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Bis repetita Paris Salle Pleyel 12/20/2008 - Mélodies de Gioacchino Rossini, Vincenzo Bellini, Gaetano Donizetti, Pauline Viardot, Manuel Garcia, Maria Malibran Cecilia Bartoli (soprano), Sergio Ciomei (piano) Cecilia Bartoli (© Decca/Uli Weber)
Simple « soirée rossinienne » à Pleyel, après le marathon Malibran (lire ici). Mais toutes ces mélodies de Rossini, Bellini et Donizetti sont mineures : ce n’est pas là qu’ils ont mis leur génie et le compositeur du Barbier de Séville y commettait de bien véniels « péchés de sa vieillesse ». Les soirées rossiniennes, d’ailleurs, offraient en général un programme beaucoup plus varié et sollicitaient davantage de monde, pas seulement des chanteurs. Bref, ce récital, constitué de morceaux destinés au salon et non pas à la salle de concert, du moins pas à une salle moderne comme Pleyel – il fallait, par exemple l’Opéra-Comique –, s’adressait d’abord aux fans de « la » Bartoli, qui n’ont pas manqué de lui réserver un accueil triomphal tout en s’émerveillant de ses deux superbes robes bleue et rouge. Se sont-ils souvenus qu’elle a enregistré et chanté, parfois à Paris même, presque tout son programme ? Mais la star, accompagnée par le scrupuleux et attentif Sergio Ciomei, sent bien le danger de la monotonie et le contourne par un jeu adapté à chaque mélodie comme si elle se trouvait sur une scène d’opéra – esquissant un zapateado et imitant les castagnettes pour les espagnolades, parodiant le roulement du tambour dans le « Rataplan » de la Malibran –, une attention portée à chaque syllabe, un raffinement de tout instant. Et l’on admire toujours la maîtrise du souffle, le jeu sur les couleurs de la voix ; on reste confondu par la virtuosité syllabique de la célèbre « Danza » de Rossini, grisé par la sensualité de la « Havanaise » de Pauline Viardot… et admiratif devant la qualité de son français dans « Ariette à l’ancienne », « L’Orpheline du Tyrol », mimée avec humour, ou « La Grande Coquette » de Rossini.
Or tout cela finit par se retourner contre elle : cette sophistication outrée nuit à la simplicité des morceaux, qui n’en demandent pas tant, l’excès de coloration des syllabes compromet la ligne – défaut remarqué depuis quelque temps déjà dans ses prestations et ses enregistrements. A force de ne pas vouloir ennuyer, elle agace et l’on se dit qu’elle est, plus encore que les compositeurs, à l’étroit dans l’intimisme de ces mélodies où l’on se lasse de l’entendre. Qu’on ne nous dise pas qu’une star aussi sophistiquée qu’Elisabeth Schwarzkopf variait peu ses programmes : elle y mettait Schubert, Wolf, Strauss. Quant à ceux qui attendaient, pour les bis, des airs d’opéras, ils ont dû se contenter de « Ti voglio tanto bene » et « Non ti scordar di me » de Curtis et du « Canto negro » de Montsalvatge : là encore, elle puise dans son fond de commerce. Le mot est lâché : n’y a-t-il pas, justement, un commerce Bartoli ? Cela dit, soyons juste : on doit à sa curiosité passionnée la résurrection d’ouvrages oubliés – de valeur inégale –, comme récemment la Clari d’Halévy à Zurich (lire ici). C’est cette Bartoli-là que nous préférons entendre.
Didier van Moere
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