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Thielemann maître du Ring

Bayreuth
Festspielhaus
08/02/2008 -  Et les 13* & 25 août.
Richard Wagner : Le Crépuscule des dieux
Stephen Gould (Siegfried), Ralf Lukas (Gunther), Hans-Peter König (Hagen), Andrew Shore (Alberich), Linda Watson (Brünnhilde), Edith Haller (Gutrune), Christa Mayer (Waltraute), Simone Schröder (Première Norne), Martina Dike (Deuxième Norne), Edith Haller (Troisième Norne), Fionulla McCarthy (Woglinde), Ulrike Helzel (Wellgunde), Simone Schröder (Flosshilde)
Chœur et Orchestre du Festival, Christian Thielemann
Tankred Dorst (mise en scène)



(© Bayreuther Festspiele GmbH/Enrico Nawrath/2008)



Un Crépuscule des dieux marque toujours l’heure du bilan. Cette troisième édition du Ring a consacré Christian Thielemann comme grand chef wagnérien du moment, qui a pris, dans cette troisième journée, la musique de Wagner à bras-le-corps, en particulier dans le deuxième acte, où il a déchaîné les forces du destin avec une puissance toujours maîtrisée. La maîtrise caractérise en effet cette direction, ainsi que son sens de l’équilibre entre l’action et l’évocation, la narration et l’atmosphère, le rythme et la couleur, son art d’habiter la lenteur. Si la dernière scène du premier acte est très sombre et très dramatique, le tableau des Nornes baigne dans une pénombre crépusculaire, celui du Rhin plonge dans une fraîcheur lumineuse. Et le chef a beau avoir la tête épique, il n’empâte jamais sa baguette dans la glu d’un héroïsme appuyé : dans la Marche funèbre et la scène finale, la grandeur ne nuit jamais à la netteté des lignes et des plans sonores. Bref, depuis un Or du Rhin assez statique, on a parcouru un beau chemin.


C’est dire, une fois de plus, à quel point la direction s’est substituée à la mise en scène, prenant en charge dans la fosse ce qui manquait sur le plateau. Peupler le palais de Gunther, sorte de hall d’hôtel luxueux, d’hommes et de femmes vaguement décadents en tenue rappelant l’entre-deux-guerres, habiller Hagen d’une tenue de chasse, pour montrer qu’on est passé du mythe à l’histoire, laisser à Siegfried ses habits de la deuxième journée, tout cela n’apporte guère du nouveau. Tout au plus apprécie-t-on de voir en Gunther un roitelet d’opérette comique, sorte de précieux ridicule, antithèse du héros à jamais sauvageon ; on aime assez, aussi, ces Nornes tirant leurs fils au dessus d’un tas d’ossements, devant le ciel étoilé de la fin de Siegfried. Tankred Dorst est fidèle à son idée : tout a beau être périssable ou se pétrifier comme les statues antiques du palais du Gibichung - si goûtées des dictatures -, il reste toujours des vivants, comme ces amoureux couchés sur le pont qui enjambe le Rhin au troisième acte, là où Hagen assassine Siegfried. La fin d’une histoire n’est donc pas la fin de l’Histoire. La production pèche moins par l’idée que par la pauvreté de la direction d’acteurs, après l’éclaircie de Siegfried - qui était donc bien due à la musique. Dans le cas de Brünnhilde et de Hagen, par exemple, cela gêne d’autant plus qu’ils dominent la distribution.


La voix humaine étant un étrange phénomène, Linda Watson, dont on craignait le pire après les deux premières journées, a donné le meilleur. Certes, quelques notes sont attaquées trop bas et sonnent faux. Mais la voix s’est stabilisée, a pris de l’assurance, ne fatigue pas et domine parfaitement la scène finale. Sans aller évoquer le souvenir de celles qui ne sont plus, on saluera cette Brünnhilde attentive au texte, soigneuse de son phrasé et de ses nuances, investie, vivant son calvaire à la fois intensément et dignement. Le Hagen de Hans-Peter König, lui, incarne bien la méchanceté démoniaque du traître haineux et envieux, d’ailleurs moins noir que gris de timbre, à l’aigu et au grave bien assis, sombre et inquiétant dans le monologue du deuxième tableau, presque sauvage – mais aucun l’a-t-il vraiment été depuis Greindl et Frick ? - dans l’appel du deuxième acte, surtout jamais débraillé vocalement, digne fils de l’Alberich d’Andrew Shore. Malgré sa vaillance, Ralf Lukas, Donner remarqué de L'Or du Rhin, a paru parfois un peu gêné par la tessiture de Gunther et Edith Haller, Gutrune vibrante, n’a pas échappé à quelques acidités, surtout au premier acte. De même, si les Nornes ont bien inauguré la soirée, les Filles du Rhin ont semblé un peu mûres – elles n’étaient pas ainsi à l’avant-scène, dans L’Or du Rhin. Plus à l’aise que dans l’Erda de Siegfried, la belle Waltraute de Christa Haller, en revanche, très homogène de tessiture et de timbre, s’est bien approprié la déclamation de son récit, faisant du dialogue avec sa sœur un beau moment d’intensité dramatique. C’est le Siegfried de Stephen Gould qui a entaché la soirée. Après un premier acte honnête qui faisait un peu oublier la journée précédente, la voix s’est progressivement défaite au deuxième, avec des aigus escamotés, pour s’effondrer au troisième : là où il fallait retrouver une certaine fraîcheur, le ténor américain, épuisé, se réfugiait dans des notes époumonées, incapable du coup de phraser sa mort.



Didier van Moere

 

 

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