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Fête franco-polonaise Paris Théâtre du Châtelet 12/22/2008 - et 15 décembre 2008 (Warszawa) Stanislaw Moniuszko : Bajka
Alexandre Tansman : Triptyque
Henryk Gorecki : Trois Pièces dans le style ancien
Olivier Greif : Quadruple Concerto «La Danse des morts», opus 352
Alexandre Glazounov : Chopiniana, opus 46
Krzysztof Penderecki : Agnus Dei (arrangement Boris Pergamenchikov)
Emmanuel Chabrier : Le Roi malgré lui: Fête polonaise
Jakub Haufa (violon), Lise Berthaud (alto), Jérôme Pernoo (violoncelle), Pascal Amoyel (piano)
Sinfonia Varsovia, Marc Minkowski (direction)
M. Minkowski (© Marco Borggreve)
La longue amitié franco-polonaise le vaut bien: dans le cadre de la «Saison culturelle européenne» qui tire sur sa fin, le Théâtre du Châtelet, entre deux représentations d’On the town, accueille une «Fête polonaise». Marc Minkowski est l’homme de la situation, et ce à un double titre: d’ascendance polonaise, il est devenu en juin dernier le directeur musical du Sinfonia Varsovia, une formation que Yehudi Menuhin créa voici près d’un quart de siècle en accroissant l’effectif et en changeant le nom de l’Orchestre de chambre de Pologne, avec lequel il avait plaisir à travailler. Déjà donné une semaine plus tôt à Varsovie, le programme fait logiquement la part belle aux nombreux échanges croisés entre les deux pays et leurs musiciens. Il est d’autant plus surprenant qu’il ait négligé les deux plus grands compositeurs polonais du siècle dernier, Szymanowski et Lutoslawski, par ailleurs éminents francophiles.
De Stanislaw Moniuszko, le Smetana ou l’Erkel polonais, le public français connaît sans doute davantage la réputation que la musique de ses opéras «nationaux», tels Halka ou Le Manoir hanté, et ce malgré l’action de l’association qu’anime son arrière-arrière-petite-fille Carla, qui, vivant en France, assiste à cette soirée. Intitulé «ouverture fantastique», Le Conte d’hiver (1848) présente une plaisante succession de courts épisodes de caractère tour à tour lyrique, léger, héroïque ou pastoral, dans un esprit assez proche des ouvertures de Suppé. Dirigé par un Minkowski dont l’énergie confine parfois à la raideur, l’orchestre ne brille ni par ses couleurs ni par sa précision.
Alexandre Tansman a entretenu des relations pour le moins ambiguës avec son pays natal, qu’il quitta aussi ses brillantes études achevées pour faire partie, dès les années 1920, de cette «Ecole de Paris» dont l’un des autres membres était Martinu: cela s’entend dans le néoclassicisme teinté de folklore, robuste et motorique de son Triptyque (1930) pour orchestre à cordes. Mais le volet central et la conclusion réservent des pages apaisées et chantantes: une belle découverte qui suscite la curiosité quant aux neuf Symphonies et aux huit Quatuors qui figurent par ailleurs à son catalogue.
Issu de parents polonais, Olivier Greif a trouvé en Minkowski un ardent défenseur. Son Quadruple concerto (1998) associe à un quatuor avec piano un accompagnement réduit aux cordes, hautbois et cors. Mais on a presque envie de dire que c’est est déjà trop, car la densité du propos, quand bien même il fait référence à un langage familier, apparaît souvent excessive, reléguant l’orchestre très en arrière. La forme est traditionnelle, mais chacun des trois mouvements porte un titre qui éclaire celui de l’œuvre (La Danse des morts): «Réveil des morts» procédant par lente modification de motifs répétés; «Lamentation de Jérémie» confiée au violoncelle, au violon puis au hautbois; «Dies irae» où l’alto ouvre le bal, grimaçant sur un rythme de gigue. Mais pourquoi avoir choisi de la faire précéder des Trois pièces dans le style ancien (1963) pour cordes de Henryk Gorecki? A côté de l’indigence de ces ressassements modaux, même renforcés par la participation des trois cordes solistes du Quadruple concerto, Pärt et Glass font en effet figure de génies.
Impossible de ne pas évoquer Chopin, qui, de père français, passa à Paris la seconde moitié de sa vie. Mais difficile de le faire avec un orchestre: il faut donc se rabattre sur ceux qui ont osé instrumenter ses pièces, peut-être les plus essentiellement pianistiques du répertoire. Glazounov réalisa ainsi une suite en quatre mouvements, Chopiniana (1892), consistant en l’orchestration de la Polonaise «Militaire», du premier des trois Nocturnes de l’Opus 15, de la dernière des trois Mazurkas de l’Opus 50 et de la Tarantelle. Cette musique appelait la danse, et Diaghilev l’utilisa donc quinze ans plus tard, avant de se lancer avec Glazounov et d’autres musiciens russes, dont Stravinski, dans un autre projet sur des musiques de Chopin, Les Sylphides.
L’hommage à Krzysztof Penderecki, directeur artistique du Sinfonia Varsovia depuis 2003, était sans doute inévitable: inspiré par la disparition du cardinal Wyszynski, l’«Agnus Dei» (1981) fut ensuite intégré au Requiem polonais, avant d’être arrangé en 1994 par le violoncelliste Boris Pergamenchikov pour cordes seules. La musique reste malheureusement fidèle au pesant style post-Chostakovitch que le compositeur a adopté depuis le début des années 1980.
La conclusion est bien évidemment dédiée à la «Fête polonaise» extraite du Roi malgré lui (1887) de Chabrier: un avant-goût de la production de l’Opéra de Lyon qui sera à l’affiche de l’Opéra-Comique au printemps prochain. Le manque de subtilité de la baguette se révèle nettement moins inapproprié dans la «Danse des montagnards» extraite de Halka (1848/1857) de Moniuszko offerte en bis, après que les musiciens ont improvisé un Wesolych Swiat! (Joyeux Noël) collectif digne d’un Prosit Neujahr! viennois.
Le site du Sinfonia Varsovia
Le site de l’Association française Stanislaw Moniuszko
Le site de l’Association Olivier Greif
Simon Corley
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