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Autour d’Elliott Carter

Paris
Palais Garnier
11/30/2008 -  
Lou Harrison : Song of Quetzalcóatl – Simfony #13
Elliott Carter : Esprit Rude/Esprit Doux – Esprit Rude/Esprit Doux II – Huit pièces pour timbales (extraits)
George Crumb : An Idyll for the Misbegotten
John Cage : Second Construction

Isabelle Pierre (flûte), Alexandre Chabod (clarinette), Philippe Poncet, Christophe Vella, Damien Petitjean, Jean-Baptiste Leclère (percussions), Jean-Yves Sebillotte (piano préparé, percussions)


(© Jean-Pierre Delagarde)


Proposés par les musiciens de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris du 7 septembre au 12 juillet et toujours présentés par Hélène Pierrakos, les huit «Dimanches musicaux au Palais Garnier» ont, parmi beaucoup d’autres mérites, celui d’explorer des répertoires peu fréquentés, à l’image du deuxième programme de la saison: même si son but était de rendre hommage à une personnalité reconnue et célébrée, Elliott Carter, à quelques jours de ses cent ans, on ne peut dire qu’il soit souvent donné l’occasion au public d’entendre les différentes pages sélectionnées pour l’occasion.


Carter a dédié Esprit Rude/Esprit Doux (1985) puis Esprit Rude/Esprit Doux II (1994) à Pierre Boulez, la première (associant flûte et clarinette) pour son soixantième anniversaire, la seconde (à laquelle se joint un marimba) «en célébration de son soixante-dixième anniversaire avec profonde admiration et amitié affectueuse», conçue pour s’enchaîner à la première, afin de former ainsi une unique pièce d’environ dix minutes. Plus lyrique dans son second volet, l’ensemble surprend cependant avant tout par son caractère ludique, volubile et virtuose, mis en valeur par Isabelle Pierre et Alexandre Chabod. En deux séries de deux («Recitative» et «Improvisation», puis «Saeta» et «Canaries»), Philippe Poncet interprète avec un spectaculaire brio quatre des Huit pièces (1949/1966) pour timbales: un recueil non seulement emblématique des recherches de Carter sur la «modulation métrique» mais aussi fondateur pour l’instrument.


Bien qu’également Américains, les trois autres compositeurs à l’affiche de ce concert se rattachent à une esthétique assez éloignée de celle de Carter, sans doute moins marquée par la tradition européenne (jusqu’à Schönberg inclus) et illustrée par Antheil, Varèse, Cowell, Partch, Nancarrow ou Ruggles. La plupart de ces esprits résolument originaux se reconnaissaient un grand aîné, Charles Ives: la création, plus de quarante ans après sa composition, de sa Troisième symphonie, saluée par l’attribution du Prix Pulitzer, fut organisée et dirigée par Lou Harrison (1917-2003).


Elève de Cowell et proche de Cage, il a d’abord commencé par s’intéresser presque exclusivement aux percussions: en témoigne Le Chant de Quetzalcóatl (1941), inspiré par la reproduction d’un serpent à plumes figurant dans un codex mexicain. Harrison traite ainsi un thème dans l’air du temps – Sensemayá de Revueltas n’est que de trois ans antérieur. Mais il penche moins vers l’exotisme que vers le primitivisme, à base d’incantations et répétitions, dans un tempo calme ou, au contraire, vigoureusement rythmé: avec ses cinq verres à eau et ses dix tambours de freins (cinq suspendus et cinq posés à plat), une entrée en matière idéale pour dérouter ceux des spectateurs qui venaient uniquement pour photographier le plafond de Chagall. Elle aussi pour percussions seules, la Simfony [sic] #13 (1941), dont le numéro semble aussi fantaisiste que l’opus 62 attribué par Satie à sa Première gymnopédie, fait entre autres appel à des clochettes de buffles d’eau (d’Asie): même si elle s’achève par une fugue, inutile de préciser qu’il ne s’agit pas d’une «symphonie» au sens traditionnel du terme – comme Ives, Harrison devait toutefois en écrire quatre entre 1952 et 1990.


An Idyll for the Misbegotten (1986), pour flûte et trois percussionnistes, constitue la dernière partie d’un triptyque intitulé Images, commencé dès 1970 avec le quatuor «électrique» Black Angels popularisé par les Kronos (voir ici) et poursuivi avec Dream sequence (voir ici). Avec une sensibilité qui pourrait être qualifiée d’écologiste, George Crumb (né en 1929) dénonce le caractère illusoire de la domination de l’espèce humaine (les «mal conçus» désignés par le titre) sur la nature: le message trouve un écho dans une citation d’un poète chinois du VIIIe siècle que le flûtiste doit tenter de dire en même temps qu’il souffle dans son instrument. La musique, dont le compositeur souhaite qu’elle puisse être «entendue de loin, sur un lac, par une nuit de lune en août», évoque une sorte de rituel, accompagné par une percussion de plus en plus violente, puis retournant progressivement au calme.


Si elle adopte une structure rigoureuse (seize fois seize mesures), la Second construction (1940) de John Cage (1912-1992) frappe surtout par sa réjouissante vitalité, sa fantaisie et ses timbres étranges. Il est vrai qu’aux trois percussionnistes est associé le piano préparé, «inventé» par Cage cinq ans plus tôt: en jouant un trille sur le clavier tout en faisant glisser un cylindre sur les cordes, Jean-Yves Sebillotte parvient ainsi à imiter le son d’une sirène – réminiscence varésienne?



Simon Corley

 

 

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