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1808

Oviedo
Auditorio Principe Felipe
08/18/2008 -  
Joseph Haydn: Quatuor n° 81 opus 77 n° 1 en sol majeur
Luigi Boccherini: Quintette n° 3 en si bémol majeur G447
Fernando Sor: Variations sur «Malbrough s’en va -t-en guerre»
Antonin Reicha: Quintette en si bémol majeur

José Miguel Moreno (guitare), Lorenzo Coppola (clarinette), La Real Camara: Emilio Moreno, Antonio Almela (violon), Antonio Clares (alto), Mercedes Ruiz (violoncelle)





Cette année, l’Espagne célèbre le bicentenaire de la guerre d’indépendance, à savoir la résistance à la lamentable expédition des troupes napoléoniennes, plus ou moins livrées à elles-mêmes, en Espagne, aventure (« erreur » dira l’Empereur lui-même dans le Mémorial) marquée par des exactions, des actes de vandalisme, des pillages et des massacres qui justifièrent un puissant sentiment anti-français – qui a laissé des traces – et ayant abouti à un retour du pays au Moyen-Age. La Principauté des Asturies présente d’ailleurs à cette occasion une intéressante petite exposition dans les locaux de son Parlement montrant notamment l’étroitesse de la voie choisie par les intellectuels nationalistes et libéraux de l’époque dont le grand Jovellanos, natif de Gijon.


Les organisateurs du cinquième festival de musique de la ville d’Oviedo ont décidé pour leur part de contribuer à leur manière à l’évocation de l’invasion du pays par les Français en imaginant une double programmation articulée autour de la création musicale de l’époque. Après un concert offert le 11 août dernier par l’ensemble intitulé El Concierto espanol et consacré au « symphonisme espagnol » (Pons, Moreno, Sor et Garcia), ce fut ainsi à La Real Camara de présenter le 18 août des pièces qu’on aurait pu jouer dans quelque salon de Madrid occupé. Haydn, connu et admiré au travers de ses éditions françaises, Boccherini, immigré italien mort dans la misère à Madrid, Sor, Espagnol immigré mort célèbre à Paris, et Reicha, Tchèque devenu professeur respecté au Conservatoire de Paris, furent ainsi choisis pour illustrer les relations conflictuelles et parfois ambivalentes entre les deux pays situés de part et d’autres des Pyrénées.


Cependant La Real Camara ne fut tout d’abord guère convaincante dans son interprétation de l’admirable Quatuor (1799) de Haydn. Elle privilégia la finesse des traits et la légèreté au détriment de la justesse et de l’élégance. Papa Haydn au détriment du philosophe. Le premier violon (Emilio Moreno, fondateur de l’ensemble instrumental en 1992) fut, de bout en bout, à côté, connaissant de très sérieux problèmes d’accord, son archet raclant en outre fâcheusement les cordes dans le menuet (d’origine française comme chacun sait), le Finale étant encore moins réussi que les mouvements précédents même si le caractère moderato de l’Allegro initial parut anormalement gommé. Antonio Almela, au violon, Antonio Clares, à l’alto, et surtout Mercedes Ruiz, au violoncelle, parfaite, firent de leur mieux pour sauver le quatuor.


L’ensemble parvint heureusement à effacer l’impression première, après un notable réajustement des cordes, lors de l’interprétation du Quintette de Boccherini, dédié « à la Nation française » (un des neuf échappés miraculeusement du désastre de l’expédition d’Espagne grâce aux bons soins d’ un officier français, et probablement composé en 1804 pour Lucien Bonaparte), en compagnie de Jose Miguel Moreno jouant une copie de guitare dite « goyesca ». Ce dernier adjectif, souvent utilisé sur les affiches des corridas présentées aujourd’hui en costume du XVIIIe siècle, n’est pas très précis mais renvoie à ces petites guitares jouées par de charmantes jeunes filles que l’on peut voir sur nombre de toiles et de cartons de Francisco Goya, autre futur émigré en France (à Bordeaux). Le deuxième mouvement Tempo di minuetto, un brin martial, était assurément le plus français, le troisième bénéficiant de la pulsation apportée par la guitare, à l’origine fournie par un piano, tandis que le dernier, très élégant, bénéficiait du parfait équilibre des instrumentistes.


Après une courte pause, permettant au public de déambuler dans l’auditorium et de visiter rapidement une curieuse exposition – le bâtiment est construit sur un ancien réservoir d’eau – sur le vin et la culture juive, le guitariste revint pour interpréter, seul, des Variations sur une chanson française populaire et assez caustique composée en 1709 et toujours au répertoire des familles, écrites par Fernando Sor et datées de 1810, ou plutôt pour nous conter une charmante histoire faite d’enthousiasmes et de moments de profonde déprime, la nostalgie du temps passé finissant par l’emporter et nous émouvoir sous les remarquables doigts de José Miguel Moreno.


Le concert s’acheva ensuite par le Quintette (1809) de Reicha, un authentique chef d’œuvre. L’ensemble instrumental y fut souverain et sut en compagnie de l’excellent Lorenzo Coppola, jouant une ancienne clarinette au son beaucoup plus feutrée qu’une clarinette moderne, en faire ressortir toute l’intelligence et l’élégance.


C’était somme toute un concert à ne pas rater et il est heureux que le public ait été nombreux à y assister. Moins que certains aient manqué, une nouvelle fois, de courtoisie vis-à-vis des artistes en quittant la salle à tout moment et en applaudissant bien modérément à l’issue du concert pour pouvoir se précipiter rapidement vers la sortie, prenant les interprètes pour des valets, comme en 1808.



Stéphane Guy

 

 

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