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Un austère qui se marre

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
11/27/2008 -  et 13 (Clermont-Ferrand), 14 (Dijon) octobre, 14 (Neumarkt), 16 (Sevilla), 17 (Barcelona), 18 (Dortmund), 24 (Lisboa), 28 (Roma), 29 (Perugia) novembre 2008
Joseph Haydn : Sonates n° 44, Hob. XVI:29, et n° 39, Hob. XVI:24
Robert Schumann : Humoreske, opus 20
Claude Debussy : Sept Préludes (extraits du Premier livre)

Christian Zacharias (piano)


C. Zacharias (© Nicole Chuard/ldd)


Avant sa traditionnelle visite annuelle avec son Orchestre de chambre de Lausanne, le 4 avril prochain dans un programme Haydn et Mozart, Christian Zacharias présente, toujours au Théâtre des Champs-Elysées, un récital consacré non seulement à ses compositeurs d’élection (Haydn, Schumann) mais aussi à un répertoire où l’on est peut-être moins accoutumé à l’entendre (Debussy).


S’il entre en scène avec son éternelle allure de pasteur, à la fois modeste et ascétique, une impression tenant peut-être aussi à son col clergyman, le pianiste allemand n’en est pas moins, pour reprendre une répartie célèbre, «un austère qui se marre» – et pas seulement parce qu’il va diriger La Belle Hélène d’Offenbach le mois prochain à Lausanne. Il le confirme dès la Quarante-quatrième sonate en fa majeur (1774) de Haydn, sans mièvrerie ni romantisme, fantasque, humoristique et légère, dont il accentue les accidents et surprises avec une superbe finesse de toucher, tout en sachant phraser avec souplesse.


La fantaisie constitue également l’essence même de l’Humoresque (1839), que Schumann lui-même décrivait comme une «combinaison de Gemütlichkeit et d’esprit». Même si sa technique demeure impressionnante, Zacharias ne se range pas parmi les bateleurs d’estrade, mais son approche n’a rien de froid ou de figé pour autant: conjuguant avec bonheur simplicité et pudeur, les épisodes se succèdent de façon vivante et sensible. Signe qui ne trompe pas, il est rare que les spectateurs apparaissent aussi silencieux et attentifs.


Après l’entracte, six des Préludes du Premier livre (1910) étaient annoncés, mais Zacharias en offre d’emblée un septième, «Danseuses de Delphes». Limpide et lisible, précis mais sans sécheresse, son jeu ne manque pas non plus de couleurs ou de vie, comme ces «Collines d’Anacapri» dans l’élan de L’Isle joyeuse, une «Sérénade interrompue» évoquant déjà Falla ou bien encore des «Minstrels» délicieusement chaloupés. Un Debussy sans surcharge expressive: il ne s’alanguit pas dans «Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir», tandis que l’objectivité de «Des pas sur la neige» n’en est pas moins inquiétante et que «La Cathédrale engloutie» bénéficie d’une belle montée en puissance.


S’il est assez habituel, voire convenu, de débuter par Haydn pour se mettre en doigts, conclure avec lui constitue un choix beaucoup plus rare, pour ne pas dire excentrique, surtout venant après Debussy. Retour à la case départ, donc, pour une Trente-neuvième sonate en majeur (1773) dont l’Allegro initial – cela ne surprend guère chez Zacharias – ressemble à une sonate de son cher Scarlatti, d’autant qu’il en respecte la double reprise.


Il est certaines soirées qui ne cessent de vous combler de cadeaux précieux: dans le même univers et avec la même réussite, Zacharias donne en bis le Rondo en ré K. 485 (1786) de Mozart, puis sa sonate de Scarlatti (K. 55 en sol), celle avec laquelle, depuis plus de trente ans, il a si souvent pris congé du public, ce dont témoigne un étonnant disque (EMI) rassemblant vingt interprétations de cette même oeuvre enregistrées tout au long de sa carrière.


Le site de Christian Zacharias



Simon Corley

 

 

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