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Paris vaut bien trois messes Paris Salle Pleyel 02/04/2009 - et 5* février 2009 Arvo Pärt : Cantus in memory of Benjamin Britten
Benjamin Britten : Sinfonia da Requiem, opus 20
Wolfgang Amadeus Mozart : Messe en ut mineur, K. 417a [427] Camilla Tilling, Claire Debono (sopranos), Timothy Robinson (ténor), Markus Butter (basse)
Chœur de l’Orchestre de Paris, Didier Bouture et Geoffroy Jourdain (chefs de chœur), Orchestre de Paris, Paavo Järvi (direction)
P. Järvi (© Sheila Rock)
C’est en septembre 2010 que Paavo Järvi, succédant à Christoph Eschenbach, deviendra le septième directeur musical de l’Orchestre de Paris, mais il présente dès cette saison deux programmes, chacun à deux reprises: mi-octobre, il a illustré ce XXe siècle dans lequel on a l’habitude de l’entendre (Debussy, Prokofiev, Bartók); la première partie du second programme poursuit dans la même veine, avec Pärt, un de ces compositeurs estoniens dont on espère qu’il les fera découvrir au public français, et Britten. En revanche, on le connaît moins dans le «grand» répertoire: l’occasion lui en était ici donnée avec Mozart, avant qu’il ne dirige, fin mars au Théâtre des Champs-Elysées, une intégrale Beethoven en compagnie de sa Philharmonie de chambre de Brême, précédée d’une flatteuse réputation (voir ici).
Enchaîner sans interruption Cantus in memory of Benjamin Britten (1977) de Pärt et la Sinfonia da Requiem (1940) de Britten se justifie à plus d’un titre: non seulement la première pièce se définit explicitement comme un hommage au compositeur de la seconde, mais la dédicace de celle-ci («A la mémoire de mes parents») prend elle-même la forme d’un in memoriam. Après avoir fait émerger des strates de notes descendantes de Pärt une atmosphère résolument expressive, Järvi tire tout le parti de la violence du «Lacrymosa» et du «Dies iræ», chauffés à blanc, hurlants et tendus, évoquant maintes fois Chostakovitch, qui, trente ans plus tard, devait offrir à Britten sa Quatorzième symphonie, autre requiem laïc. En revanche, il inscrit le «Requiem æternam» dans la descendance de la Symphonie de psaumes de Stravinski, quoique de façon plus ouvertement chaleureuse et consolatrice.
Après ce Cantus et ce Requiem laïcs et sans paroles, une messe catholique mais inachevée, la Messe en ut mineur (1783) de Mozart, que l’orchestre a donnée voici une dizaine d’années avec Frans Brüggen. Un «baroqueux» historique duquel Järvi n’est pas si éloigné que cela, avec une baguette aux attaques franches mais sans brutalité, ferme mais sans raideur dans les pages lentes, dynamique mais sans précipitation dans les pages rapides. Il s’attache en outre à souligner, à la tête d’un effectif réduit (une petite trentaine de cordes sans vibrato), la dimension baroque de l’œuvre, ses contrastes, ses contrepoints venus de Bach, ses rythmes pointés, sa pompe et ses voix opératiques. De ce point de vue, Camilla Tilling se sort bien du fameux «Et incarnatus est», même si, comme Claire Debono, au timbre plus acéré dans le «Laudamus te», elle brille davantage dans l’aigu de son registre que par des graves manquant de projection. Timothy Robinson et Markus Butter font bien le peu qu’ils ont à faire, tandis que le chœur, qui, une fois n’est pas coutume à Pleyel, est installé sur scène et non dans les tribunes en surplomb, offre une belle prestation, à l’image du concert tout entier, qui augure bien de l’ère Järvi.
Le site de Paavo Järvi
Simon Corley
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