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Une Traviata jeune et épurée Lausanne Salle Métropole 11/26/2008 - et les 28, 30 novembre et 3* décembre 2008 Giuseppe Verdi: La Traviata
Virginia Tola (Violetta Valéry), Saimir Pirgu (Alfredo Germont), Sebastian Catana (Giorgio Germont), Brigitte Hool (Flora Bervoix), Célia Cornu (Annina), Manrico Signorini (Docteur Grenvil), Benjamin Bernheim (Gaston), Marc Mazuir (Baron Douphol), Benoît Capt (Marquis d'Obigny)
Chœur de l’Opéra de Lausanne, Véronique Carrot (chef de chœur), Orchestre de Chambre de Lausanne, Paolo Arrivabeni (direction musicale)
Arnaud Bernard (mise en scène), Gianni Santucci (assistanat et chorégraphie), Alessandro Camera (décors), Carla Ricotti (costumes), Patrick Méeüs (lumières)
(© Marc Vanappelghem)
En novembre 2003, Alexia Cousin, alors jeune cantatrice prometteuse, brûlait les planches de l’Opéra de Lausanne, se consumant littéralement dans une Traviata bouleversante d’émotion et criante de vérité (lire ici). Nul n’a oublié ses cris déchirants de désespoir dans la scène finale (Gran Dio! Morir si giovine), qui faisaient froid dans le dos. Cinq ans plus tard, le chef-d’œuvre de Verdi revient à l’affiche, dans une production totalement différente: un spectacle très esthétique, épuré à l’extrême, bref bien léché comme on dirait aujourd’hui, mais qui ne distille guère d'émotions.
Il faut dire que le décor unique, au demeurant très élégant, d’Alessandro Camera, composé de grandes parois blanches en ovale dégage une impression de froideur. Qui plus est, le plateau est pratiquement vide, à l'exception d’un grand canapé au premier acte, puis de quelques chaises et finalement d’un simple fauteuil pour la dernière scène, au début de laquelle Violetta agonise couchée par terre. Arnaud Bernard a superbement tiré parti du chœur de l'Opéra, par ailleurs excellent musicalement. Figurant la société de l'époque et son corset de conventions, les choristes, vêtus de noir alors que Violetta et Alfredo sont en blanc, n'ont de cesse de pousser et de bousculer les deux amoureux, ne leur laissant en fin de compte aucune échappatoire. La scène du bal chez Flora se mue en partie fine géante, image d’un monde hypocrite qui se fixe des règles de moralité mais n’est pas près de les respecter. L’agressivité et la violence sont omniprésentes, culminant lorsqu’Alfredo s'acharne à jeter des liasses de billets à la figure de Violetta. Par contre, le metteur en scène s’est montré nettement plus conventionnel, pour ne pas dire à court d’idées, dans les scènes où les solistes se retrouvent sans le chœur, d’où une absence de caractérisation des personnages principaux.
En fait, les solistes sont, la plupart du temps, livrés à eux-mêmes; très jeunes, ils ne peuvent pas s’appuyer sur leur expérience pour tenter de donner vie à leur personnage. Sur le plan musical cependant, cette distribution est des plus prometteuses et ne demande qu’à mûrir. La Violetta de Virginia Tola est une révélation, avec une belle voix ample et sonore, même si parfois à court de souffle et fâchée avec les vocalises du premier acte. Saimir Pirgu campe un Alfredo juvénile et ardent, mais a tendance à en faire trop et à chanter bien fort. Sebastian Catana possède un timbre agréable mais incarne un Germont père quelque peu lisse et terne. Dans la fosse, l’Orchestre de Chambre de Lausanne déploie comme à son habitude des trésors de précision et de musicalité, même si on peut regretter que Paolo Arrivabeni ne réussisse pas à insuffler davantage de vie et d’émotion au drame. Mais le public n’en a cure, applaudissant chaleureusement tous les protagonistes du spectacle au rideau final, confirmant ainsi que l'œuvre de Verdi continue d’occuper une place à part dans le cœur des mélomanes.
Claudio Poloni
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