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A réveiller les morts

Freiburg
Konzerthaus
05/03/2008 -  
Wolfgang Amadeus Mozart : Adagio et Fugue K. 546 – Concerto pour piano N° 17, K. 453
Olivier Messiaen : Oiseaux exotiques – Et exspecto resurrectionem mortuorum

Roger Muraro (piano)
SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg, Sylvain Cambreling (direction)

Mozart et Messiaen : au-delà d’époques en apparence incompatibles, l’appariement se pressent bien, a fortiori quand il est assumé par un pianiste d’exception. En l’occurrence c’était Pierre-Laurent Aimard qui était annoncé pour ce concert, remplacé au dernier moment par Roger Muraro… gageons qu’en matière de solistes de rechange pour un tel programme le choix était plus que limité, et celui-ci s’impose avec évidence.


Au passage le changement de soliste impose aussi une petite modification des oeuvres : le juvénile et délicieux Dix-septième Concerto de Mozart remplaçant le Vingt-sixième initialement prévu, dont les grandes structures un rien formelles auraient peut-être mieux voisiné avec le reste du programme. Tant pis. Autre regret : que la mise en perspective des deux styles se limite à une symétrie autour de l’entracte. Une véritable alternance aurait sans doute été plus fertile en contrastes intéressants, mais au prix sans doute de constants changements de plateau trop difficiles à gérer.


Même si on ne l’attend pas forcément d’un tel pianiste, la sensibilité mozartienne de Roger Muraro s’écoute toujours avec plaisir. Le style est sobre et délié, un rien académique, mais bien en situation. Reste qu’une lecture aussi linéaire aurait besoin d’être davantage éclairée et soutenue par l’orchestre, ici vigoureux mais aussi passablement lourd, les vents paraissant davantage jouer parallèlement à la partie pianistique que dialoguer avec elle. On reste très en deçà du magnifique souvenir laissé par le même orchestre dialoguant avec Alfred Brendel, au Festival de Pentecôte de Baden-Baden 2005 (lire ici), mais sous la baguette, il est vrai, du génial Hans Zender. En ouverture de concert un Adagio et Fugue très sombre et fermement assis sur des graves puissants semble mieux convenir à Sylvain Cambreling, qui n’a par ailleurs aucun mal à obtenir une belle clarté polyphonique d’un ensemble de cordes d’une haute tenue.


Mais les pièces de résistance du concert se trouvent manifestement dans sa seconde partie, déséquilibre qui a sans doute contribué à réduire le temps de répétition consacré à Mozart (ce qui malheureusement s’entend bien). Place donc au bavardage coloré des Oiseaux exotiques, impeccablement détaillé par l’orchestre en petite formation de chambre sur le côté droit de la scène, et Roger Muraro relégué sur le côté gauche, dos au public. Sylvain Cambreling s’acquitte rigoureusement de son rôle sémaphorique indispensable, mais au delà de cette fonction de donneurs de repères il parvient aussi à restituer une vraie cohérence à l’écriture de Messiaen, ici particulièrement éparpillée et segmentée. On écoute vraiment une sorte de concerto, Roger Muraro s’ingéniant quant à lui à s’imposer en partenaire à part entière, avec ses moments d’effacement et aussi ses vrais instants de prise de pouvoir.


Fin de concert particulièrement impressionnante avec Et exspecto resurrectionem mortuorum, partition rarement jouée, et on comprend aisément pourquoi : effectif orchestral atypique excluant les cordes, formidable prédominance des percussions, énorme travail d’écoute mutuelle à réaliser sur les résonances, alors même que le tumulte ambiant inciterait plutôt les musiciens à protéger frileusement leurs oreilles de possibles traumatismes auditifs… Lors de la création de l’ouvrage à la Sainte Chapelle à Paris les vibrations étaient paraît-ils si monstrueuses que certains craignirent de voir les fines verrières gothiques du bâtiment céder sous l’onde de choc ! Dans le Konzerthaus de Freiburg, de dimensions moyennes, l’effet n’est guère moins soufflant. Tout le monde reste cependant imperturbable, seul le percussionniste cerné par ses trois grands tam-tam de bronze réprimant mal parfois quelques grimaces. Signalons par ailleurs une remarquable absence de déflecteurs, et des protections auditives assez parcimonieusement utilisées : la médecine du travail des musiciens du SWR aurait-elle encore quelques progrès à faire ? Quoiqu’il en soit on assiste ainsi à une lecture passionnante d’une œuvre à vrai dire assez géniale dans la réalisation de ses intentions mystiques grâce à des moyens sonores qui restent conventionnels. D’immenses effets de battements, de puissantes sonorité d’orgue, particulièrement impressionnantes quand les deux tubas s’en mêlent : à tous égards une œuvre hors du temps, mais dont aucun enregistrement n’est susceptible de restituer le véritable impact. Remercions donc chaleureusement l’Orchestre du SWR pour cette aventure, en espérant simplement que les acuités auditives des musiciens n’y auront pas subi de dommages irrémédiables.



Laurent Barthel

 

 

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