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Bach irradie la salle Pleyel

Paris
Salle Pleyel
11/14/2008 -  
Jean-Sébastien Bach : Messe en si mineur, BWV 232

Sandrine Piau (soprano), Marie-Claude Chappuis (alto), Jörg Dürmüller (ténor), Klaus Mertens (basse)
Amsterdam Baroque Orchestra and Choir, Ton Koopman (direction)

Rue du Faubourg-Saint-Honoré, il est des signes qui ne trompent pas… Ainsi, croiser des gens sur le trottoir qui brandissent un petit carton sur le quel figure la mention « cherche une place » laisse supposer que l’on va assister, sinon à un grand concert, du moins à un concert prometteur… En vérité, la salle Pleyel (naturellement comble) bénéficia ce soir d’un concert tout à fait exceptionnel.


La Messe en si mineur BWV 232 fait partie des dernières grandes compositions de Jean-Sébastien Bach (1685-1750). Pourtant, tel un patchwork, elle est constituée d’éléments dont l’élaboration remonte pour la plupart d’entre eux à plusieurs années en arrière. Ainsi, le Sanctus a-t-il été vraisemblablement composé en 1724 (peut-être même créé le 25 décembre de cette année), ce qui ne l’a pas empêché d’avoir été par la suite remanié en 1726, 1727 et, encore une fois, dans les années 1740. Le Kyrie et le Gloria sont plus tardifs ; ils dateraient des années 1730 (l’année 1733 est notamment avancée par certains musicologues). Quant aux autres sections de l’œuvre, leur datation est également sujette à controverse, faute d’élément permettant de donner une réponse certaine. De plus, on sait que Bach retravailla sa partition dans les dernières années de sa vie, notamment au cours de la période 1747-1749. C’est peut-être avant tout pour cette raison, le fait que la Messe en si mineur ait été un véritable fil conducteur dans l’activité du Cantor, qu’elle est symboliquement présentée comme un aboutissement musical sans équivalent.


Aborder une telle œuvre n’est donc pas facile car tous les protagonistes ont conscience de l’aura d’une telle partition et du sens qu’ils vont devoir lui donner. Pour ce concert, aucun risque à attendre puisque l’interprétation fut absolument magnifique. D’emblée, le chœur introductif du Kyrie donne le ton grâce à des chanteurs faisant preuve d’une cohésion stupéfiante, à un orchestre affûté et à un chef connaissant Bach sur le bout des doigts… Les solistes ont globalement été excellents. Même si les chanteuses ont pu adopter à l’occasion quelques accents théâtraux nous faisant parfois glisser davantage vers l’oratorio que vers une messe au sens propre du terme, Sandrine Piau et Marie-Claude Chappuis ont notamment offert des duos tout en finesse et en complicité, qu’il s’agisse du « Christe eleison » dans le Kyrie ou du « Et in unum Dominum » au début du Symbolum Nicenum. Dans le même ordre d’idées, le dialogue entre la soprano et le ténor (dans le « Domine Deus », au milieu du Gloria) donna lieu à une parfaite entente entre les deux protagonistes. On regrettera néanmoins le caractère trop peu religieux de la voix de Jörg Dürmüller et l’émission un peu forte de Klaus Mertens, complice fidèle de Koopman ; cela dit, comment ne pas admirer son « Quoniam tu solus Sanctus », magnifiquement accompagné par le cor naturel et les deux bassons ?


Car c’est là un des grands plaisirs de cette soirée que d’avoir entendu une véritable complicité entre les chanteurs solistes et les instrumentistes d’un Amsterdam Baroque Orchestra en pleine possession de ses moyens. Pour ne prendre qu’un seul exemple, le « Laudamus te » (au sein du Gloria) chanté par Sandrine Piau, accompagnée par le violon solo de Catherine Manson, était avant tout un dialogue à égalité entre deux musiciens, l’une relançant le discours de l’autre, la première adoptant le phrasé de la seconde pour ensuite mieux se fondre dans un seul et même discours mélodique. Pour parvenir à ce résultat, Ton Koopman sait, il est vrai, pouvoir compter sur un orchestre rompu à ce répertoire (orchestre qui lui répond au doigt et à l’œil comme ce fut le cas à la fin du « Confiteor »), composé au surplus de musiciens visiblement heureux de jouer ensemble, dont la facilité technique le dispute à la sensibilité musicale. Ainsi, sans pour autant citer chaque instrumentiste individuellement, on ne pourra que louer le timbre des hautbois, des flûtes et, fortement sollicitées tout au long de la Messe, admirer les trois trompettes dominées par les interventions exceptionnelles de Stephen Keavy, première trompette de la formation.


Mais le grand triomphateur de la soirée fut avant tout l’Amsterdam Baroque Choir, fondé par Ton Koopman en 1992, quatorze ans après l’orchestre. Constitué d’une vingtaine de chanteurs, il fut l’âme de cette Messe. Tour à tour contemplatif (au début du Kyrie) et réjouissant (à la fin du Gloria), il sut également adopter une voix blanche dans le « Crucifixus » pour, une seconde plus tard, faire partager sa joie à l’auditeur de façon éclatante ( Et resurrexit »). Autre grand artisan de la soirée, naturellement, Ton Koopman. Dirigeant tour à tour debout ou assis (selon qu’il assurait ou non la partie du continuo confiée à l’orgue), il montra, comme à son habitude une maîtrise de chaque instant et un visage souriant, rayonnant même, comme s’il était lui-même surpris du son que pouvait générer son équipe. En somme, l’émerveillement d’un éternel enfant sur le chef-d’œuvre d’un compositeur au soir de sa vie : tout un symbole.


Le site de Ton Koopman



Sébastien Gauthier

 

 

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