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Triste reprise

Paris
Opéra Bastille
06/07/2008 -  et 10*, 13, 16, 19, 22 & 26 juin, 1er, 4, 6 & 11 juillet
Giuseppe Verdi : Don Carlo
James Morris* (7, 10, 13, 16, 19 & 26 juin)/Ferruccio Furlanetto (22 juin, 1er, 4, 6 & 11 juillet) (Filippo II), Stefano Secco (Don Carlo), Dmitri Hvorostovsky (Rodrigo), Mikhail Petrenko (Il Grande Inquisitore), Paul Gay (Un frate), Tamar Iveri (Elisabetta), Yvonne Naef (Eboli), Elisa Cenni (Tebaldo), Jason Bridges (Il Conte di Lerma), Elena Tsallagova (Voce del cielo)
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris, Teodor Currentzis*/Piotr Belyakin (direction musicale)
Graham Vick (mise en scène)


(© A. Poupeney/Opéra national de Paris)


Production en friche, distribution mal réunie, direction foraine : tout est réuni pour que cette reprise de Don Carlo déçoive. La mise en scène de Graham Vick, qui privilégie les rapports individuels plus que la dimension politique, a toujours été sobrement classique, sans la volonté de renouvellement d’un Herbert Wernicke ou a fortiori d’un Peter Konwitschny, avec cette croix omniprésente, ces panneaux délimitant des espaces assez géométriques, pour montrer la sécheresse impitoyable de l’Espagne de Philippe II – à peine des toiles peintes laissent-elles entrevoir, au deuxième acte, un peu de nature. Elle n’en avait pas moins, au début, une tenue certaine : on a maintenant l’impression que les chanteurs sont livrés à eux-mêmes. On devrait obliger les metteurs en scène à assumer pleinement les reprises et à leur apporter le même soin que la première fois. Graham Vick, qui nous a offerts de beaux moments d’opéra, ne sort pas grandi de cette reprise de Don Carlo – pas plus d’ailleurs que Robert Carsen de celle des Capulets (lire ici). Sans doute n’y peut-on rien. Il est trop tard, aussi, pour regretter l’absence de l’acte de Fontainebleau – mais on a le finale complet du tableau de la prison, avec le lamento de Philippe II devenu plus tard le « Lacrymosa » du Requiem.


Rien n’empêchait, en revanche, de réunir une distribution à la hauteur de la partition. Ce n’est pas à Dimitris Tiliakos que l’on s’en prendra, qui a remplacé Dmitri Hvorostovsky défaillant. Sans être le Posa du siècle, il n’a pas seulement sauvé la représentation : doté d’une assez belle voix, il a chanté le rôle avec une grande probité, malgré des aigus blanchis dans les nuances – au moins les a-t-il faites – et se projetant du coup assez mal. Mais Yvonne Naef, que nous aimons ailleurs, notamment en Brangaine, se fourvoie en Eboli. Passe encore qu’elle ne se trouve guère à l’aise dans la Chanson du voile : on en a vu d’autres. Ce bas médium et ce grave plus que discrets, qu’elle a du mal à gonfler par des artifices, cette voix dure et sans couleurs, ces aigus arrachés qu’elle ne peut pas tenir comme le veut la partition et font de la fin de « O don fatale » un désastre, tout cela n’a décidément rien à voir, ni avec Verdi ni avec la princesse, qui appelle un falcon qu’elle n’est pas. Si Tamar Iveri se sort mieux d’affaire, elle peine à convaincre avec une Elisabeth qu’on aimerait plus royale. De la romance du deuxième acte, elle ne tire pas grand-chose. La voix révèle ensuite une certaine richesse de timbre, en particulier dans l’acte III, en dépit d’une pauvreté, ici aussi, du bas médium et du grave. Cela dit, le « Tu che la vanita » déçoit, en raison du peu de raffinement dans le legato, du manque de souplesse dans l’émission qui la gêne pour émettre ses aigus piano. James Morris, lui, a deux handicaps. Plutôt baryton basse que basse, il n’a pas vraiment la voix, à commencer par les graves, de Philippe II – José van Dam se trouvait dans le même cas. Il porte ensuite la marque des ans : la voix grisonne, ressemble à du charbon. Cela fait malheureusement oublier la classe et la présence du chanteur, même dans un « Ella giammai mamo » très bien phrasé. Et le rapport avec l’impressionnant Inquisiteur, éclatant de santé vocale, de Mikhaïl Petrenko, s’inverse au détriment du vraisemblable : on se demande, des deux, qui est le plus âgé. Le plus idiomatique reste ainsi Stefano Secco, déjà remarqué in loco dans Simon Boccanegra : très à l’aise sur toute la tessiture, lui a vraiment le style verdien. On lui pardonnera donc des notes un peu serrées, surtout dans l’aigu, une certaine avarice de nuances, un timbre un rien trop clair pour le rôle : l’Infant est bel et bien là, moins tourmenté qu’écorché vif, brûlant d’élans frustrés.


Présenté comme une révélation, Teodor Currentzis peut s’oublier, à moins qu’il ne fasse des progrès. Sa direction agitée a du mal à maîtriser le rapport entre la fosse et la scène, aidant peu les chanteurs à force de s’obstiner dans le forte - on croirait parfois un clone dégradé de Valery Gergiev. Il y a pourtant en lui un sens évident du théâtre, notamment dans le troisième acte. Ailleurs il semble décousu et débraillé, victime sans doute d’un tempérament qu’il faudra modérer. C’est quand il n’a pas à accompagner qu’il serait le meilleur, comme dans l’Introduction au deuxième acte ou celle de l’air de Philippe II, où l’on se régale du solo de violoncelle de Martine Bailly. Chœurs en moyenne forme. Oui, triste reprise.



Didier van Moere

 

 

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