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Cadeaux de Noël

Paris
Salle Pleyel
12/08/2008 -  
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, opus 35
Modest Moussorgsky : Tableaux d’une exposition (orchestration Maurice Ravel)

Daishin Kashimoto (violon)
Orchestre philharmonique de Radio France, Myung-Whun Chung (direction)


Daishin Kashimoto


Le concert de cette soirée était l’occasion d’une double célébration. Le fait que Myung-Whun Chung, directeur musical de l’orchestre, ait été nommé ambassadeur international de l’UNICEF en avril dernier justifiait la présence de plus de 350 enfants dans la salle (ce qui occasionna quelques applaudissements intempestifs durant le concert mais, pour une fois, il serait malvenu de le déplorer…). Par ailleurs, même si les festivités sont passées plutôt inaperçues, 2008 marque le cent cinquantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et le Japon par le traité d’Edo (traité de paix, d’amitié et de commerce) du 9 octobre 1858. Le concert de ce soir célébrait ces années d’échanges fructueux ; après les discours de circonstance de Jean-Paul Cluzel, président-directeurgénéral de Radio France, et de Kyoko Mimura, présidente de la Classical Music and Arts Foundation, place fut laissée à la musique.


Piotr Ilyitch Tchaïkovski (1840-1893) composa son Concerto pour violon avec une extraordinaire facilité puisque la partition vit le jour en moins de deux semaines, au cours du mois de mars 1878. Largement virtuose, le concerto fut déclaré « injouable » par le violoniste Leopold Auer (1845-1930) qui en était pourtant le dédicataire ; il fut donc créé avec un peu de retard par Adolf Brodsky (1851-1929) en décembre 1881, à Vienne. La critique fut véhémente mais l’œuvre s’imposa rapidement comme faisant partie des grands concertos dédiés au violon. La brève introduction orchestrale place d’emblée la soirée sous les meilleurs auspices : un Orchestre philharmonique de Radio France à l’éclatante et altière plénitude sonore, préparant au mieux l’arrivée du jeune soliste Daishin Kashimoto (né en 1979). Celui-ci impressionne par une technique irréprochable (hormis quelques aigus parfois mal maîtrisés) et une grande finesse de jeu ; si la longue cadence est jouée avec retenue, on peut néanmoins reprocher à Kashimoto de ne pas l’assurer avec une grande continuité, brisant ainsi le grand arc qu’elle devait dessiner. Le deuxième mouvement, improprement dénommé Canzonetta tant les accents folkloriques russes l’emportent sur l’italianité supposée de ce splendide Andante, frappe avant tout par le magnifique équilibre instauré par Chung entre le soliste et l’orchestre où se distingue la petite harmonie (la flûte de Magali Mosnier ou la clarinette de Francis Gauthier). L’Allegro ma non troppo est abordé avec empressement par Daishin Kashimoto. On peut, à l’instar du premier mouvement, regretter que la technique l’emporte sur la musicalité mais, après tout, ne sont-ce pas là les contraintes inhérentes à la partition elle-même ? En bis, Kashimoto offrit au public la « double », extraite de la Partita n° 1 BWV 1002 en si mineur de Jean-Sébastien Bach : là encore, les notes sont jouées, certes, mais l’émotion est totalement absente…


En juin 1874, Modest Moussorgsky (1839-1881) composa en trois semaines des pièces pour piano, Les Tableaux d’une exposition, censées imager les impressions générées par une exposition de peintures et dessins de Vladimir Stassov à laquelle il avait été quelques mois auparavant. La version pour piano étant assez pauvre à l’oreille, la pièce fit l’objet de plusieurs orchestrations dont la plus célèbre est celle effectuée par Maurice Ravel en 1922, à la demande du chef d’orchestre Serge Koussevitzky. L’Orchestre philharmonique de Radio France fut à son meilleur : les solistes de chaque pupitre, tous sollicités, furent exceptionnels (mention particulière de la trompette et du tuba solo). Tour à tour violent, aussi bien dans « Gnomus » que dans « Bydlo », féerique (notamment un magnifique « Vieux château » guidé par un saxophone suave et noble à la fois), l’orchestre a toujours manifesté une grande puissance sans que les cuivres n’éclatent pour autant. Le triomphe fut absolu tant pour les musiciens que pour leur chef, triomphe enrichi par les cris enfantins, ravis d’avoir écouté un grand livre où les pages s’ouvraient sous leurs yeux ébahis.


Au total, Myung-Whun Chung est apparu comme le maître d’œuvre de la soirée pour défaire les rubans d’un superbe cadeau sonore, étincelant et séduisant au possible. Les enfants étaient heureux et souriants. Bref, n’est-ce pas là la parfaite définition d’une soirée de Noël réussie ?



Sébastien Gauthier

 

 

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