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Mort et transfiguration

Paris
Théâtre du Châtelet
11/27/2008 -  
Franz Liszt : Totentanz
Anton Bruckner : Symphonie n° 3 en ré mineur

Louis Lortie (piano)
Orchestre national de France, Kurt Masur (direction)


K. Masur (© Radio France/Christophe Abramowitz)


Le concert Liszt/Bruckner donné une semaine plus tôt par les mêmes protagonistes, en ce même lieu, avait été très décevant. Le programme de ce nouveau concert étant un frère jumeau du précédent, c’est donc avec une certaine appréhension qu’on entre dans la salle du Théâtre du Châtelet... Or, dès les premières notes, on comprend que la représentation de ce soir n’aura rien à voir avec la précédente et, en effet, le concert s’avéra exceptionnel de bout en bout.


La Faust-Symphonie (1854), la Méphisto-Valse (1861), la Csárdás macabre (1881), La Lugubre Gondole et la Méphisto-Polka (toutes deux datant de 1883)... Les exemples peuvent être multipliés à l’envi : la mort n’a cessé d’obséder Franz Liszt (1811-1886) au point d’innerver l’ensemble de son œuvre. L’historien allemand Ferdinand Gregorovius (1821-1891) n’a-t-il d’ailleurs pas qualifié Liszt de « Méphistophélès déguisé en abbé » ? La Danse macabre, première œuvre au programme, est une preuve supplémentaire de l’attirance du musicien pour ce thème. Composée en 1849, remaniée à plusieurs reprises (en 1853 et 1859), elle fut finalement créée en 1865 par le pianiste et chef d’orchestre Hans von Bülow. Bref dialogue (à peine un quart d’heure) entre le piano soliste et l’orchestre, ce morceau se présente principalement comme une déclinaison de six variations sur le thème inquiétant du Dies irae tel qu’utilisé par Berlioz dans le dernier mouvement de la Symphonie fantastique.


Louis Lortie prend l’œuvre à bras-le-corps, martelant ses premiers accords avec une fougue et une rage qui paralysent le spectateur, la main gauche illustrant le martellement implacable de la mort, la droite s’ingéniant davantage à imager le côté sarcastique de la « grande faucheuse »… L’orchestre répond au quart de tour aux intentions du soliste ; on admire notamment le superbe dialogue entamé avec la clarinette dans la quatrième variation, calme absolu avant que la mort tourbillonnante ne reprenne ses droits, ainsi que le jeu entre le piano, la flûte et le triangle dans la sixième variation. Louis Lortie séduit autant par sa finesse que par sa virtuosité et, magnifiquement accompagné par Kurt Masur, conclut l’œuvre dans une véritable apothéose sonore. L’ovation reçue imposait un bis : ce fut la Quatrième (en ut dièse mineur) des Etudes de l’Opus 10 de Frédéric Chopin. Louis Lortie fut de nouveau étincelant, concluant de la plus belle façon sa participation au concert.


Lorsqu’il entreprend la composition de sa Troisième Symphonie, Anton Bruckner (1824-1896) est depuis longtemps un fervent admirateur de Richard Wagner. Aussi parsème-t-il la partition de citations rendant hommage aux différentes compositions du maître de Bayreuth et, sitôt l’œuvre achevée à la fin de l’année 1873, la lui dédicace-t-il, d’où le surnom donné à ce nouvel opus, « Die Wagner-Symphonie ». Révisée en 1877, puis en 1888-1889, elle fut créée dans cette dernière version en 1890 et apporta au compositeur un véritable triomphe. Adoptée en 1959 par Leopold Nowak dans son édition des symphonies de Bruckner, c’est la version la plus fréquemment jouée et, d’ailleurs, c’est celle que Kurt Masur choisit de donner ce soir.


A l’instar de la première partie, on est à cent lieues du concert de la semaine précédente ! Le premier mouvement, Mehr langsam, Misterioso instaure d’emblée un magnifique climat au sein duquel Masur veille attentivement à préserver l’équilibre entre les pupitres et les nuances. La finesse n’obère pas pour autant la puissance de la partition : le crescendo final est, à ce titre, particulièrement impressionnant de maîtrise et de force. On regrette d’autant plus l’absence de violence dans le dernier accord... L’Adagio est, comme souvent chez Bruckner, un moment de grâce, dominé par la méditation et la sérénité. Les différents pupitres rivalisent de beauté, qu’il s’agisse de la cohésion des altos ou de l’intervention des cors, permettant ainsi au chef de tenir ses phrases jusqu’à la dernière note, leur donnant une amplitude et une noblesse admirables. Le scherzo, Ziemlich schnell, est appréhendé de façon implacable (au passage, on saluera le travail extraordinaire du timbalier, véritable cheville ouvrière de ce troisième mouvement). La section centrale est donnée avec une grande beauté, peut-être trop grande… En effet, alors que Bruckner a voulu en faire un ländler aux accents rustiques et champêtres, l’interprétation gomme un peu trop le côté « mal dégrossi » de ce passage qui précède la reprise du scherzo. L’Allegro conclusif est abordé rapidement. Kurt Masur, bénéficiant d’un Orchestre national au mieux de sa forme, pointe le doigt sur la modernité (accents des altos) et sur les contrastes (legato des violoncelles opposé aux pizzicati des autres cordes) de la partition où revient, çà et là, le thème principal du premier mouvement. Les applaudissements nourris qui retentissent sitôt que le dernier accord a retenti saluent à juste titre une interprétation superlative, qui restera à coup sûr comme une des meilleures que Masur (visiblement ému) a données à Paris dans une œuvre du maître de Saint-Florian.



Sébastien Gauthier

 

 

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