Back
Une viennoiserie d'Amadeo Vives Paris Théâtre du Châtelet 05/27/2008 - Et les 29 & 31 mai, 1er & 3 juin Amadeo Vives : La Generala Carmen Gonzalez (Berta de Tocateca), Enrique Ferrer (Principe Pio), Beatriz Diaz (Princesa Olga), Itxaro Mentxaka (Reina Eva), Enrique Baquerizo (Cirilo II), Miguel López Galindo (Clodomiro V), José Luis Gago (Duque de Sisa), David Rubiera (General Tocateca), Enrique Viana (Dagoberto)
Chœur du Châtelet, Orchestre du Teatro de la Zarzuela de Madrid, José Fabra (direction)
Emilio Sagi (mise en scène)
L’héroïne de La Generala (1912) est une ancienne chanteuse française de variétés qui a épousé un général vénézuélien. Quand elle rencontre en Angleterre le fils du roi déchu et désargenté de Molavia, elle lui tourne la tête. Or l’héritier doit, pour renflouer les caisses de ses parents, épouser la fille de Clodomiro V d’Espartanopia, fort éprise du beau jeune homme. Heureusement, la Generala est bonne fille et tient à son mari : elle arrangera le mariage princier… et les affaires des souverains exilés. On pense évidemment à La Veuve joyeuse, créée sept ans plus tôt, d’autant plus que l’œuvre, abusivement associée à la zarzuela, est estampillée opereta. On ne dira pas qu’il y a tromperie sur la marchandise, mais certains sont partis déçus, s’attendant à des couleurs hispaniques, surtout s’ils connaissent les zarzuelas qui ont fait la notoriété d’Amadeo Vives, que les plus grands chanteurs espagnols, de Montserrat Caballé à Placido Domingo en passant par Alfredo Kraus, n’ont jamais dédaignées. Bref, en fait de turon, on nous sert une Sachertorte. Cela dit, il n’y a aucune raison de bouder son plaisir : le texte ne manque pas de sel et peut même s’avérer coquin ; la musique est de la meilleure veine, non sans subtilités dans les timbres.
Cette Generala trouve tout naturellement sa place au Châtelet, qui renoue, depuis l’arrivée de Jean-Luc Choplin, avec le répertoire léger dont il fut le temple. Beaux décors – un intérieur d’appartement cossu, un manège dans un jardin – de Daniel Blanco, beaux costumes de Jesús Ruiz dans le style des années folles, confettis pleuvant sur la salle à la fin : tout est fait pour le plaisir des yeux. Emilio Sagi, qui n’avait guère réussi Le Chanteur de Mexico, victime aussi des tripatouillages d’Agathe Mélinand, s’avère beaucoup plus heureux ici. Il imprime à la production un irrésistible mouvement, avec une chorégraphie genre music-hall, utilisant sans vulgarité tous les ingrédients du genre, réussissant également les passages plus sentimentaux, où l’on devient si vite mièvre.
José Fabra conduit d’une baguette alerte et gourmande les musiciens madrilènes – la production vient du Teatro de la Zarzuela –, qu’il pourrait parfois tempérer davantage pour ne pas couvrir les chanteurs. Ces derniers forment un ensemble homogène et de qualité, ce qui est capital pour ce genre de spectacle. Cela dit, le prince et les deux dames ont à chanter de véritables airs, où il faut montrer de l’aisance dans l’aigu : Enrique Ferrer coince un peu les siens mais chante joliment en évitant le piège de l’opéra à l’italienne, Beatriz Diaz est charmante en princesse Olga, tandis que la Generala de Carmen Gonzalez, parfaite en allumeuse au grand cœur, manque un peu de corps dans le médium et de velours dans le timbre. Le couple déchu est parfait : le Cirilo II d’Enrique Baquerizo porte beau scéniquement et vocalement, la Reina Eva d’Itxaro Mentxaka brûle les planches.
Didier van Moere
|