fait sensation. Ce soir, le voici dirigeant un orchestre « classique », sûrement un des meilleurs au monde, l’Orchestre symphonique de Londres. Le triptyque est commun (ouverture – concerto – symphonie) mais, comme on va le voir, tel n’est pas tout à fait le cas de l’interprétation.


A l’époque de Beethoven, les Gelegenheitsfestspiele (« pièces de circonstance ») formaient un genre à part ; écrites pour des occasions particulières, elles donnaient lieu à de grandes festivités avant de sombrer aussitôt dans l’oubli. Ainsi, dans la perspective de l’inauguration du Théâtre royal de Pest, on commanda deux pièces en un acte à un auteur dramatique prolixe de l’époque, August von Kotzebue (1761-1819). En plus d’un drame sans musique retraçant l’histoire de Pest, celui-ci réalisa deux pièces dont Ludwig van Beethoven (1770-1827) composa la musique : il s’agit respectivement de la Musik zu August von Kotzebues Festspiel « König Stephan oder Ungarns erster Wohltäter » (« Le Roi Etienne ou le premier bienfaiteur de la Hongrie » opus 117) et Die Ruinen von Athen (« Les Ruines d’Athènes » opus 113). Aujourd’hui, seules les ouvertures sont restées au répertoire et, pour autant, rares sont les occasions de les entendre (on leur préfère généralement Coriolan, Egmont ou l’une des trois Leonore). Les esquisses de l’ouverture du Roi Etienne remontent à 1811 mais l’œuvre ne fut créée qu’en février 1812. Dès les premiers accords, l’Orchestre symphonique de Londres frappe par sa verdeur et sa raideur, l’acoustique de la salle n’aidant peut-être pas à rendre les mélodies beaucoup plus veloutées. Si Gardiner fait alterner de façon légèrement pesante les sonneries introductives des cuivres et les mélodies chaotiques (mais voulues comme telles par le compositeur) des bois, il conduit en revanche avec force les envolées de la fin de la pièce qui, emportant tout sur leur passage, rétablissent en un instant la haute stature de l’orchestre.


La salle Pleyel avait déjà eu l’occasion d’entendre Maria João Pires jouer un concerto pour piano de Beethoven sous la direction de John Eliot Gardiner : il s’agissait alors du Quatrième (voir ici). Ce soir, place au plus mozartien des cinq concertos de l’immense compositeur. Si les premières esquisses remontent à 1800, le Troisième concerto ne fut interprété la première fois qu’en février 1803 au cours d’un concert fleuve où furent également créés Le Christ au Mont des Oliviers et la Deuxième symphonie. S’appuyant sur une belle introduction orchestrale (la perfection de la petite harmonie faisant oublier le manque d’ampleur des cordes, notamment des premiers violons), Maria João Pires frappe immédiatement tant par la détermination que par la douceur de son toucher. Si l’Allegro con brio rappelle, par endroits, les Dix-neuvième ou le Vingt-et-unième concerto de Mozart, la soliste veille néanmoins à préserver le style authentique du mouvement qui, déjà, a nettement basculé dans la période préromantique. Comme il a parfois tendance à le faire, Gardiner accompagne la pianiste, certes avec une extrême attention, mais en ayant tendance à quelque peu hacher le discours musical, préférant à la cohésion pointer ici ou là les traits confiés aux clarinettes ou aux bassons. Le Largo ne se prête pas à une lecture aussi analytique : les couleurs sont plus chaudes, l’atmosphère davantage portée à la réflexion voire à la mélancolie. Jouant habilement sur les silences et la simplicité des motifs, Maria João Pires offre un moment magnifique à un public silencieux et attentif avant de se lancer dans les motifs hongrois du Rondo–Allegro. Concluant de manière triomphale le concerto, Maria João Pires offre un bis au public : une trop brève Valse de Frédéric Chopin.


On a beau connaître certaines œuvres par cœur, cela fait toujours plaisir de les voir programmées et de les entendre : tel est naturellement le cas de la Cinquième symphonie. Qui pourrait croire que sa création, au Theater an der Wien, en décembre 1808, se solda par un échec retentissant ? Souffrant vraisemblablement de figurer au sein d’un programme pléthorique qui durait près de quatre heures et qui vit également la création de la Symphonie «Pastorale», il fallut attendre 1812 pour que Vienne accueille cette symphonie comme elle le méritait. Sir John Eliot Gardiner, une fois de plus dans un français parfait, prend le micro pour, dans un propos liminaire, rappeler au public de la salle Pleyel qu’on pouvait trouver quelques racines de cette œuvre emblématique dans des compositions françaises antérieures, qu’il s’agisse de certaines pièces de Luigi Cherubini ou de La Marseillaise de Rouget de Lisle et que c’est grâce à Paris, qui fit un triomphe répété à cette symphonie dans les années 1820–1830, que la Cinquième est aujourd’hui ce qu’elle est. Son intervention le laissait entendre : Gardiner veut « décaper » l’interprétation à laquelle on est généralement habitué. Ici, point de legato, point de grands ensembles de cordes : la sécheresse du trait, la brutalité instillée à certaines transitions donnent à l’Allegro con brio un caractère précipité où la vitesse tend parfois à prendre le pas sur la netteté de la mélodie. Le classicisme de l’interprétation tend néanmoins à reprendre ses droits avec la splendide introduction de l’Andante con moto confiée aux violoncelles et altos : lyrique sans excès ni alanguissement, l’Orchestre symphonique de Londres fait montre d’une parfaite maîtrise en alliant de façon exemplaire les sonorités et en tenant les phrases jusqu’à leur note ultime. Les deux derniers mouvements sont les plus réussis même si l’on peut toujours déplorer une certaine sécheresse de l’orchestre et la présence excessive des timbales : magnifique jeu des nuances (la progression entre les deux mouvements est splendide), diversité des climats, virtuosité des solistes. L’apothéose qui conclut l’œuvre, au son du piccolo, galvanise une salle Pleyel comble qui, ce soir, a eu droit à une Cinquième symphonie en somme extrêmement convaincante à défaut d’être toujours très séduisante…


Le site de l’Orchestre symphonique de Londres



Sébastien Gauthier

 

 

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