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Folies anglaises

Toulouse
Théâtre du Capitole
02/19/1999 -  et 20, 21 février 1999

Benjamin Britten : Curlew River
Michael Bennet (la folle); Jussi Järvenpää (le passeur); Andrew Rupp (le voyageur)
Yoshi Oida (mise en scène)
Henry Purcell : Dido and Aeneas
Sylvia Hablowetz (Didon); Jaehi Yang (Belinda); Fernando Cobo (Enée); Myrian Boucris (La Magicienne)
Marcel Bozonnet (mise en scène)
Choeurs et orchestre de l'Académie européenne de musique, David Stern (direction)

Il ne paraissait pas très évident de faire cohabiter dans le même spectacle deux oeuvres apparemment si dissemblables et que rien ne semblait rapprocher hormis leur nationalité britannique. Cependant, l'extraordinaire unité de mises en scène dépouillées à l'extrême, utilisant le même décor austère et la même scénographie très chorégraphiée, a provoqué d'étonnants échos d'une oeuvre à l'autre, donnant une étrange modernité au théâtre élizabéthain de Purcell et une atemporalité saisissante au Nô japonais revu par Britten. La pièce de Britten bénéficiait sans aucun doute du traitement le plus intéressant, alors même qu'elle semblait opposer de grandes difficultés à sa réalisation scénique. L'action, quasi-nulle, et le ton très poétique du livret pouvaient paraître ardus; les personnages uniquement masculins, même celui de la folle, risquaient de surprendre ; la musique risquait également d'être hermétique à un public d'opéra plus habitué à Verdi. Pourtant, malgré une austérité certaine du propos, il était impossible de ne pas être touché par cette histoire émouvante servie par une musique d'une grande pureté. La simplicité même de la mise en scène, sans autres décors que deux grandes torchères, sans autres costumes que quelques vastes chasubles peu colorées et sans élément de travestissement pour le personnage de la folle, la lenteur solennelle et stylisée des déplacements, accentuaient l'émotion de ce curieux mystère médiéval. La distribution était particulièrement convaincante, notamment pour les remarquables performances de Jussi Järvenpää etAndrew Rupp qui ont donné beaucoup de vérité à leurs rôles. Tous étaient cependant dominés par la Folle admirable de Michael Bennet qui, par son jeu tout à la fois neutre et égaré, a su rendre de façon vraiment étonnante ce personnage absent et pathétique malgré - ou peut-être grâce à- une voix assez étrange, parfois limitée. La qualité dominante de cet ensemble était l'effacement de chacun devant son rôle, par une distanciation qui rendait la première place à l'émotion dramatique en faisant des acteurs de simples moines qui retrouvaient leur anonymat dès la fin de l'oeuvre. Mais une telle modestie des acteurs et de la mise en scène demande beaucoup d'art et le mérite de chacun n'en était que plus grand.

La mise en scène de Didon et Énée reprenait quelques mêmes principes de base, absence quasi totale de décors, mouvements lents solennels. L'oeuvre supportait très bien ce traitement qui lui donnait une modernité surprenante, même si l'on pouvait critiquer une distanciation parfois excessive ici. Ainsi, lorsque Didon demande à Belinda de la prendre dans ses bras pour qu'elle puisse se reposer sur son sein, les deux personnages sont à plusieurs mètres l'un de l'autre et Belinda n'esquisse pas le moindre geste. De même, les sorcières manquaient trop de mobilité pour paraître inquiétantes. Mais tout cela n'était rien et le résultat final était très intéressant, voire surprenant lorsque Michael Bennet apparut en marin, cherchant le même chiffon qui avait figuré l'enfant mort de la vieille folle de Curlew River.Cependant la distribution n'était pas sans reproche et si la noblesse de son port pouvait faire oublier la voix parfois rétive de Sylvia Hablowetz, l'Énée de Fernando Cobo apparaissait aussi médiocre dramatiquement que vocalement. On pouvait difficilement imaginer qu'une reine aussi altière ait pu tomber amoureuse d'un tel empoté. Il n'a heureusement sévi que le temps d'une représentation avant d'être remplacé par Andrew Rupp, autrement satisfaisant. La deuxième dame et la magicienne, très médiocres, étaient deux erreurs de distribution manifestes. Les autres rôles apportaient heureusement plus de plaisir, comme la charmante Belinda de Laehi Yang. La direction de David Stern, bonne dans l'ensemble, n'a pas évité quelques décalages entre choeurs et orchestre et certains fléchissements de tempo dans les danses. Mais ces quelques observations concernant la seconde partie du spectacle ne sauraient masquer l'intérêt évident de cette production très originale et d'un niveau élevé qui aura contribué, on l'espère fortement, à éveiller la curiosité du public toulousain, d'habitude assez rétif à la nouveauté mais qui pour une fois était venu nombreux et semble avoir apprécié.



Laurent Marty

 

 

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