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Le Vampire ressuscité Rennes Opéra 10/31/2008 - Et les 2*, 4 & 6 novembre Heinrich August Marschner : Der Vampyr Christophe Fel (Sir Humprey/Sir Berkley/John Perth), Vanessa le Charlès (Malwina), Marc Haffner (Edgar Aubry), Nabil Suliman (Lord Ruthven), Helen Kearns (Janthe/Emmy), François Piolino (George Dibdin), Karine Audebert (Suse Blunt), Davy Cornillot (Richard Scrop), Jean-Jacques L’Anthoën (James Gadshill), Ronan Airault (Thomas Blunt), Guillaume Rault (Robert Green), Marc Haffner/Nabil Suliman (le Maître des vampires)
Chœur de l’Opéra de Rennes, Orchestre de Bretagne, Olari Elts (direction)
Zoltán Balázs (mise en scène)
(© Laurent Guizard)
Salammbô à Marseille (lire ici), Giovanna d’Arco à Rouen (lire ici), Le Vampire à Rennes : il faut féliciter les directeurs de province de leur curiosité. D’autant plus que, chaque fois, ils présentent des productions qui, si elles ne sont pas toujours sans défaut, tiennent bien la route. Lointainement inspiré de Byron via le mélodrame français, Le Vampire de Heinrich August Marschner (1791-1861), également connu pour son Hans Heiling, s’inscrit dans la mode du fantastique gothique : le héros doit trouver trois victimes dans les vingt-quatre heures, trois vierges innocentes dont la dernière sera heureusement sauvée, grâce à un ancien ami du monstre, qui lui a autrefois sauvé la vie et lui interdit de révéler la vérité sur lui-même. Cet « opéra romantique » se situe entre Weber, très présent dès l’Ouverture à travers Euryanthe, et le premier Wagner, qui le prisait beaucoup ; la Romance d’Emmy, au second acte, annonce d’ailleurs la Ballade de Senta, tandis que l’on croit, dans le duo entre elle et le Vampire, réentendre l’orchestre du duo entre Leonore et Rocco creusant la tombe de Florestan dans Fidelio. Il était donc temps que Le Vampire, qui séduisit Berlioz à Weimar en 1843, connaisse sa création française grâce à Alain Surrans – dans la version révisée de Hans Pfitzner en 1924, comme c’est le cas la plupart du temps.
La distribution parie sur la jeunesse : quatre chanteurs sont finalistes du concours « Opera Competition with Mezzo TV », associant les opéras de Rennes, Gdansk, Brême, Szeged et Di Capo de New York, où les candidats sont jugés d’après des productions auxquelles il participent. Certains s’avèrent prometteurs, comme Nabil Suliman, Vampire au timbre mordant et à la technique sûre, à l’aise dans les nombreux aigus du rôle, dont on espère seulement qu’il gagnera en raffinement. Handicapé par un rhume, l’Edgar Aubry de Marc Haffner n’en fait pas moins valoir une voix de ténor bien colorée, homogène, et un chant stylé. On connaissait François Piolino, excellent en George Dibdin comme dans tous les rôles de composition qu’il aborde, et Christophe Fel, parfaitement identifié aux trois rôles de père, avec une belle ligne de chant. A saluer aussi le chœur, si important dans l’œuvre, composé ici de jeunes chanteurs de la région fort bien préparés par Gildas Pungier. Les finalistes féminines du concours, en revanche, suscitent le scepticisme : Vanessa le Charlès et Helen Kearns ont des stridences dans la voix et manquent de séduction dans l’aigu, la première raide d’émission dans Malwina, la seconde très éprouvée par le rôle trop tendu pour elle d’Emmy. Mais on ne résiste pas au numéro de meneuse de revue auquel se livre la Suse Blunt de Karine Audebert. L’Orchestre de Bretagne, certainement pas un des meilleurs de l’Hexagone, a de la chance d’être conduit par le jeune Estonien Olari Elts, dont la direction aussi claire qu’énergique maîtrise parfaitement les nombreux ensembles et restitue toute la flamboyance romantique du Vampire. La production pâtit malheureusement de la mise en scène de Zoltán Balázs, visiblement marqué par sa rencontre avec Bob Wilson : gestes, jeux de lumière, tout sent l’imitation approximative et ce Vampire sombre dans la japonaiserie de pacotille.
Didier van Moere
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