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Scéniquement raté, musicalement réussi Lyon Opéra 10/11/2008 - et les 13, 15, 17*, 19, 21, 23 & 25 octobre Wolfgang Amadeus Mozart : La Clémence de Titus Andrew Kennedy (Titus), Alexandrina Pendatchanska (Vitellia), Judith van Wanroij (Servilia), Ann Hallenberg (Sextus), Renata Pokupic (Annius), Nicolas Testé (Publius)
Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Lyon, Jérémie Rhorer (direction)
Georges Lavaudant (mise en scène) (© Bertrand Stofleth)
En revenant à l’opera seria pour le couronnement de Léopold II, Mozart a-t-il régressé ? La Clémence de Titus (1791), qui ne renouvelle pas la réussite d’Idoménée (1781), se réduit, pour certains, à une succession de – superbes – numéros où se perd le drame. Car drame il y a, de l’amour, de l’amitié, dont on ne sait pas bien où ils commencent et où ils finissent. Sextus n’est-il qu’un jouet entre les mains de l’ambitieuse Vitellia ? Quel jeu joue vraiment celle-ci ? Et qui est au fond ce Titus généreux ? Autant de questions passionnantes qui, pour d’autres, témoignent que Mozart reste toujours attaché à sonder le fond des âmes. Des metteurs en scène renommés, d’ailleurs, de Jean-Pierre Ponnelle à Martin Kušej, des Herrmann à David McVicar, ont voulu proposer leurs réponses.
A Lyon, Georges Lavaudant vient de rater son coup. Dans des décors très laids, tenant à la fois de l’Antiquité et de l’époque actuelle, du néoclassicisme blafard et du pop’art de pacotille, les personnages ont du mal à se définir, ambigus, parfois violents. Si le metteur en scène veut casser la prétendue rigidité du seria, on lui donne raison. Il s’en tient malheureusement à une esthétique des années soixante-dix, où il connut son heure de gloire ; elle semble très datée aujourd’hui, avec une gestuelle artificiellement expressionniste et une distanciation dont on ne voit ni l’origine ni la fin : ce Titus gros poupon attardé, grattant sa mandoline et câlinant sa peluche, paraît plus ridicule que profond, cette Vitellia capricieuse, qui ne dédaigne pas de peloter Annius, paraît plus peste que figure tragique. Cela sent la facilité. De quoi donner raison à ceux que l’ultime seria mozartien laisse sceptiques ou déçus.
Le ratage est d’autant plus flagrant que Jérémie Rhorer, dans la fosse, imprime un rythme à la représentation, qui ne connaît aucun temps mort, même dans les récitatifs. Les numéros ne se succèdent pas, ils s’enchaînent : quelque chose se passe toujours et le jeune chef réussit là où le metteur en scène échoue, même si sa direction un rien droite mais d’une grande souplesse agogique, privilégie un peu trop exclusivement l’énergie. L’Orchestre de l’Opéra, qu’il fait jouer à l’ancienne, sonne sec au début, en particulier dans l’Ouverture, ne trouvant que progressivement ses couleurs, pour donner toute sa mesure au second acte. La distribution, dans l’ensemble, satisfait sans toujours éblouir. Alexandrina Pendatchanska corrige heureusement ce qu’on veut lui faire faire, met de la souffrance dans son ambiguïté ; elle a du mal néanmoins à souder ses registres et à camoufler les trous de la tessiture, alors que le timbre est riche et l’aigu bien cambré, un authentique tempérament dramatique en tout cas. Le Sextus d’Ann Hallenberg s’avère beaucoup plus homogène vocalement, même si l’on peut trouver un peu timides les notes les plus graves, et stylistiquement exemplaire, plus convenu toutefois dans la composition. On n’aime pas moins le superbe Annius de Renata Pokupic, dont on se dit très vite qu’elle pourrait tout autant chanter Sextus et qui fait de l’ombre à la Servilia honnête de Judith van Wanroij. Ténor propret au timbre pauvre ou inexistant, Andrew Kennedy ne donne guère de relief à Titus, bien qu’il soit plus présent au second acte. Si bien que l’on remarque davantage, alors qu’il a si peu à chanter, le Publius de Nicolas Testé, pour la richesse du timbre cette fois et l’intimité avec le chant mozartien. Très bien préparé, le chœur tient toute sa place dans cette première production de la saison lyonnaise.
Didier van Moere
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