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Remplaçant de luxe

Paris
Salle Pleyel
01/09/2009 -  
Richard Wagner : Prélude à l’acte I des «Maîtres chanteurs de Nuremberg» – Prélude à l’acte I de «Parsifal» – Ouverture de «Tannhäuser»
César Franck : Symphonie en ré mineur

Orchestre philharmonique de Radio France, Guennadi Rojdestvenski (direction)


G. Rojdestvenski



Comme en décembre (voir ici), des ennuis de santé dont on a hélas appris à connaître la nature récurrente ont empêché Mikko Franck d’honorer son rendez-vous avec le public parisien. Ce type d’occasions offre souvent une chance à un jeune de se faire un nom, mais on ne peut dire que ce fut le cas en l’espèce: après Esa-Pekka Salonen, c’est en effet un autre remplaçant de luxe qui lui a été trouvé, et encore plus chevronné, en la personne de Guennadi Rojdestvenski, qui avait déjà donné avec le Philharmonique de Radio France un concert Prokofiev en janvier 2008. Agé de soixante-dix-sept ans, il ne jouit pas en France d’une renommée à la hauteur de son talent, alors qu’il fait partie de ces derniers représentants d’une ère – sans doute un peu mythifiée – où l’art de la direction d’orchestre n’était pas aussi standardisé qu’aujourd’hui.


Bref, une forte personnalité, et pas dans le seul registre artistique, avec tout ce qui peut s’y attacher de caprices et d’anecdotes. On se souvient ainsi comment il a claqué la porte du National, alors qu’il devait donner une intégrale des Concertos de Prokofiev avec son épouse Viktoria Postnikova, et, plus récemment, du Sinfonietta d’Amsterdam, qui, dans la notice d’un de ses disques, avait omis de le mentionner parmi les chefs invités. Et, en novembre dernier, il a annulé une série de concerts avec le Symphonique de Boston, au motif, si l’on en croit la presse locale, que le nom du soliste, le violoncelliste Lynn Harrell, apparaissait en caractères plus grands que le sien sur les affiches.


Rojdestvenski a repris sans modification le programme que devait diriger son collègue finlandais, avec une première partie intégralement consacrée à des pages symphoniques de Wagner – un répertoire que le Philhar’ n’a guère pratiqué depuis le départ de Marek Janowski, voici déjà neuf ans. Comme son compatriote Evgueny Svetlanov mais sans aller jusqu’au systématisme d’un Celibidache, il manifeste une prédilection pour des tempi inhabituellement lents. Atypique et déroutant, le Prélude au premier acte des Maîtres chanteurs de Nuremberg (1868) en devient pompeux et massif, privilégiant le caractère d’une célébration solennelle sur celui d’une comédie et conférant à l’orchestre une sonorité étonnamment dense, pour ne pas dire épaisse. Dirigeant de plain-pied, sans estrade, avec une gestuelle économe que les musiciens semblent avoir parfois du mal à suivre (à moins qu’il ne faille y voir une conséquence de la tendance qui lui est prêtée de limiter les répétitions au strict minimum), il ne parvient pas toujours à bien démêler l’écheveau polyphonique. Au contraire, le Prélude au premier acte de Parsifal (1882), qui, sous des baguettes pour lesquelles le mysticisme confine à l’immobilisme, s’apparente à une course de lenteur, ne s’engourdit pas; l’inspiration n’en est pas moins au rendez-vous, même si l’effet en est fâcheusement gâché par la médiocre conclusion «de concert» sur laquelle il prend fin. Retour à une allure très retenue pour l’Ouverture de Tannhäuser (1845), avec toutefois une partie centrale raisonnablement animée: autant le tempo avait pu paraître handicapant dans Les Maîtres chanteurs, autant il confère à cette ouverture une grandeur qui s’impose au travers d’une architecture soigneusement construite depuis les premières mesures jusqu’à une impressionnante péroraison.


César Franck ayant endossé plus ou moins à son corps défendant l’habit de «wagnérien» à une époque où le qualificatif demeurait encore sulfureux à Paris, sa Symphonie en ré mineur (1888) suivait tout à fait logiquement en seconde partie. Wagnérien, pourquoi pas, tant par son langage chromatique que par son orchestration faisant la part belle aux cuivres, et, pour ses détracteurs, par sa lourdeur, mais le compositeur liégeois évoque tout autant Bruckner, organiste comme lui et de deux ans seulement son cadet. Faisant durer les silences et ménageant de puissantes progressions dramatiques, Rojdestvenski contribue à souligner cette parenté: généreuse et altière, chaleureuse et épique, son interprétation offre également de lumineuses échappées lyriques, qu’il prend plaisir à laisser s’épancher longuement, avec poésie et délicatesse. Evitant l’écueil de la pesanteur et délivrant un message d’un profond humanisme, le chef remporte un triomphe, tant auprès de l’orchestre que du public de la salle Pleyel.



Simon Corley

 

 

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