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Attentes comblées Paris Théâtre des Champs-Elysées 02/04/2009 - et 25, 28, 31 janvier (Baden-Baden), 6 (München) février 2009 Richard Strauss : Der Rosenkavalier, opus 59
Renée Fleming (Die Feldmarschallin Fürstin Werdenberg), Franz Hawlata (Der Baron Ochs auf Lerchenau), Sophie Koch (Octavian), Franz Grundheber (Herr von Faninal), Diana Damrau (Sophie), Irmgard Vislmaier (Jungfer Marianne Leitmetzerin), Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Valzacchi), Jane Henschel (Annina), Andreas Hörl (Ein Polizeikommissar), Wilfried Gahmlich (Der Haushofmeister der Marschallin), Lynton Black (Ein Notar), Jörg Schneider (Ein Tierhändler, Der Haushofmeister bei Faninal, Ein Wirt), Ramón Vargas (Ein Sänger), Catherine Veillerobe, Angela Rudolf, Nina Amon (Drei adlige Waisen), Bernarda Bobro (Eine Modistin), Michael Schwendinger (Ein Hausknecht)
Philharmonia Chor Wien, Walter Zeh (direction), Theaterkinderchor am Helmholtzgymnasium (Karlsruhe), Waltraud Kutz (direction), Münchner Philharmoniker, Christian Thielemann (direction)
Christian Thielemann (© Bayreuther Festspiele)
Présenté à trois reprises à Baden-Baden dans une mise en scène de Herbert Wernicke déjà vue à Bastille (voir ici et ici) et qu’un futur DVD d’Unitel permettra de redécouvrir (voir ici), ce Chevalier à la Rose (1910) de Strauss est par ailleurs donné deux fois en version de concert: avant Munich, c’est Paris qui accueille ainsi cette luxueuse production. L’affiche faisait rêver depuis que le Théâtre des Champs-Elysées avait révélé son programme pour 2008-2009. Dans de tels cas, les attentes sont cependant tellement fortes qu’elles risquent d’autant plus d’être déçues. Elles ont toutefois été comblées, ce dont témoigne une standing ovation à l’issue de près d’un quart d’heure d’applaudissements nourris, venant couronner une soirée véritablement hors du commun, bien évidemment donnée à guichets fermés.
L’un des atouts de ce spectacle tient à ce qu’il fait suite à de toutes récentes représentations scéniques. Il s’agit certes ici d’une version de concert, mais les solistes ne sont pas installés en rang d’oignons face à la salle, partition sous les yeux, et surtout, les réflexes qu’ils ont acquis quelques jours plus tôt valent toute les «mises en espace». Une rose argentée au deuxième acte, une table, une bouteille et deux verres au dernier acte, il suffit de peu, car la spontanéité du théâtre est encore perceptible dans les gestes, les attitudes, les regards. Seul inconvénient, les chanteurs sont souvent assis, ce qui accroît leurs difficultés à s’imposer face à un orchestre qui, s’il n’est pas pléthorique (une petite cinquantaine de cordes), n’en est pas moins sorti de la fosse.
Qui n’était pas venu pour entendre et voir la Maréchale de Renée Fleming? Drapée dans une «robe John Galliano, créée spécialement pour le gala d’ouverture du Metropolitan Opera le 22 septembre 2008», ainsi que ne manque pas de le préciser le programme de salle, elle joue savamment de son étole chatoyante et cultive son charme princier. Retrouver la soprano américaine dans son compositeur de prédilection, qu’elle vient encore d’enregistrer pour Decca (voir ici), est un bonheur qui ne se refuse jamais, car son art et son timbre continuent de forcer l’admiration.
Mais elle ne vole pas la vedette à ses partenaires, tous excellents. A qui en effet accorder la préférence, entre l’Octavian de Sophie Koch, douée d’une formidable intelligence du texte, l’Ochs de Franz Hawlata, confondant de naturel et d’autorité, sans jamais forcer le trait, la Sophie de Diana Damrau, vocalement parfaite, ne cantonnant pas son personnage dans une niaiserie ingénue, et le Faninal du vétéran Franz Grundheber? Même les rôles secondaires sont brillamment distribuées, à commencer par le duo d’intrigants formé par Wolfgang Ablinger-Sperrhacke et Jane Henschel. Comme de coutume, le chanteur italien est incarné par une guest star: Jonas Kaufmann à Baden-Baden, Ramón Vargas à Paris – si le ténor mexicain fait annoncer avant le lever de rideau qu’il est souffrant, il n’a pourtant guère à se faire pardonner.
Si ce plateau d’exception pâtit sans doute un peu de l’acoustique de l’avenue Montaigne et de la présence de l’orchestre sur scène, Christian Thielemann et sa Philharmonie de Munich font tout pour compenser cette relative frustration: les musiciens sont dans leur élément et le chef allemand voue manifestement une profonde admiration à cette musique, comme le montre la façon quasi mystique dont il aborde la seconde partie du dernier acte. Surtout, durant trois heures vingt, il parvient constamment à animer le propos par une direction vigoureuse, quelquefois trop appuyée, au point d’évoquer alors davantage la Prusse de Guillaume que la Vienne de Marie-Thérèse – réserve cependant mineure au regard d’un moment comme on en compte fort peu au cours d’une saison.
Simon Corley
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