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Bruckner comme Mozart Paris Théâtre des Champs-Elysées 11/30/2008 - Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n°36 en ut majeur "Linz", K. 425
Anton Bruckner : Symphonie n°4 en mi bémol majeur "Romantique" Orchestre symphonique de la Radio bavaroise, Mariss Jansons (direction)
René Jacobs à Pleyel pour Idoménée (voir ici), Mariss Jansons aux Champs-Elysées, le lendemain, pour la Symphonie Linz. Le second, en matière de dégraissage, de dépoussiérage, n’a rien à envier au premier, avec de surcroît un sens du théâtre dont on déplorait l’absence dans l’opéra. Le premier mouvement a quelque chose de sanguin qui rappelle Leonard Bernstein, avec une urgence digne du théâtre. Et le chef letton a bien digéré les acquis du baroque : les cordent ne vibrent pas, les sonorités ont une certaine verdeur, les phrasés sont déliés. L’Andante est franc de goût, ni sec ni alangui, sans dentelle mais non sans charme, d’un naturel parfait. Après un Menuet joué dans un tempo d’une vivacité mesurée, dont le Trio met en valeur les beaux bois bavarois, le Presto final déborde de verve, très tendu pendant le développement avant de se clore dans une sorte de jubilation. Chaque ligne se perçoit, montrant la qualité de tous les pupitres ; ce finale justifie l’approche polyphonique adoptée dès le début de la symphonie.
La Quatrième Symphonie de Bruckner peut surprendre : Mariss Jansons, finalement, la dirige comme la Linz, sans inclination pour le mysticisme façon Jochum, sans propension à l’hédonisme façon Karajan. L’association entre Mozart et Bruckner, du coup, se légitime – il y a un peu plus d’un an, dans le même lieu, Haydn précédait Bruckner (voir ici). Dès le Bewegt, nicht zu schnell, les plans sonores se dessinent, la direction, assez analytique, refuse d’avancer par simple succession de blocs sonores, pour mieux conduire le mouvement jusqu’au bout, dont il ne fige pas la grandeur dans un marbre glacé. L’Andante, quasi allegretto, où se confirme une fois de plus la magnifique homogénéité de l’orchestre, reste fidèle à la veine pastorale héritée de Schubert, avec des crescendos très maîtrisés pour éviter toute lourdeur. Même refus de l’excès de poids pour le Scherzo, pris dans un tempo très juste, et pour le Finale, où la souplesse des phrasés, l’intégration des contrastes assurent la fluidité du discours, renouant avec l’esprit du premier mouvement, dont on comprend a posteriori où il voulait nous conduire : le chef reste parfaitement cohérent avec lui-même, toujours puissant, jamais lourd, clair avant tout, « dirigeant » l’œuvre, en architecte. Un Bruckner démomifié, ni celui des forêts ni celui des cathédrales, peut-être pas le plus « brucknérien » qu’on puisse rêver, pâtissant en tout cas, dans les tutti, de sursaturations dues à la salle.
Didier van Moere
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